Les nouvelles grandes bibliothèques
Journée d'étude de l'ADBGV
Françoise Danset
Les 14 et 15 mars 2005, les membres de l’Association des directeurs des bibliothèques municipales et intercommunales des grandes villes de France (ADBGV), ceux que l’on se plaît à nommer « les grands directeurs », tenaient leur assemblée générale – suivie d’un conseil d’administration, qui a vu élection d’un nouveau président – et leur journée d’étude, à la nouvelle Bibliothèque municipale de Marseille, l’Alcazar.
Ainsi, Alain Caraco, président fondateur de l’association étant parvenu au terme de son mandat de trois ans, c’est Gilles Gudin de Vallerin, directeur de la Bibliothèque municipale à vocation régionale (BMVR) de Montpellier, qui a été élu président de l’ADBGV.
L’association poursuivant son étude des problèmes des grands établissements, la journée d’étude avait pour thème « les nouvelles grandes bibliothèques ». Elle a bien entendu commencé par une visite détaillée de la bibliothèque de l’Alcazar, ouverte au public depuis un an.
Du programme au bâtiment
Tout d’abord fut abordée la phase construction et bâtiment : de l’élaboration du programme au fonctionnement normal du bâtiment, en passant par l’étape de montage du projet, l’organisation des services et des collections, les choix techniques, la gestion de la sécurité.
À tout seigneur tout honneur, la parole fut d’abord donnée au directeur de l’Alcazar, la dernière née des BMVR, François Larbre, et à ses collaborateurs : le programmiste, l’un des architectes (cabinet Fainsilber), les responsables de l’animation et de la communication et un conservateur stagiaire de l’Enssib en charge d’une enquête sur les publics, permettant d’analyser les causes du « succès public » de l’Alcazar.
Le directeur, un an tout juste après l’ouverture, affiche son optimisme : mission accomplie, objectifs atteints. Les ratios de prévision ont bien fonctionné : sur l’ensemble du réseau marseillais, on totalise un million d’entrées en un an, 1,5 million de documents prêtés, 150 000 lecteurs inscrits.
L’objectif de rénovation urbaine est lui aussi atteint avec un bâtiment de 21 000 m2, situé en plein centre ville, une fréquentation constituée à 21 % des habitants du quartier et à 50 % de personnes n’ayant jamais fréquenté une bibliothèque.
François Larbre exprima cependant quelques regrets : des collections qui se montrent vite relativement insuffisantes devant une telle demande, et la perte d’espaces intérieurs récupérés par les pompiers à des fins d’évacuation, en raison de l’étroitesse des rues adjacentes.
L’expérience marseillaise fut ensuite confrontée avec le projet de Clermont-Ferrand, en cours de programmation, présenté par la directrice de la Bibliothèque municipale et interuniversitaire, Livia Rapatel *. La construction d’un seul bâtiment de 25 000 m2 en centre ville a été décidée en 1997, projet repris en maîtrise d’ouvrage en 2002 par la communauté d’agglomération.
Le programme, qui a fait l’objet de nombreux groupes de travail thématiques, sous la houlette des deux tutelles et d’un programmiste, le cabinet Café programmation, est donc unique pour toutes les fonctions. Les collections sont entièrement fusionnées en six champs thématiques et deux niveaux : jusqu’à la licence ; 3e cycle et spécialisation. Les secteurs jeunesse proposeront aussi six champs thématiques. Seules les collections scientifiques, au niveau recherche, seront localisées dans un autre bâtiment.
L’ouverture de la bibliothèque centrale est prévue en 2009, tandis que, sept bassins de lecture ayant été délimités pour l’ensemble de l’agglomération, deux autres bibliothèques devront voir le jour dans deux autres communes.
La départementalisation des collections
Fut ensuite évoqué le thème de la présentation des collections : résolument départementalisées par grands thèmes dans les expériences présentées.
Patrick Bazin, directeur de la BM de Lyon Part-Dieu, indiqua qu’il s’agissait plus d’un problème de public que de collections, et que les solutions d’adéquation entre une très grande richesse de l’offre et une demande diffuse passent par la médiation et la compétence des équipes.
La départementalisation est très déconcentrée à Toulouse, qui a la particularité d’avoir séparé lecture publique, dans un bâtiment récent ouvert en même temps que Marseille, et bibliothèque d’étude restée dans le bâtiment ancien rénové.
Outre le décloisonnement des collections, la BMVR de Montpellier tente également le décloisonnement des publics et dans la moitié de ses espaces a rassemblé les collections adultes et jeunesse. Cela a demandé quelques aménagements du mobilier, mais on constate de bons résultats, avec quelques difficultés à gérer, comme le déséquilibre des collections dans certains secteurs.
On a aussi départementalisé à Marseille, en mêlant les supports, et en tenant compte des contraintes du bâtiment pour une répartition thématique zonée. La signalétique et l’accueil permettent de bien renseigner un public qui est sans préjugé sur la présentation de collections.
Dans tous les cas, on relève que la départementalisation doit aussi toucher les acquisitions, faire l’objet d’une approche réseau et l’on se pose la question de la départementalisation des ressources électroniques.
Les nouveautés technologiques
On aborda aussi la question des nouveautés technologiques adoptées dans les grands établissements.
La RFID (Radio Frequency Identification) est une expérience à demi concluante à Marseille, en raison de l’impossibilité, à l’époque du choix des fournisseurs, de coupler le processus d’identification du document, à puce, et le système antivol, magnétique. Un compromis a pu être trouvé en réunissant les deux systèmes sur une même étiquette, qui doit cependant être lue par deux platines placées côte à côte. Une technologie hybride qui posera tôt ou tard la question d’un rééquipement.
La borne Wifi de la BMVR de Troyes (17 points en France), offerte par le ministère de l’Éducation nationale, permet l’accès direct à Internet par les ordinateurs personnels des lecteurs.
Le consultant Christian Ducharme conclut sur la question des technologies au service des grands établissements en indiquant que le bibliothécaire d’aujourd’hui doit maîtriser à la fois les technologies de réseau, les technologies relatives au document et les technologies du web.
Une journée riche de réflexions, qualifiée par Jean-François Jacques dans sa conclusion d’aller et retour entre le rêve des projets et la réalité des équipements.
On s’attendait sans doute à un peu moins d’optimisme, à l’expression de quelques doutes car on sait qu’au-delà d’objectifs chiffrés visiblement atteints, les problèmes de fonctionnement sont nombreux dans les grands établissements.