Politiques culturelles
Le numéro d’août-septembre 2004 de Regards sur l’actualité propose un dossier sur les politiques culturelles autour de quatre thèmes : la poursuite de la décentralisation culturelle, le statut de l’emploi culturel, la loi du 1er août 2003 sur le mécénat, et la politique des archives publiques.
La décentralisation
Guy Saez, dans un article sur « La décentralisation culturelle », analyse, après un bref rappel historique de la décentralisation artistique portée d’abord par des militants culturels et des associations, la double dynamique de ce mouvement : une gouvernance territoriale de la culture associant une grande diversité d’acteurs politico-administratifs (au risque d’une perte de lisibilité par les citoyens) et, depuis les lois Defferre de 1982-1983, une décentralisation des compétences, depuis les archives départementales et les bibliothèques centrales de prêt jusqu’aux monuments historiques à l’heure actuelle. Il rappelle la grande crainte des élus locaux : celle que « les dynamiques sociales et culturelles qui naîtront immanquablement des transferts les entraînent dans des dépenses nouvelles que l’État ne pourra pas compenser ».
L’emploi culturel
Allant au-delà du conflit des intermittents du spectacle, Pierre-Michel Menger, dans « La professionnalité artistique : un système incomplet de relations sociales », replace la problématique sur le statut d’artiste lui-même. De précieuses données statistiques permettent de caractériser l’emploi culturel : forte progression depuis vingt ans, avec une dissémination désormais sur tout le territoire, des professions culturelles où les moins de 40 ans sont majoritaires (notamment les professions des arts du spectacle et le groupe des professions du stylisme, du design, de la mode et de la décoration) et une proportion de salariés qui s’élève avec l’augmentation des effectifs. Cependant, l’emploi culturel a reculé dans la fonction publique : c’est l’emploi salarié de droit privé et le travail indépendant qui ont porté la croissance de l’emploi culturel. Autres caractéristiques : la montée du temps partiel, l’augmentation des contrats courts et la progression de la multi-activité.
D’où le constat d’un paradoxe entre la croissance des effectifs et un secteur qui peut apparaître comme un marché secondaire d’emplois de moindre qualité, plus exposés à la flexibilité et à une certaine précarité. Le principal problème reste le défaut de responsabilité des employeurs, dans un dispositif qui imbrique l’allocation très flexible d’emplois et l’indemnisation de périodes chômées traitées individuellement. Comme chaque employeur peut contracter et négocier avec de multiples artistes selon des termes à chaque fois spécifiques, la responsabilité est fragmentée et, au bout du compte, complètement diluée. « Aucun monde professionnel attractif ne peut s’organiser durablement selon un système complètement désintégré d’emploi où les inégalités interindividuelles s’amplifient, où les dispositifs assurantiels […] sont sursollicités, et où les situations individuelles moyennes se dégradent » conclut l’auteur.
Le mécénat
Bertrand Vial présente le contexte dans lequel a été élaborée et votée la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Selon l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (Admical), les entreprises françaises ont consacré 343 millions d’euros au mécénat culturel, humanitaire et environnemental en 2002, contre 1,2 milliard d’euros pour les entreprises britanniques et 9,8 milliards d’euros pour les américaines. Par ailleurs, le mécénat des particuliers stagne, avec 21 millions de donateurs réguliers, effectuant pour 60 % d’entre eux des dons inférieurs à 100 euros. L’auteur détaille ensuite les mesures qui visent à favoriser le mécénat : renforcement des réductions d’impôts, encouragement des donations, mécénat permis pour les festivals, allègement des contraintes pesant sur les fondations reconnues d’utilité publique et les fondations d’entreprise.
La politique des archives
Deux articles sont enfin consacrés à la politique des archives. L’un, très descriptif, rappelle les missions de la Direction des archives de France. Le second, plus engagé, signé de Vincent Duclert, montre à quel point une politique ambitieuse, visant à produire une nouvelle pensée des archives et de leur rôle dans la démocratie moderne, est devenue indispensable en France. Certes, des engagements ont été pris. En mars 2004, le président de la République et le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, ont annoncé un certain nombre de décisions : construction d’un nouveau centre des archives nationales en Seine-Saint-Denis, réhabilitation des autres sites, création d’un statut d’établissement public, refonte de la loi sur les archives de 1979, poursuite du travail de collecte des archives publiques et réponse à apporter au défi représenté par les archives électroniques.
La crise actuelle des archives, bien analysée dans les rapports Braibant (1996) et Bélaval (1999), permet de rappeler les enjeux : la réaffirmation de l’autorité de la loi en la matière, l’accès large, facile et gratuit aux fonds publics et privés, la transformation des archivistes en conservateurs-chercheurs, et une meilleure implication des historiens et chercheurs dans la connaissance du travail archivistique.