Les archives électroniques : quels défis pour l'avenir ?
actes de la troisième journée des archives organisée les 8 et 9 mai 2003 par les Archives de l'Université catholique de Louvain
Les 8 et 9 mai 2003, le service des Archives de l’Université catholique de Louvain organisait des journées d’étude sur « les archives électroniques : un défi pour l’avenir ». La problématique principale en était l’évolution du métier d’archiviste face aux innovations technologiques et à l’émergence de professions liées aux technologies de l’information, qui peuvent parfois sembler concurrentes.
Après une introduction de François Burgy (archiviste-adjoint de la Ville de Genève), moins pessimiste que ne le laisserait supposer le titre (« Les documents électroniques vont-ils avoir raison des archivistes ? »), les textes des communications faites lors de ces journées illustrent les différents aspects du cycle de vie des documents électroniques : stratégie de collecte et production, description, communication et mise en valeur.
Le renouvellement des pratiques de l’archivistique
Le renouvellement des pratiques de l’archivistique est nécessaire, bien que la plupart des concepts de base restent valides, comme le souligne Jean-Marie Yante (professeur à l’Université catholique de Louvain). Le document numérique garde en effet toutes les caractéristiques de rattachement des pièces d’archives à un fonds, et les opérations de collecte, de classement, de description et de communication des archives informatiques s’effectuent en fonction des principes archivistiques qui s’appliquent à d’autres supports.
L’archiviste ne peut plus être seul à opérer, tant il est vrai que la mise en œuvre d’un projet informatique multiplie les interlocuteurs et les compétences. À cet égard, l’expérience menée au sein de l’Université libre de Bruxelles est exemplaire (Frank Schellin, professeur, archiviste et records manager) : le projet de recherche Dissco, dont l’objectif était le développement d’un système documentaire automatisé destiné à soutenir les processus administratifs de l’institution, a en effet associé archivistes, sociologues et spécialistes en ingénierie documentaire. Les archivistes de la Ville d’Anvers se sont quant à eux appuyés sur le projet de recherche David, financé par la communauté flamande de Belgique, pour faire évoluer les pratiques des agents de la commune.
Des problèmes juridiques nouveaux
L’archivage électronique n’est pas sans poser des problèmes juridiques nouveaux, surtout lorsque l’on interprète de façon restrictive le droit de la protection des données personnelles (Louis Faivre d’Arcier, Archives de Paris). La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec l’administration est venue rappeler que les données d’intérêt historique, scientifique ou statistique devaient être conservées passé leur délai de mise en ligne. Des conflits d’intérêt peuvent se développer entre les archives d’une part et les individus d’autre part (Hannelore Dekeyser). Par exemple, le fait de mettre en ligne les informations légales du Moniteur belge ne constitue pas une publication nouvelle par rapport à la version « papier » ; pourtant, la vie privée des personnes est autrement mise en cause (le site web permet un accès mondial ainsi qu’un traitement rapide et efficace, la réutilisation des données est donc très facile). Doit-on en conclure pour autant qu’il est impossible de développer les archives électroniques sans violer les droits des personnes concernées par les documents archivés ? La solution consiste à trouver un équilibre au cas par cas.
Par ailleurs, la notion d’authenticité évolue, ce qui peut susciter de nombreux problèmes, particulièrement dans un pays multilingue (Lucie Verachten, Archives générales du Royaume). La préoccupation essentielle de ceux qui doivent gérer des archives électroniques à long terme n’est plus la sauvegarde des supports, mais celle de l’information après une migration, une conversion ou une émulation.
De nouveaux concepts
Le lien entre collecte et mise en valeur des documents est l’un des fondements de l’archivistique. L’avènement des archives électroniques nécessite cependant des relations plus étroites entre les différentes étapes du cycle de vie d’un document. Il importe dès le départ de savoir à qui les données seront communiquées et par quels moyens (Yolande Juste et Ferdinand Poswick). La conservation des archives électroniques ne se limite donc pas à un stockage passif mais peut constituer un véritable projet, ce qu’a largement démontré le projet Imago à l’Archivio di Stato de Florence (Francesca Klein). La numérisation peut être à la fois un moyen de préserver et de valoriser des documents prestigieux, dont la publication en ligne favorisera de nouveaux modes de consultation et d’exploitation.
De nouveaux concepts apparaissent et se diffusent, tels que « records management », « knowledge management », « computerized records ». Les archives électroniques ne rendent pas obsolètes les méthodes traditionnelles et éprouvées. Au contraire, elles imposent leur enrichissement et leur adaptation à des réalités archivistiques radicalement nouvelles.
D’une manière générale, l’archiviste apparaît de plus en plus comme un spécialiste de la gestion de l’information. Désormais, il doit se concentrer moins sur les documents que sur les processus qui les génèrent. Les archives électroniques posent de multiples problèmes techniques, organisationnels, juridiques, économiques, humains, pas aux seuls archivistes mais à un groupement humain qui se définit comme « société de l’information ».
Les expériences concrètes présentées ici permettront certainement d’enrichir la réflexion sur la profondeur des évolutions que connaissent les pratiques des archivistes.