L'indexation des ressources pédagogiques numériques
Laurence Gramondi
L’objectif de la journée d’étude 1, organisée par l’Enssib, le 16 novembre 2004 à Lyon, était d’appréhender les enjeux de l’indexation des ressources pédagogiques numériques dans l’enseignement supérieur. En introduction, François Dupuigrenet Desroussilles, directeur de l’Enssib, mit l’accent sur l’intérêt de l’indexation pour « transformer la jungle en jardin » et « séparer le bon grain de l’ivraie », pour l’université, comme pour l’Enssib, productrice de ressources, dont le service TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement) et Formist coordonnèrent cette journée.
Philippe Gillet, président du Pôle universitaire de Lyon, souligna que, face à la complexité actuelle de la chaîne de production et de diffusion, seul un système commun et cohérent d’indexation permettrait d’éviter la redondance, et qu’il fallait enfin prendre en compte le savoir-faire des bibliothécaires dans ce domaine.
Enjeux de l’indexation et caractéristiques des ressources pédagogiques numériques
Yolaine Bourda (Supelec) définit la ressource pédagogique comme une « entité (numérique ou non) utilisée dans un processus d’enseignement, de formation ou d’apprentissage ». Les ressources demeurent coûteuses et longues à produire et doivent donc être réutilisées. L’indexation, ce sont des métadonnées, « données décrivant des ressources numériques », informations compréhensibles par l’utilisateur et traitables par des logiciels, qui permettent de retrouver, d’évaluer, de maintenir, d’assembler.
Laurent Flory (Lyon I) expliqua les caractéristiques de la ressource pédagogique, « utilisée ou citée dans un apprentissage et qui possède une unité de sens ; dont le contenu, la présentation et le traitement peuvent être séparés ». C’est une entité de dimension variable, dont le grain pédagogique élémentaire (texte, image, lien, animation, vidéo, simulation, question) est le plus petit objet. Cela peut être un produit fini, volumineux et ambitieux, ou une série de petits projets. La production est riche, diversifiée et foisonnante : 8 000 heures de cours en ligne ont, par exemple, été produites à Lyon I en 12 mois. Chacun de ces objets (cours, module, formation complète) doit être retrouvable et indexable, pour que les enseignants et les équipes techniques TICE puissent y accéder et les réutiliser, en les assemblant à leur guise, et qu’ils ne produisent pas un objet qui existerait déjà. Organiser l’indexation « en temps réel », à la volée, automatiquement avec ou sans intervention humaine, à la demande, avec un contrôle qualité, en faisant preuve de pragmatisme, en construisant des équipes mixtes composées de spécialistes, d’experts, de comités d’évaluation et de validation, devient urgent face à la quantité de ressources produites et non indexées.
Normes et standards : un processus de normalisation en cours
Le développement de la formation ouverte et à distance (FOAD), l’utilisation et la diffusion des TICE dans la recherche et l’enseignement, ainsi que la production massive d’objets pédagogiques numériques, rendent nécessaire l’utilisation de normes et de standards pour le partage, l’échange et la réutilisation des ressources.
Plusieurs interventions firent un état de l’art des principaux outils d’indexation et de description : formats bibliographiques (de type Marc), métadonnées (Dublin Core), schémas d’encodage, vocabulaires contrôlés, standards et normes (LOM, Scorm et IMS-LD).
Le LOM (Learning Object Metadata), présenté par Rosa María Gómez de Regil, de Doc’Insa, n’est pas une norme mais un standard, c’est-à-dire un ensemble de recommandations, un modèle conceptuel de données et un ensemble de vocabulaires de référence. Ce standard est déjà utilisé partout dans le monde. À l’Insa de Lyon, l’indexation s’inscrit dans le processus de publication et implique un partenariat entre les différents acteurs. Elle permet aux apprenants de repérer, aux enseignants de construire et de réinterpréter, et au documentaliste de garantir l’accessibilité et la pérennité. Dans les bibliothèques, elle requiert la mise en œuvre de nouvelles compétences relationnelles (avec les auteurs), techniques (pour la validation des métadonnées) et juridiques (pour la gestion des droits).
Gilles Bertin, d’Ancoly, présenta Scorm (Sharable Content Object Reference Metadata), norme IEEE, qui définit un modèle d’agrégation pour constituer, décrire, et échanger des entrepôts de documents pédagogiques, ainsi qu’un environnement d’exécution, pour déposer, interroger et afficher un cours, à partir de n’importe quel navigateur, sur n’importe quelle plate-forme. La pose de métadonnées et la mise en place d’une indexation généralisée des documents associant l’informatique, les enseignants, les documentalistes, sont nécessaires pour « scormer ». Jugée parfois trop complexe, orientée plus contenu qu’activité, Scorm n’a, à l’heure actuelle, aucun concurrent ; elle complète le LOM, est bien supportée par les plates-formes et son interopérabilité est réellement opérationnelle.
