Rapporto sulle biblioteche italiane

2001-2003 ; 2004

par Stefano Mangano
a cura di Vittorio Ponzani ; direzione scientifica di Giovanni Solimine ; presentazione di Miriam Scarabò.
Roma : AIB, 2004. – 2 vol. (128, 142 p.) ; 24 cm.
ISBN 88-7812-143-6 : 35 €
ISBN 88-7812-182-7 : 20 €

Ces deux rapports de l’AIB, l’Association italienne des bibliothèques, nous donnent un excellent aperçu de la vie des bibliothèques sur l’ensemble du territoire italien, quelle que soit d’ailleurs leur typologie. On y trouve ainsi des dossiers qui nous éclairent sur la construction de nouvelles bibliothèques, voire le réaménagement à cette fin de bâtiments qui n’ont plus leur fonction primitive (usines, prisons…) ou sur d’ambitieux projets comme la Bibliothèque numérisée italienne, restée plutôt sur le plan national à l’état de projet, subordonné à l’amélioration du SNB, Service national des bibliothèques (l’équivalent du Sudoc). On citera encore les pages consacrées aux bibliothèques universitaires, aux campagnes de promotion de la lecture (par exemple Nati per leggere, Nés pour lire) ou à la réussite du réseau de bibliothèques de régions comme la Lombardie ou la Toscane.

Décentralisation

La Toscane ou la Lombardie, des villes comme Bologne ou Florence, figurent certes en bonne place, mais il existe des disparités : 49,6 % des bibliothèques se trouvent dans le Nord, 21,3 % dans l’Italie centrale et 29,1 % dans le Sud. Or ces disparités risquent de s’accentuer à la faveur même du transfert des compétences législatives de l’État aux régions pour ce qui est justement des musées et des bibliothèques des collectivités locales. Ce transfert prévu en 1972 (voir article 117 de la Constitution) est lui-même jugé favorablement – on souligne par exemple qu’il a permis la création de 2 853 nouvelles bibliothèques – mais on n’insiste pas moins sur la nécessité d’une politique cohérente au plan national, ainsi que d’accords entre des interlocuteurs institutionnels comme l’État, l’Université ou l’École.

De ce point de vue – mais cela donne aussi une idée de la lenteur du processus – on juge positivement, bien qu’intervenant trente ans plus tard, la réunion du 25 octobre 2002 entre l’ANCI (Association nationale des mairies d’Italie), l’UPI (Union des provinces italiennes) et les régions, en vue de rédiger un accord – qui reste à signer – entre ces dernières et l’État sur les bibliothèques et, surtout, l’approbation par ces mêmes groupements de collectivités, le 23 octobre 2003, des Axes de politique des bibliothèques pour les collectivités autonomes.

La réforme du ministère de la Culture italien

Le transfert des compétences législatives de l’État aux collectivités locales a entraîné entre autres une réforme du MBAC, Ministero per i beni ambientali e culturali (l’équivalent de notre ministère de la Culture) qui compte désormais quatre départements. Mais on souligne à raison quelques incohérences, dont la séparation de l’Institut pour le catalogue et la documentation, rattaché au Département de la recherche, et de l’ICCU (Institut central pour le catalogue unique) qui, lui, est sous la tutelle du Département des archives et des livres.

Et on ne peut pas ici taire l’approbation de cette Loi de sauvegarde (Legge di tutela) du patrimoine culturel et naturel, qui a vu le jour le 22 janvier 2004, en même temps, justement, que le Code relatif aux biens culturels et aux ressources naturelles. Si cette loi confirme le rôle attribué par l’État aux collectivités locales par l’article 117 de la Constitution, si elle peut aussi satisfaire en raison d’une conception unitaire du patrimoine culturel, elle ne laisse pas moins d’inquiéter en raison de son article 12 qui semble bien relativiser la notion de « bien culturel » : celle-ci serait à vérifier au cas par cas et, si le résultat de l’expertise est négatif, le « bien » en question pourra être exclu du principe de sauvegarde.

À lire les deux rapports de l’AIB, on a enfin le sentiment que le mot « décentralisation » (ce qu’est en définitive le transfert de compétences), s’il s’oppose à « pouvoir centralisé dans les mains de l’État », n’exclut pas – et au contraire présuppose – tout un travail de coordination. En sont une preuve les réseaux de bibliothèques qui se sont constitués localement et dont la réussite réside dans la plus large coordination possible. Les nouvelles technologies y sont indéniablement pour quelque chose, mais le mouvement semble bien orienté vers un partenariat territorial toujours plus étendu qui, en passant par les régions, concernerait l’ensemble du pays. Ce mouvement aurait même tendance à aller plus loin s’il est vrai qu’on accueille souvent des directives et des initiatives européennes, et qu’on se réfère aussi volontiers à l’Unesco ou à l’Ifla. C’est le cas notamment du premier paragraphe des Axes de politique des bibliothèques pour les collectivités locales autonomes, déjà cité.

Pour une reconnaissance du métier de bibliothécaire

La création d’un réseau de bibliothèques, localement bien organisé et largement ouvert, ne semble pouvoir se réaliser sans une organisation et une reconnaissance de la profession de bibliothécaire. Il n’existe pas en Italie, comme c’est le cas en France, un corps des bibliothécaires et la tentative d’en créer un, dans les années 1990, a été vouée à l’échec. D’où l’initiative de l’AIB elle-même, en 1998, de créer un « Registre (Albo) des bibliothécaires italiens » – l’inscription à celui-ci étant accordée sur la base de diplômes et/ou d’expériences professionnelles – qui toutefois n’a pas eu le résultat escompté et, bien que fondée sur des normes européennes, a été perçue comme une initiative « privée ». Elle a donc été abandonnée, du moins provisoirement, mais elle pourrait être relancée si les circonstances s’y prêtaient ou l’exigeaient à l’avenir.

La constitution d’un corps des bibliothécaires, quelles qu’en soient les modalités, ne saurait – cela va de soi – ne pas tenir compte de la formation que le futur bibliothécaire recevra désormais dans le cadre de l’Université et à l’intérieur de la réforme européenne de celle-ci (LMD). Il existe en Italie, tout d’abord, une formation qu’on pourrait définir comme générale et qui ouvre la voie à bien d’autres professions que celle du bibliothécaire type. Il s’agit de ce cursus qu’on nommait, avant la réforme, « Conservation des biens culturels » (son institution remonte à 1979) et, à présent, « Sciences des biens culturels ». Mais à l’intérieur de ce cursus peu nombreux semblent être – dans les quarante-six universités qui en ont organisé un – ceux qui choisissent la filière « Archivistique et bibliothéconomie » par rapport à ceux qui choisissent la filière historique et/ou artistique ou encore archéologique. Mérite mention, pour conclure, l’existence depuis seulement 2003-2004 d’un cursus d’études spécifiques en archivistique et bibliothéconomie dans dix universités différentes (Udine, Macerata-Fermo, Urbino…), qui viendront épauler la bien connue École spéciale pour archivistes et bibliothécaires de l’Université de Rome, La Sapienza.