Les contrats emplois-jeunes
Une nouvelle manière de devenir bibliothécaire ?
L’auteur de l’article fait le bilan du dispositif des emplois-jeunes qui répondait à des besoins de services nouveaux, comme la médiation auprès des publics et l’animation des espaces multimédias, et au souci d’améliorer la situation de l’emploi des jeunes, dans un contexte peu favorable à l’emploi public. Ce dispositif a-t-il constitué une nouvelle voie d’accès aux métiers des bibliothèques ? Un encadré présente l’exemple lillois.
The author of the article gives an assessment of a youth employment scheme which has corresponded to the needs of new services, such as working with the public, facilitating the use of multimedia areas, and the concern to improve the situation for youth employment, in a context which is not favourable to employment in public service. Has this scheme created a new route of access to the profession of librarianship? An insert presents an example from Lille.
Rückschau über die Anstellung von jungen Arbeitslosen, eine Regelung die einerseits neuen Servicebedingungen entsprach (z.B. allgemeine Informationsvermittlung oder Betreuung in Medienräumen) und andererseits dem Bestreben die Anstellungsmöglichkeiten für junge Leute innerhalb eines stagnierenden Arbeitsmarkts zu verbessern. Stellt diese Anordnung einen neuen Weg zu den Bibliotheksberufen dar? Ein Kasten zeigt das Beispiel der Stadt Lille.
El autor del artículo hace el balance del dispositivo de los empleos-jóvenes que respondía a necesidades de servicios nuevos, como la mediación ante públicos y la animación de los espacios multimedias, y a la preocupación por mejorar la situación del empleo de los jóvenes, en un contexto poco favorable al empleo público. ¿Ha constituido este dispositivo una nueva vía de acceso a los oficios de las bibliotecas? Un recuadro presenta el ejemplo de la ciudad de Lille.
Depuis de nombreuses années, les services publics et en particulier les bibliothèques emploient des personnels jeunes, de statuts variés, vacataires ou contractuels, qui connaissent là l’une de leurs premières expériences professionnelles, parallèlement à la poursuite de leurs études ou au terme d’un cursus scolaire et universitaire.
Il est une catégorie de contractuels qui, par leur nombre, mérite qu’on s’y attarde, ce sont les emplois-jeunes. Volontairement, on n’approfondira pas ici des questions de fond comme celles de la précarisation de l’emploi public ou du bien-fondé économique de ce dispositif social. On essaiera plutôt d’interroger le système comme une donnée de fait à laquelle chaque collectivité, et de nombreuses bibliothèques, sont confrontées. Interrogation d’autant plus opportune que ce sont 150 000 emplois-jeunes qui auront vu leur contrat s’achever entre 2002 et 2007.
On peut se demander si l’importance des recrutements provoqués par ce dispositif ambitieux n’a pas préfiguré une nouvelle manière d’accéder à l’emploi public, et, tout particulièrement, aux emplois des bibliothèques.
Un dispositif inédit
Les emplois-jeunes ont succédé en octobre 1997 aux TUC (travaux d’utilité collective) créés en 1994.
Bernard Simonin donne une bonne définition de ces emplois-jeunes et de l’esprit dans lequel ils ont été créés : « … Faciliter le recrutement de publics connaissant des difficultés particulières d’emploi et favoriser l’émergence d’activités nouvelles dont l’utilité sociale est reconnue, mais dont le développement semble entravé par la faiblesse d’une demande solvable que ni le libre jeu du marché, ni l’action publique traditionnelle ne parviennent à faire progresser. » 1
On peut donc considérer que le programme des emplois-jeunes a tenté de rompre avec le principe des dispositifs qui l’ont précédé (TUC, SIVP [Stage d’initiation vie professionnelle] ou CES) qui ne visaient guère qu’à faire baisser les chiffres du chômage des jeunes sans vouloir réellement explorer des activités nouvelles. La dénomination précise du dispositif « Nouveaux services, emplois-jeunes » rend bien compte de sa double dimension, d’une part répondre à des besoins de services n’ayant pas encore reçu de réponses adaptées, d’autre part améliorer la situation de l’emploi des jeunes. Les moyens publics ont été importants puisque l’État, à lui seul, aura consacré depuis 1997 plus de 5 milliards d’euros à ce programme.
