Une bibliothèque
la bibliothèque de l'Université Paris 8 à Saint-Denis, de Pierre Riboulet, architecte
Agnès Paty
10 €
Cinq ans après l’ouverture de la bibliothèque de l’Université Paris VIII, le Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE) de la Seine-Saint-Denis, inaugure, sous la plume d’Agnès Paty, architecte, la collection « Architectures à lire en Seine-Saint-Denis » en rendant hommage à Pierre Riboulet, maître d’œuvre inspiré de l’une des plus belles réalisations architecturales publiques des dernières années.
Cet ouvrage de 88 pages, très illustré, se veut didactique. Après une introduction présentant le rôle fédérateur du nouveau bâtiment de la bibliothèque dans l’université et dans la ville, l’ouvrage s’organise en quatre parties.
« La bibliothèque ne saurait être un lieu ordinaire » (Pierre Riboulet)
La première décrit, sous la rubrique « Construire », le lieu d’implantation du nouveau bâtiment dans un contexte urbain hétérogène et disparate, le choix de l’architecte par concours en 1991, l’organisation du bâtiment (volumétrie, échelle, couleurs et matières), la réponse donnée par l’architecte au programme de l’ouvrage à construire : unification de l’université située de part et d’autre d’une grande artère automobile, apport « pacificateur » du bâtiment dans un contexte urbain très dur, réflexion humaniste sur le rôle d’un équipement culturel majeur structurant l’espace sans l’écraser.
La seconde partie s’intitule « Comprendre ». Elle décrit le projet de l’intérieur au cours d’une promenade-découverte de la richesse des volumes voulus par Pierre Riboulet pour créer l’intimité des lieux et leur appropriation par le public. Et, puisqu’il s’agit de faire comprendre l’architecture, l’ouvrage engage le lecteur dans la subtilité de cette construction qui paraît si sage de l’extérieur, mais qui recèle, en son cœur, une infinité de lieux possibles, de lumières et de transparences, d’intimité retrouvée, de sérénité et de protection, tout en s’inscrivant dans une dynamique des formes et des espaces.
Des « documents » viennent s’insérer dans le texte lui-même, décrivant par petites touches le parcours et les références de Pierre Riboulet en matière de traitement de l’espace, d’un espace qu’il souhaitait rendre le plus généreux, le plus heureux possible, à son utilisateur.
Des clés pour lire l’architecture
La troisième partie de l’ouvrage poursuit la réflexion sur l’architecture voulue par Pierre Riboulet pour la bibliothèque, reprenant les thèmes de l’organisation de l’espace, de sa fluidité engendrant la douceur, pacifiant en quelque sorte le lecteur lui-même, des mouvements de la lumière jusque dans la profondeur la plus intime du bâtiment, de l’utilisation du blanc comme couleur emblématique pour la façade comme pour les murs et cloisonnements intérieurs.
La dernière partie parle de la liberté « d’usage » du bâtiment : liberté d’accès, libre accès aux collections, liberté de prendre possession du lieu en s’installant dans des espaces publics dont le mobilier est en harmonie constante avec l’architecture, tout comme la signalétique qui, par ses touches de couleurs, guide le néophyte vers les chemins menant à la connaissance ; qualité du silence retrouvé enfin, dans un espace à la fois « en retrait du monde et relié au monde ».
Le dernier quart de l’ouvrage, également didactique, est consacré à l’information sur les bibliothèques (définition, idéal, bibliothèque mythique d’Alexandrie, bibliothèques publiques, universitaires, bibliothèques remarquables), éléments repères sur les acteurs du projet, les chiffres les plus significatifs sur le bâtiment, les réalisations de Pierre Riboulet en termes de bibliothèques, son œuvre écrite et quelques éléments de biographie qui retracent son parcours.
Si l’on peut regretter parfois une surabondance de photographies, dont certaines sont vraiment redondantes et empiètent un peu trop sur le texte, il faut rendre hommage à l’auteur de l’ouvrage d’avoir su donner aux néophytes quelques clés pour apprendre à lire l’architecture (et les bibliothèques) et pour apprécier le travail d’un maître qui avait su donner à son métier des lettres de noblesse en mettant à son service des qualités humaines et philosophiques exceptionnelles, sans jamais en tirer vanité.
Que son art se soit exercé sur la conception des bibliothèques, tant publiques qu’universitaires, est un grand honneur. Quelques-uns d’entre nous ont eu l’immense privilège et le bonheur d’avoir accompagné Pierre Riboulet, à un moment donné, dans son travail sur les bibliothèques. Nous tous, sans exception, en avons été marqués dans notre vie et dans notre esprit. Chaque hommage qui lui est rendu est l’expression de notre reconnaissance pour ce qu’il nous a donné.