Bollettino AIB. Rivista italiana di biblioteconomia e scienza dell'informazione

nos 4-2003 à 3-2004

par Danielle Dubroca
Roma : Associazione Italiana Biblioteche.
ISSN 1121-1490
Abonnement annuel (4 numéros) : 105 € – Le numéro : 15 €
Consultable sur le site : http://aib.it/aib/boll/

Cette année a vu un approfondissement du travail et des recherches de l’AIB (Associazione Italiana Biblioteche) selon trois axes : l’organisation de l’administration des bibliothèques italiennes, dans un tissage plus serré de réseaux, locaux, régionaux, nationaux ; l’ouverture plus grande au public de bibliothèques réservées, comme celle du Sénat * ; la préoccupation européenne, attentive aux nouveaux membres, dont certains, comme la Slovénie, ont des liens avec l’Italie depuis l’Empire romain. Parallèlement, se poursuit la tâche de recherche historique sur le riche passé des bibliothèques italiennes.

Les bibliothécaires italiens et le fascisme

Alberto Petrucciani, de l’Université de Pise, présente les premiers résultats d’une recherche sur le vaste sujet du rapport entre bibliothécaires italiens et fascisme, à la lumière de plusieurs parcours personnels (no 4, 2003). Les bibliothécaires avaient largement participé à la guerre de 1914-1918. À leur démobilisation, le fascisme naissant leur proposait des valeurs qu’ils pouvaient partager : sens de la patrie, de l’État, de la culture nationale, de l’ordre et du respect de la hiérarchie des positions et des mérites, etc. Mais, en fait, il n’y a guère de traces d’une emprise du fascisme sur les bibliothécaires. Ils le virent comme un moindre mal, ou adoptèrent une attitude de simple machiavélisme. Après les illusions du début, il s’avère que le fascisme suscita un sentiment d’étrangeté croissant, un antifascisme existentiel, plutôt que politique. Les adhésions sont peu nombreuses chez les bibliothécaires.

Les bibliothèques étaient des refuges pour ceux qui y étaient entrés avant le déploiement du fascisme (à l’exception capitale des bibliothécaires juifs qui furent mutés, puis limogés, malgré les efforts de leurs collègues pour les protéger). Les bibliothèques ne furent pas vraiment victimes d’une épuration féroce, ni d’une fascisation forcée. Elles jouèrent plutôt le rôle d’accueil des professeurs mis à l’écart et chassés de leur fonction. Par la suite, lors de l’occupation nazie, les bibliothèques romaines, entre autres, cachèrent et protégèrent juifs, antifascistes et réfugiés.

Une direction administrative vit le jour en 1926, la Direzione generale delle accademie e biblioteche, qui subsiste encore. Elle servit de tampon entre le pouvoir politique et les bibliothécaires. L’Associazione dei bibliotecari italiani naquit en 1930. Association professionnelle non officielle, elle ne cessa de jouer un rôle de coordination, de recherche. L’intervention fasciste pesa surtout sur les nominations et les promotions. Le pouvoir ne put exercer de pression idéologique significative et sa politique proclamée était de conciliation, non de persécution. Il s’agissait donc pour les bibliothécaires de gagner du temps, pour faire traîner les mesures les plus désastreuses.

Des initiatives de résistance plus frontale eurent lieu par exemple contre la liste de censure des auteurs, sans résultat, mais sans sanction, et avec une note du ministère, qui conseillait une attitude de souplesse dans son application. Une culture fondamentalement libérale-démocrate prévalait chez les fonctionnaires. Conserver son poste, c’était non seulement se préserver, mais aussi préserver le droit de s’exprimer et d’agir pour le bien des bibliothèques, la protection de ceux qui étaient réprimés, « au service de la Nation ».

L’administration régionale des bibliothèques italiennes

Deux articles nous paraissent révéler la complexité du problème de l’administration régionale des bibliothèques italiennes et de la recherche d’une politique nationale. Fausto Rosa, dans la rubrique Discussioni du numéro 1, 2004, insiste sur le fait que le cadre institutionnel devrait être celui d’un service national des bibliothèques : une bibliographie nationale complète et à jour, des catalogues collectifs, des infrastructures de réseau, de fournitures de notices et de circulation des documents.

Les régions ont produit un document d’une grande valeur sur les services décentralisés, Linee di politica bibliotecaria per le autonomie. Néanmoins, l’auteur affirme que, pour aller au bout de la décentralisation souhaitée, un pas de plus est nécessaire : détacher de l’État les grandes bibliothèques publiques afin qu’il concentre son intervention sur les services bibliographiques nationaux, qui devraient être confiés à une bibliothèque nationale unique, réunissant celles de Rome et de Florence. Un comité national composé de représentants locaux observera la poursuite des objectifs : coordination, indicateurs statistiques, standards d’investissement, définitions de plans, etc. Ce document, acte politique important, s’appuie seulement sur la Conférence des présidents des régions et des provinces autonomes, le premier niveau des instances régionales. Il faudrait donc passer aux échelons supérieurs. Mais les conclusions du document convergent avec celles de la dernière Conférence des bibliothèques de novembre 2003. Entre le ministère et les régions existe donc une véritable concordance, qu’il faut mettre en œuvre concrètement.

La bibliothèque numérique italienne

De la réussite de cette convergence dépend aussi le développement de la BDI, Biblioteca digitale italiana.

Claudio Leombroni (no 2, 2004) examine les obstacles internes ou institutionnels qui ont retardé la mise en œuvre de cette bibliothèque virtuelle, en particulier la très longue mise en relation de toutes les bibliothèques dans le SBN (Servizio bibliotecario nazionale), le Service national des bibliothèques (1985-1992) et la création de leur catalogue collectif, l’ICCU. Ces structures ont constitué un inévitable point de départ mais aussi un frein à une organisation plus innovante, moins bureaucratique.

Le comité pilote de la BDI a lancé différents projets : numérisation des catalogues historiques des bibliothèques publiques, participation au réseau européen Renaissance virtuelle, définition d’un programme de numérisation des documents musicaux manuscrits et imprimés, plan de numérisation des publications périodiques. L’auteur défend une conception nouvelle qui comprendrait les sites web d’intérêt général, orienté vers l’usager.

Selon le dernier projet ministériel du 18 mars 2003, Biblioteca digitale italiana e Network turistico culturale, il faut fondre dans une architecture unique le SBN, la BDI et aussi des centres de Knowledge Management, créer une structure nationale et régionale pour soutenir le secteur du tourisme culturel, une base d’état civil et l’interconnexion avec les services postaux et bancaires et de nouveaux services à caractère commercial. L’auteur constate que ni les universités, ni les régions n’ont encore fait les efforts nécessaires pour la création de ce réseau.

Dans le no 3, 2004, le directeur de la publication, Giovanni Solimine, met en garde contre l’externalisation du travail et la précarisation des personnels dont 30 % n’ont ni perspective de carrière, ni intégration aux structures. Ce sont des freins importants à une véritable synergie en réseau qui devrait profiter à la qualification du personnel, à la qualité du service.