Les actions culturelles et artistiques en milieu pénitentiaire
guide pratique
«Assurer, sous les formes les plus diverses et les plus exigeantes, la rencontre entre un public en difficulté [les personnes détenues], les créateurs et le champ culturel dans son ensemble » 1. Cet objectif constitue le fil conducteur de ce guide qui tente la gageure de s’adresser aussi bien aux professionnels de la culture qu’au personnel pénitentiaire. Rédigé par un collectif d’acteurs de l’action culturelle en prison réunis sous l’égide de la FFCB 2, cet ouvrage propose des informations pratiques et des bases méthodologiques pour développer les partenariats et mettre en place des actions culturelles et artistiques en direction du public spécifique que constitue la population carcérale.
Politique culturelle et milieu pénitentiaire
Plus que tout autre, le milieu pénitentiaire est fortement réglementé et le public concerné est rarement le public « naturel » des acteurs culturels. Aussi le guide s’ouvre-t-il sur une présentation des politiques volontaristes des deux ministères – Culture et Justice – mises en place depuis 1981 : protocole d’accord de 1986 fixant des objectifs communs (comme la réinsertion des détenus) ; protocole de 1990 affirmant des principes de fonctionnement (comme le recours à des professionnels). Cette première partie est complétée d’une présentation des services concernés de chacun des ministères et du dispositif conjoint des chargés de mission pour le développement culturel en milieu pénitentiaire.
Concevoir des actions
Après cette partie consacrée au fonctionnement administratif, les auteurs s’attachent à dégager les principes communs de toute action, quel que soit le champ artistique. Ce chapitre présente tout d’abord les interlocuteurs et dispositifs, dont ceux spécifiques au monde pénitentiaire : la structure culturelle qui est notamment « garante de la qualité artistique du projet et du professionnalisme des intervenants » ; le service pénitentiaire d’insertion et de probation, pilote des activités culturelles dans l’établissement pénitentiaire et responsable de l’accompagnement des intervenants ; l’établissement pénitentiaire, lieu dans lequel se déroule l’action ; et enfin les éventuels accompagnateurs du projet, conseillers sectoriels de la Drac (direction régionale des affaires culturelles) et chargés de mission pour le développement de l’action culturelle en milieu pénitentiaire.
La seconde partie de ce chapitre présente les bases de toute action culturelle et artistique : définition des objectifs, financement, réalisation et évaluation. Ces bases méthodologiques correspondent tout à fait à celles du « monde extérieur », tant il est vrai que la spécificité des actions ne repose ni sur le public auquel elles s’adressent (aucun détenu n’est réductible au statut de détenu), ni sur un contenu adapté (existe-t-il de la musique pénitentiaire ou de la poésie pénitentiaire ?). Notons qu’ici est souligné le rôle particulier de la bibliothèque, premier espace dédié à une activité culturelle dans la prison, autour duquel peuvent s’organiser d’autres actions, quel que soit le domaine culturel concerné.
Les champs artistiques
La troisième partie du livre traite des spécificités de chacun des domaines artistiques : livre et lecture, arts plastiques, théâtre et spectacle vivant, musique et danse, audiovisuel et cinéma, patrimoine. Pour chaque champ sont présentés les types d’interventions possibles, des conseils pratiques pour la mise en œuvre, une typologie des partenaires potentiels et, le cas échéant, la réglementation spécifique, essentiellement des articles du Code de procédure pénale.
Ainsi, la partie qui concerne le livre et la lecture souligne le rôle de « poumon culturel » que représente la bibliothèque dans l’établissement pénitentiaire et l’exigence de bonnes conditions de fonctionnement : local spécifique, accès direct, budget annuel, formation des détenus auxiliaires de bibliothèque, partenariat avec les bibliothèques publiques. Ces recommandations ne sont pas sans rappeler celles que préconisent les bibliothèques départementales de prêt à leurs bibliothèques relais.
Les actions listées sont, là aussi, celles que l’on peut rencontrer dans toute bibliothèque publique : des actions de diffusion (prêt et consultation de documents, cercles de lecture, lectures théâtralisées, rencontres avec des professionnels, expositions) et des actions d’animation (ateliers d’écriture animés par des écrivains, ateliers de lecture à voix haute animés par des comédiens, des conteurs, autres ateliers : reliure, calligraphie, illustrations, etc.).
Les conseils pratiques s’attachent surtout aux conditions matérielles de fonctionnement et restent généralistes. Le réseau des bibliothèques publiques fait l’objet d’un court développement au titre des partenaires aux côtés de la Drac, des structures régionales pour le livre (agences de coopération et centres régionaux du livre), du Centre national du livre et de la Maison des écrivains. Un extrait de la circulaire interministérielle Culture/Justice de 1992, relative au fonctionnement des bibliothèques, complète cette partie « Livre et lecture ».
Près de vingt ans après les rencontres internationales de Reims sur la culture en prison en 1985 3, peu de littérature professionnelle est à notre disposition. Ce guide, somme toute synthétique, a le mérite de proposer un premier cadre pour développer les nécessaires partenariats entre les professionnels de la culture, artistes et institutions, et les services pénitentiaires. On déplorera toutefois qu’il ne fournisse que les renvois au Code de procédure pénal, ne donnant pas directement d’informations sur les comportements en détention tels que les droits et obligations des intervenants extérieurs. Il n’en constitue pas moins une ressource précieuse.