Environ 10 % des emplois-jeunes travaillant dans le secteur culturel, les bibliothèques et leurs personnels les ont accueillis en nombre. De fait, les bibliothèques, institutions préoccupées d’innovation, constituent des lieux privilégiés de formation par la diversité des compétences et des goûts de celles et ceux qui y travaillent. Il suffit de voir la satisfaction des stagiaires de tous horizons qui s’y succèdent et l’abondance des demandes. Ce « baptême par immersion » dans un milieu familier de l’accueil et de la formation n’aura donc pas été sans vertus.
Au-delà de cette attitude ouverte, le discours critique des bibliothécaires trouve une partie de ses explications dans un contexte de moins en moins favorable à l’emploi public. En effet, si l’on observe les vingt dernières années, on constatera que l’on est passé peu à peu d’une période de forts recrutements dans les bibliothèques territoriales et dans celles de l’État à la période actuelle, marquée par une volonté de faire baisser la masse salariale des fonctions publiques, par exemple en ne remplaçant pas systématiquement les agents partant à la retraite ou en recrutant leurs remplaçants à un niveau statutaire moindre.
Un bilan qualitatif
Pour beaucoup de jeunes, ce contrat aura été l’occasion d’obtenir un premier statut social, l’occasion de quitter le logement familial, mais en gagnant une autonomie très précaire. Cependant, comme l’écrit Caroline Vuillerot, « aucun en tout cas ne semble se laisser porter par les événements » 2.
Sans vouloir généraliser, tant les profils et les trajectoires sont variés, on a parfois la sensation que c’est le principe de plaisir qui l’a emporté : l’amateur de jeux vidéo est devenu animateur multimédia, la militante associative bénévole ou le « grand frère » de la cité sont devenus « médiateurs du livre ». D’où la difficulté, lorsqu’il faut quitter le terrain du ludique et de la spontanéité et se confronter à des règles de vie commune, à s’intégrer à une équipe de titulaires. Des principes simples que partagent les fonctionnaires – rendre compte, communiquer par des voies hiérarchiques, avoir conscience que ses comportements engagent l’institution à laquelle on appartient et son image – peinent à être adoptés. Pour ces jeunes, il ne s’agit pas seulement d’entrer dans le monde du travail, mais aussi de se socialiser et d’apprendre à travailler en équipe, à fonctionner autrement que sur le seul mode affectif. Démarche et attitude d’autant plus difficiles à adopter dans un monde où, au quotidien, les jeunes sont confrontés à l’injustice, à l’incivilité, aux discriminations et doivent résoudre tant de difficultés (logement, santé, vie familiale).
Mais il est un versant très positif de l’arrivée des emplois-jeunes dans les bibliothèques et les témoignages abondent d’expériences réussies. Leur regard, leur décalage, leur remise en cause de pratiques routinières, leur exploration de nouveaux territoires, leur proximité de publics souvent éloignés des bibliothèques, leur désir de formation, ont apporté dans bien des établissements un souffle nouveau, une sensibilité à des problèmes jusqu’alors ignorés ou éludés et des compétences utiles.
Comme l’écrit Bernard Simonin dans l’article cité plus haut : « [Les emplois-jeunes] ont favorisé une création massive d’activités de services dans des domaines diversifiés où la demande sociale est forte sans occasionner de substitutions importantes à des emplois déjà existants du secteur public ou du privé. Leurs bénéficiaires s’en disent satisfaits en dépit de réserves sur les salaires, l’accès à la formation professionnelle et la validation des acquis. Reste à savoir si et comment ces activités seront pérennisées à l’issue du programme. » 3
Les deux axes privilégiés de recrutement des emplois-jeunes dans les bibliothèques ont été la médiation auprès des publics et l’animation des espaces multimédias. Il faut bien sûr insister ici sur le fait qu’ils ont pu mener ces activités grâce au concours de collègues titulaires plus expérimentés qui avaient été à même d’identifier ces nouveaux besoins.
Au moment même où les statistiques nationales confirment l’érosion de la fréquentation des bibliothèques et montrent les limites d’une seule politique d’offre d’équipements, les activités de médiation à l’échelle d’un quartier, les partenariats institutionnels et associatifs, les actions hors les murs sont d’autant plus indispensables. Dans bien des cas, les médiateurs emplois-jeunes ont ouvert des voies qu’il est indispensable de prolonger si l’on veut gagner de nouveaux publics en continuant à mener « la bataille de la lecture ».