Yolaine Bourda, membre de l’Afnor, annonça que la publication d’« une norme française de métadonnées pour les ressources numériques éducatives, profil d’application du standard LOM, répondant aux besoins de l’Éducation nationale, et du plus grand nombre d’acteurs français de la formation initiale et continue » était prévue en mars 2005.
Ghislaine Chartron aborda la question des multiples niveaux de l’indexation, liés aux besoins des usagers, celle des spécificités de l’indexation des ressources pédagogiques, par rapport aux autres documents numériques, et celle des rôles respectifs des auteurs-enseignants, des bibliothèques et des ingénieurs-informaticiens dans le processus. Elle invita également à ne pas minimiser le « frein social » concernant la normalisation d’activités comme la pédagogie.
Les perspectives de partenariats entre SCD et TICE
Le partenariat autour du portail documentaire 2 de l’Université de technologie de Compiègne (UTC) fut présenté par Annie Bertrand, directrice du SCD, et Xavier Hennequin. Ce portail est conçu comme un guichet unique d’accès à l’information. L’enseignant-chercheur devient un partenaire actif de son enrichissement (dépôt de documents, propositions de « sujets », autorisations de consultation). La chaîne éditoriale Scenari de l’UTC intègre les supports grâce à la récupération de métadonnées pédagogiques (auteur), documentaires (éditeur), d’indexation (indexeur), et utilise les descriptifs LOM et Dublin Core.
Jean-Bernard Marino, du SCD de l’Université de Lille I, présenta la bibliothèque numérique Grisemine. Il fit un bilan de trois ans d’utilisation et de mise en ligne de contenus. Il expliqua le choix d’un « traitement fin au niveau d’indexation le plus fin », associant DTD, Marc, Dublin Core, langages documentaires, et évoqua les évolutions en projet.
Les enjeux et les questions concernant le partenariat, l’intégration, la production, la normalisation, la validation, l’archivage et l’indexation des ressources pédagogiques numériques, furent débattus par des représentants des tutelles et des grands réseaux nationaux, autour d’une table ronde animée par Jean-Michel Salaün, enseignant-chercheur à l’Enssib.
Pour Jean-Émile Tosello-Bancal, de la sous-direction des bibliothèques, les enseignants-chercheurs et les bibliothécaires ont vocation à travailler ensemble, dans la perspective des systèmes d’information. La ressource pédagogique est une ressource documentaire comme une autre, et inversement tout document peut faire l’objet d’un usage pédagogique. La tradition universitaire possède une culture de l’évaluation scientifique, sur laquelle peut se fonder la validation des cours. L’administration mène une politique incitative et contractuelle pour que la production de ressources inclue une indexation en amont au plus près de la production.
Michel Roland, responsable du département Études et prospective de Couperin, fit part de la préoccupation d’intégrer les ressources pédagogiques numériques dans les portails documentaires et souligna la différence entre documents pédagogiques et documents édités, du point de vue des usages, de la validation, de l’indexation et de l’archivage.
Sabine Barral, directrice de l’ABES, rappela l’importance de la normalisation pour mutualiser. L’ABES, en tant qu’organisme public national, peut aider à la coordination et à la cohérence de l’indexation, mais il faut dissocier production, sélection et mise à disposition des ressources au plus grand nombre. La validation est en revanche du ressort des auteurs (personnes physiques et morales). L’archivage, pérenne et unique, doit être organisé au plan national et régional, pas en local.
Gilles Braun, de la Direction de la technologie du ministère de l’Éducation nationale, insista sur la nécessité de la pertinence de l’indexation pour la recherche documentaire et l’accès aux ressources et rappela que sur Internet, réfléchir en local n’a plus de sens. L’indexation fait partie du produit qui, sans elle, n’est pas accessible. La normalisation dès la production devient obligatoire pour la distribution en ligne.
La synthèse faite par Monique Joly, directrice de Doc’Insa Lyon, fit apparaître la richesse des débats et des interventions, qui soulevèrent toutes des questions pertinentes, qu’elles soient techniques, sur les échanges de données, ou politiques, touchant à l’organisation et à la création d’une « dynamique du partage ». Si l’étude des usages des utilisateurs, étudiants ou apprenants, est le moteur pour avancer, la dynamique nationale crée le mouvement et permet de dépasser les difficultés techniques.