La bataille du logiciel libre

dix clés pour comprendre

par Jacques Sauteron

Perline

Thierry Noisette

Paris : la Découverte, 2004. – 128 p. ; 19 cm. – (Sur le vif). ISBN 2-7071-4384-7 : 6,40 €

Ouvrage très documenté qui aborde la question du développement des logiciels libres à l’heure où Mozilla et son navigateur Firefox se répandent très rapidement, ce livre nous invite à une approche approfondie du monde des logiciels libres.

Les trois sources du libre

Il faut constater que l’émergence du terme de logiciel libre constitue une acception assez récente. Effectivement, pour des informaticiens comme Murray Hopper, l’inventeur du premier langage informatique structuré (le Cobol), la question de la propriété du code source ne se posait pas : les informaticiens constituaient une communauté peu nombreuse, refermée sur elle-même, qui avait besoin d’échanger les découvertes afin de progresser et d’améliorer les avancées des confrères ou d’inventer de nouveaux logiciels.

La donne va considérablement se modifier avec l’émergence de la micro-informatique et son application dans le domaine de la bureautique. Des sociétés informatiques vont se créer et protéger le code des logiciels, en interdisant à l’utilisateur final soit d’y avoir accès, soit de pouvoir le modifier. Elles créeront ainsi des logiciels propriétaires.

C’est contre ce phénomène que va émerger la seconde source des logiciels libres, par l’intermédiaire de développeurs brillants souvent issus des instituts et des sociétés informatiques les plus prestigieux.

Les pragmatiques compléteront cette seconde source de l’émergence du libre. Leur représentant le plus naturel est Linus Torvalds. Cet homme a travaillé pour des éditeurs de logiciels propriétaires ; il a donné son nom au système d’exploitation GNU/Linux, connu sous le nom de Linux.

La troisième source du libre est constituée des utilisateurs. Sans eux, point de salut ! Les logiciels libres, rapidement diffusés notamment par l’intermédiaire de l’Internet, peuvent être testés par des dizaines, voire des milliers d’utilisateurs intéressés. Leurs analyses et leurs demandes de modifications en feront des testeurs efficaces, ce qui permettra une amélioration rapide des logiciels proposés.

Des logiciels stables, peu gourmands et simples

Du fait de l’existence d’un réservoir de testeurs quasiment illimité ainsi que de la participation aux améliorations de nombreux bénévoles, les logiciels libres bénéficient d’un volume de travail dont nombre d’éditeurs de logiciels propriétaires pourraient être envieux. Qui plus est, cette main-d’œuvre est quasiment gratuite.

Cela donne un avantage considérable aux logiciels libres : ils recèlent moins de bugs et sont donc plus fiables ; ils sont moins gourmands en termes de ressources informatiques (mémoire vive, mémoire morte, puissance du microprocesseur,…).

À leur naissance, les logiciels libres avaient la réputation d’être complexes d’utilisation et donc d’être réservés aux informaticiens. Les suites bureautiques Open Office et les plates-formes de publication sur Internet comme Spip sont simples d’utilisation. D’ailleurs, les sites du journal L’Humanité ainsi que du mensuel Le Monde diplomatique font appel à cette technologie.

Phénomène considéré comme peu gênant pour les éditeurs de logiciels propriétaires, et notamment Microsoft, lorsqu’il apparaissait comme marginal, les sociétés commerciales considèrent désormais les producteurs de logiciels libres comme des concurrents déloyaux les empêchant de profiter en rond. D’abord tentées par la désinformation, elles s’orientent à présent vers des joutes juridiques ayant pour objectif d’obliger à la brevetabilité des logiciels en Europe comme aux États-Unis. Ce combat s’inscrit dans un contexte : de la même façon, les laboratoires pharmaceutiques cherchent à protéger leurs médicaments contre la diffusion de génériques.

Un enjeu géopolitique

Les éditeurs de logiciels commerciaux sont d’autant plus soucieux de protéger leur marché que des collectivités comme la ville de Munich ou des États comme Israël, le Brésil, la Chine, le Japon ou la Corée du Sud n’hésitent désormais plus à adopter et à diffuser des logiciels libres dans leurs administrations et leurs écoles.

Ces États ont des arrière-pensées et essaient avant tout de protéger leur intégrité nationale. Les logiciels libres pourraient néanmoins être à la base de nouveaux développements économiques en permettant d’économiser de l’argent sur les licences pour l’investir dans l’éducation et la recherche.

La production liée aux nouvelles technologies de l’information et de la communication est basée sur la matière grise d’individus et ne dépend en aucune manière de richesses enfouies dans le sol comme les mines. L’Asie et l’Afrique pourraient rapidement devenir les premiers bénéficiaires économiques de l’implantation des logiciels libres sur leur territoire.

Refusant un optimisme béat, les auteurs de La bataille du logiciel libre émettent seulement le vœu que cette éventualité puisse voir le jour prochainement.