Les bibliothèques ont été, et sont encore, dans les villes les services les plus actifs et les plus innovants en matière d’offre d’Internet public et de formation d’un très large public à l’usage des nouvelles technologies de communication. L’apport des emplois-jeunes a coïncidé avec la mise en place de politiques volontaristes de l’État et des collectivités locales dans ce domaine. Cette offre est désormais intégrée à la vie et à l’offre des établissements. Elle s’inscrit dans ce qui constitue la voie d’avenir de l’activité des bibliothèques publiques : l’accompagnement des activités de formation initiale et continue. Pratiquement dans tous les cas, les emplois-jeunes auront bien rempli dans les bibliothèques l’activité spécifique pour laquelle ils avaient été recrutés.
On peut donc considérer comme positive cette interaction entre des besoins nouveaux des bibliothèques et de leurs publics et l’arrivée en nombre de jeunes dans le cadre de ce dispositif de recrutement.
Une voie privilégiée d’accès aux métiers des bibliothèques ?
Dans un article sans complaisance 4, Bruno Guentch souligne que le législateur avait l’ambition de créer de « nouveaux métiers » et donc éventuellement de déboucher sur de nouveaux concours. En fait, la trajectoire est celle d’une pérennisation au sein de la filière culturelle de la fonction publique territoriale en catégorie C. Il faut nuancer ce constat en rappelant l’accès rendu possible à la troisième voie des concours de quinze cadres d’emploi de la fonction publique territoriale par le décret du 3 mai 2002.
Dans le cas précis de la fonction publique territoriale, l’enjeu est, en fait, d’intégrer des jeunes à la collectivité plus que de ménager un parcours privilégié vers telle ou telle filière, tel ou tel métier. Il ne s’agit peut-être pas d’une méthode renouvelée d’accès à un métier, mais c’est assurément une opportunité inédite de forger avec ces jeunes une culture d’entreprise. Comme l’affirme un directeur général des services : « Nous avions fait le constat du vieillissement de la pyramide des âges au sein du personnel communal. […] Les 70 emplois-jeunes constituent un vivier qui nous permettra de préparer le remplacement des titulaires. L’avantage, c’est que les emplois-jeunes, dans la maison depuis plusieurs années, auront acquis la culture de l’entreprise… » Autre préoccupation des collectivités et des établissements selon Christophe Guitton : « … expérimenter ce que pourraient être les futurs métiers de ces organismes… » 5
C’est la modernisation du service public qui est en jeu.
Pour autant, est-on fondé à affirmer, comme certains collègues le font parfois un peu rapidement, que l’obtention d’un contrat emploi-jeune a constitué une voie d’accès privilégiée à l’emploi public, et donc aux cadres d’emploi des bibliothèques ? C’est l’objet de l’enquête conduite par Vanessa di Paola et Stéphanie Moullet 6 qui définissent ainsi leur propos : « … Nous cherchons à savoir si les emplois-jeunes, les mesures d’aide à l’insertion, les vacations sont des tremplins d’accès à une situation pérenne, ou bien s’ils sont davantage assimilables à une précarisation de l’emploi public et à une sorte de “secondarisation” d’une partie de ces emplois. » Ce travail de recherche met en lumière, par exemple, des trajectoires familiales pour des jeunes dont l’un des parents est fonctionnaire.
Par ailleurs, le niveau de formation initial des jeunes accédant à ce type d’emploi public est en moyenne plus élevé que celui des jeunes s’orientant vers le secteur privé. Et ce sont les plus qualifiés d’entre eux qui accèdent à un emploi statutaire au terme de leur contrat. C’est donc plus la valeur des intéressés qui est déterminante que le système lui-même. Comme l’écrivent Vanessa di Paola et Stéphanie Moullet : « Au vu des résultats, il semble donc que l’emploi public ne soit pas un tremplin pour devenir fonctionnaire. » Ou, dit de manière encore plus catégorique : « Considérer l’emploi public non titulaire comme un coût d’entrée dans un emploi “sécurisé” (le statut de fonctionnaire) n’est pas validé par nos résultats. »
En réalité, ce sont les conditions de recrutement des emplois-jeunes et la qualité de leur formation initiale qui ont été de véritables gages de réussite pour leur intégration postérieure dans un emploi de la fonction publique. Plus que le dispositif emplois-jeunes lui-même, c’est la capacité des jeunes à en tirer parti qui a compté. On peut relier à cette réflexion ce que le sociologue Didier Demazière écrivait en 1997 : « Ce sont finalement ceux qui auraient le moins besoin des dispositifs, c’est-à-dire ceux qui sont le plus proche de l’emploi, qui en bénéficient. » 7 Les responsables de bibliothèques font en effet souvent ce même constat. De nombreux emplois-jeunes avec lesquels ils travaillent sortent de l’enseignement supérieur et y ont obtenu des diplômes. En fait, les recrutements ont en permanence oscillé entre, d’une part l’insertion de jeunes sans véritable qualification, mais c’était alors en renonçant à un apport compétent à des services très innovants, et, d’autre part, l’ouverture vers une première expérience professionnelle pour des jeunes diplômés, et c’est la logique qui l’a emporté dans la plupart des cas.
