Biblioteche oggi, septembre 2003-octobre 2004

par Philippe Marcerou
Milan : Ed. Bibliografica. ISSN 0392-8586. Abonnement (10 numéros par an) : 112 € (78 € pour l’Italie).

Biblioteche oggi a fêté ses vingt ans d’existence en novembre 2003. De manière incontestable, cette revue est aujourd’hui la revue italienne de référence pour l’actualité du livre, des bibliothèques et des systèmes de documentation et d’information.

Management des connaissances et théorie de l’information et de la communication

Le management des connaissances et la théorie de l’information et de la communication avaient tenu ces dernières années une place importante dans Biblioteche oggi. Cette année, les articles qui sont consacrés à ces thèmes généraux mais structurants sont moins nombreux.

On note cependant quelques articles comme « La communication interculturelle » (Cecilia Cognigni, janvier-février 2004) ou « L’information c’est tout » (Stefano Grilli, septembre 2003). Dans son court article « La fascination interdisciplinaire de l’information », Paola Capitani (avril 2004) montre que l’information est par essence interdisciplinaire et complexe, mais que les systèmes d’information les plus élaborés ne prennent que médiocrement en compte cette complexité.

À côté de ces articles synthétiques, quelques articles, comme « Les systèmes d’aide à la décision » (Giovanni Solinas, juin 2004) ou « Le Cooperative learning pour l’enseignement des sciences de l’information » (Carlo Bianchini, octobre 2004), décrivent des outils. Dans son article « Vers une norme européenne de l’information » (juin 2004), Carla Basili présente le projet ENIL (European Network on Information Literacy), le situe dans une société de l’information mondialisée et montre l’intérêt que revêt cette tentative de construction d’une culture commune européenne de l’information.

Les bibliothèques

Quelques années après les bibliothèques françaises, les bibliothèques publiques italiennes connaissent les mêmes débats passionnés. Ainsi, « Incertitude et optimisme pour les bibliothèques publiques » (Carlo Revelli, janvier-février 2004), vaste enquête centrée sur les bibliothèques italiennes mais qui décrit aussi la situation des bibliothèques publiques dans les autres pays occidentaux, et « Prêt payant : non merci » (Luca Ferreri, avril 2004) traduisent l’importance de ces questions en Italie.

Biblioteche oggi a constitué des dossiers sur des bibliothèques publiques spécifiques. Ainsi, dans « L’intérêt pour les bibliothèques de prison augmente », Carlo Revelli (avril 2004) remarque qu’en Italie, les bibliothèques de prison se structurent progressivement et se professionnalisent. Le même Carlo Revelli a coordonné une intéressante rétrospective sur les « Bibliobus d’hier et d’aujourd’hui » (septembre 2004). Dans le supplément de Biblioteche oggi, Sfolialibro, on note un dossier spécial sur les bibliothèques et les ludothèques (décembre 2003) : les auteurs souhaitent un rapprochement entre ces deux types de structures et considèrent que toutes les bibliothèques pour enfants devraient être associées à des ludothèques.

Biblioteche oggi consacre chaque année de nombreux articles aux bibliothèques italiennes. Parmi ceux-ci, « La Bibliothèque de l’acteur » (Amadeo Benedetti, septembre 2004) décrit avec une grande précision les différents fonds spéciaux de la Bibliothèque et Musée de l’acteur de Gênes : ces fonds historiques, qui proviennent des ayants droit des principaux acteurs italiens, font de cette bibliothèque une des toutes premières bibliothèques historiques italiennes sur les arts du spectacle et un centre de ressources indispensable pour les comédiens.

Parallèlement, quelques articles sont consacrés à de grandes bibliothèques étrangères. Dans « La Bibliothèque de Catalogne après sa modernisation », Anna Pavesi (novembre 2003) montre l’originalité de la Bibliothèque de Catalogne : dépositaire du dépôt légal pour la partie catalanophone de l’Espagne, elle est aujourd’hui la principale bibliothèque du nord de l’Espagne et un des tout premiers lieux de diffusion de la culture catalane.