Le caractère, souvent tortueux, parfois sans logique apparente, des parcours de formation et d’insertion des jeunes avec lesquels nous travaillons renvoie à des questions insistantes : dans quelle mesure l’université de masse prépare leur insertion professionnelle ? L’enquête de Vanessa di Paola et Stéphanie Moullet citée plus haut est éclairante : « Être sortant de l’enseignement supérieur sans être diplômé favorise l’appartenance à la trajectoire “emploi-jeune”… »
L’autre question est celle de la formation professionnelle de ces jeunes durant leur séjour dans les établissements. Au-delà des directives pratiques leur permettant de remplir immédiatement la tâche qui leur était confiée, les emplois-jeunes ont eu très inégalement accès à la formation continue. La taille des collectivités et des bibliothèques a joué son rôle. Tâche d’autant plus ardue que, comme on l’a vu, la construction statutaire ne s’est pas adaptée aux nouveaux métiers qu’ils ont défrichés avec, bien souvent, beaucoup de talent et d’énergie. Il faut cependant souligner que de nombreux centres de formation régionaux aux carrières des bibliothèques ont rapidement fait le choix de proposer des formations en direction des personnels « précaires », et, en particulier, des emplois-jeunes.
Ce qui a beaucoup compliqué la réflexion et les décisions concernant l’avenir des emplois-jeunes à leur sortie du dispositif, c’est la double question à laquelle doivent répondre les décideurs, comme le souligne Jean-Paul Cadet : « Quel sera le devenir des activités créées et des jeunes recrutés pour les développer ? […] La dynamique d’innovation initiée dans les collectivités locales par le dispositif Emplois-jeunes se trouve ainsi de plus en plus perturbée par l’incertitude qui pèse sur le devenir professionnel des salariés qu’il a permis de recruter. » 8
Le discours qui consiste à considérer le passage par un contrat emploi-jeune comme une voie d’accès privilégiée aux métiers des bibliothèques repose sur une vision pragmatique et instrumentale des activités des bibliothécaires. Ce qui est mis en avant ici, c’est la prédominance du contact avec le public, c’est un éventail d’habiletés pratiques acquises sur le terrain et confortées par la transmission de collègues plus expérimentés, parfois sur le mode du tutorat. Sans vouloir en rien minorer cet aspect de l’exercice de la profession et ce mode de communication de certaines connaissances, cette analyse laisse parfois au second plan la place essentielle de la culture personnelle et de connaissances professionnelles mises en perspective dans l’ensemble des disciplines. Professionnaliser dans l’emploi ne peut suffire quand on mesure la complexité et la diversité des compétences qu’exigent les missions confiées à un bibliothécaire aujourd’hui.
L’exemple lillois
En 2004, Lille, la ville de Martine Aubry, fidèle à ses engagements, a intégré en catégorie C plus de 130 emplois-jeunes, dont plusieurs à la bibliothèque municipale. Quelques jeunes collègues sont en fin de contrat cette année. La réalité observée sur le terrain paraît conforme aux réflexions et aux hypothèses avancées ci-dessus : les réussites réelles constatées reposent largement autant sur la qualité des jeunes recrutés que sur le dispositif lui-même.
Karima a 32 ans. Elle a préparé une maîtrise et un Capes de lettres. Elle anime l’espace cédéroms de la médiathèque centrale : formation, accueil du public, commande des cédéroms. Elle travaille également avec deux autres emplois-jeunes sur la création et la mise en forme des documents de communication du réseau de la bibliothèque municipale. Sa formation universitaire, sans la préparer directement à travailler dans une bibliothèque, l’a cependant familiarisée avec les activités de recherche et de documentation. Elle est, dans le groupe, celle qui s’orienterait le plus volontiers vers un travail-type de bibliothécaire.
Silvère a suivi d’abord une formation de lettres modernes avec le projet d’entrer dans les métiers du cinéma. Puis il a obliqué vers l’infographie. Il a songé à créer une entreprise ou à trouver un emploi dans le secteur privé. Mais il a renoncé, rebuté par le poids des contraintes économiques et par le stress qui s’y attache. Il a trouvé dans le secteur public des conditions de travail qui lui conviennent mieux et lui permettent de déployer ses compétences. Pour le moment, il met en forme le futur site web de la bibliothèque et conçoit des documents graphiques, tout en animant les espaces multimédias.
Céline a suivi un DUT d’information-communication axé sur la communication d’entreprise. Elle non plus n’a pas choisi d’intégrer le monde de l’entreprise privée, où le simple fait de trouver un stage est déjà, dans ce secteur, une mission quasi impossible. Elle participe à la gestion de l’espace Internet de la médiathèque centrale et met en pratique ses connaissances en PAO pour concevoir et réaliser affichettes et tracts pour les animations.
Abdellhak anime avec passion l’espace multimédia d’une médiathèque de quartier. Il est très intéressé par la formation et l’accompagnement des jeunes. Recruté alors qu’il n’était que bachelier, il a suivi, parallèlement à son contrat, une formation technique du Conservatoire national des arts et métiers pour arriver au niveau Bac + 4. Il est attaché au service public qu’il a découvert à la faveur de son activité d’emploi-jeune tout en souhaitant pouvoir être mobile à l’avenir dans la collectivité.
Raja a un BTS de bureautique. Elle anime un espace multimédia et apporte sa compétence et sa disponibilité à tous ceux qui viennent utiliser le service. Elle apprécie la diversité des tâches qui lui sont confiées.
Jean-Daniel, après un bac technique avec une option infographie, anime un espace multimédia dans la bibliothèque d’un quartier en proie à de nombreuses difficultés sociales. Sa compétence et ses qualités humaines lui valent l’estime et le respect du jeune public.
Ces jeunes ont en commun de n’avoir jamais songé auparavant à travailler dans une bibliothèque. Le hasard d’un dossier envoyé à la mairie, d’une orientation donnée par la mission locale, du passage par une association, d’un conseil donné par un ami, a bien fait les choses.
Tous s’accordent sur l’intégration sociale procurée par leur statut d’emploi-jeune. « Fonder une famille », « sortir de la précarité », « dispositif efficace socialement » sont des expressions qu’ils emploient spontanément. On l’a vu, leur difficulté à trouver leur place sur le marché de l’emploi privé (on est surpris que leurs qualités n’y aient pas été mieux repérées), les a conduits vers le secteur public. À travers leur nouveau statut, ils ont découvert une fonction publique plus vivante et moins sclérosée que les caricatures qu’on en fait communément. Le contact avec les publics aura été à la fois une surprise et une découverte avec la difficulté à répondre à certaines demandes, à gérer des situations de conflits, domaines dans lesquels ils se sentent mal préparés et mal formés. Mais ils vivent leur contrat comme un parcours formateur et un temps de préparation à un emploi ultérieur statutairement plus stable. Avec la hâte de laisser derrière eux cette dénomination d’emploi-jeune qu’ils ressentent comme dépréciative, mais qui aura représenté une réalité positive pour eux…
En forme de conclusion
Le Rapport 1998-1999 du Conseil supérieur des bibliothèques, qui consacrait quelques pages à la question des emplois-jeunes, tentait de dépasser cette seule expérience : « Cette fonction de formation et d’intégration n’est pas passagère et ne peut être limitée aux seuls emplois-jeunes. La bibliothèque, au plein cœur de la société, sera de plus en plus un creuset : formation de ses usagers, formation en alternance, accueil de stagiaires en formation initiale, population, qu’on pressent comme de plus en plus nombreuse, de la formation continue. C’est aussi à partir de là que peuvent être imaginés des emplois nouveaux. Il est indispensable pour les bibliothèques de s’ouvrir effectivement à d’autres emplois et à des fonctions nouvelles, à d’autres catégories de personnel. »
Février 2005