Les collections sous forme papier, leur traitement et leur conservation

Parce qu’elles disposent d’un patrimoine considérable, les bibliothèques italiennes ont toujours été en pointe sur les questions patrimoniales et sur la conservation des documents anciens. Pourtant, l’angle d’attaque change progressivement. En effet, à l’exception de « La restauration, un concept qui évolue » (Franca Alloatti, juin 2004) et d’« Éditeurs du XVIIIe siècle : deux nouveaux répertoires » (Carlo Carotti, septembre 2004), les autres articles sur les questions patrimoniales traitent des liens entre informatique et patrimoine. Dans « Conserver les documents numériques », Marina Macchio (novembre 2003) pose la question épineuse de la conservation des supports électroniques et de la pérennité des formats de lecture de ces supports et se fait ainsi l’écho d’un congrès international qui s’est tenu à Florence sur ce sujet en octobre 2003.

Alors qu’il s’agissait, il y a quelques années, d’une thématique centrale dans Biblioteche oggi, à présent, le catalogage donne lieu à un faible nombre d’articles. Dans « L’assassinat des catalogueurs », Carlo Revelli (juin 2004) constate à son tour que les fonctions des bibliothécaires évoluent et que la part du catalogage dans les tâches quotidiennes des bibliothécaires tend à diminuer ; il remarque que, dans chaque pays, du fait de la centralisation du catalogage dans des structures nationales, les compétences individuelles des bibliothécaires dans ce domaine tendent à diminuer.

La documentation électronique

En 2004, la documentation électronique est devenue le sujet le plus fréquemment abordé dans Biblioteche oggi. C’est l’ensemble de « L’offre d’information » (Carlo Revelli, novembre 2003) qui se trouve renouvelé par l’augmentation progressive de la place de la documentation électronique. On parle de « Territoires numériques » (Michele Santoro, avril 2004). Les articles consacrés à Internet tiennent une place importante : « Contre le web sémantique » (Daniela Canali, novembre 2003) et plus encore « Renouveler l’usage avec le web » (Luisa Fruttini, Gabriele Picchi, Raul Ciapelloni, janvier-février 2004) montrent les avantages et les limites de la documentation accessible sur Internet et des procédures de recherche qui lui sont associées. Dans « Bibliothèque numérique et didactique », Evelina Ceccato (janvier-février 2004) montre un usage possible de l’information numérisée envisagée comme support pédagogique. Dès lors, il faut sans doute s’interroger sur « Les compétences du cybrarian » (Brunella Longo, avril 2004) et les définir plus précisément de manière à former les bibliothécaires à l’évolution de leurs fonctions.

Comme dans tous les pays occidentaux, les chercheurs et les bibliothécaires italiens sont confrontés à la difficulté que comporte le changement progressif de support de leur documentation : une importante enquête sur « Les comportements et les opinions des usagers de périodiques électroniques dans la transition du papier à l’électronique » (Luisa Marquandt, janvier-février 2004) tente de recueillir des données statistiques sur les grands types d’usage de la documentation électronique, sur le coût de celle-ci et les moyens d’y accéder. « Auteurs universitaires et Open archives » (Eugenio Pelizzari, novembre 2003) et « Entre recherche scientifique et vulgarisation » (Daniela Giustini, Annarita Liburdi, novembre 2003) posent aussi la question du rôle du chercheur et de son attitude par rapport à la documentation électronique et se demandent en quoi et jusqu’où il est envisageable de ménager des accès gratuits et libres à des informations à la valeur ajoutée potentiellement considérable.

Pour Biblioteche oggi, comme pour la plupart des revues bibliothéconomiques de référence, l’année 2004 aura été celle de la documentation électronique : un tiers environ des articles est consacré à ce sujet. Le fait est d’autant plus remarquable que les différents aspects de cette question sont traités par les articles de Biblioteche oggi : produits et services documentaires, attitudes des bibliothèques et des chercheurs face aux spécificités de la documentation électronique, etc. Au demeurant, parce qu’une recension d’articles et les articles eux-mêmes constituent un prisme déformant, peut-être faut-il se garder de prédire que la vie des bibliothèques, en Italie comme ailleurs, se réduit aujourd’hui à cette seule question. Poussant en apparence le paradoxe, Rossana Moriello (« Un avenir sans bibliothèques ? », mars 2004) conclut sur l’importance des bibliothèques et sur leur caractère structurant.