Décentralisation, État et territoires
Les Cahiers français nous offrent, dans ce numéro de janvier-février 2004, une série de treize articles, rédigés par des universitaires et chercheurs, et structurés autour de trois thématiques : « Un nouveau processus de décentralisation », « Territoires et nouvelles compétences » et « Les enjeux de la réforme ». Alors que la relance du processus de décentralisation constitue un axe fort annoncé par le gouvernement, il paraissait important, cinq ans après le no 293 de 1999 consacré aux collectivités territoriales, de dresser un bilan de la première phase de la décentralisation, et d’analyser les réformes en cours.
Des idées reçues bousculées
Même si la lecture se révèle parfois ardue (les articles sur la fiscalité locale et sa nécessaire, mais complexe et toujours retardée, réforme), il n’en reste pas moins que nombre d’idées reçues sont bousculées. Une rupture a-t-elle eu lieu lors des réformes de 1982-1983 ? Non, car la décentralisation française s’est opérée en respectant l’organisation territoriale antécédente, et sans réforme des structures. D’où cette question : « Est-il pertinent de transférer des compétences à des collectivités qui ne disposent pas de la taille critique, c’est-à-dire des moyens, pour les exercer ? »
Autre lecture stimulante, celle de l’article sur les interventions économiques des collectivités locales. Nous constatons tous l’empressement des communes à créer des zones d’activités et des aides directes ou indirectes pour les entreprises… Or, « une enquête […] a montré que les décisions d’implantation reposaient le plus souvent sur l’existence de liens antérieurs avec le territoire, qu’il s’agisse de liens familiaux ou amicaux du dirigeant d’entreprise, ou plus classiquement de la présence d’un client ou d’un fournisseur. La plupart des études montrent que les facilités financières n’interviennent qu’en dernier dans le choix de localisation d’une entreprise… »
Des contradictions relevées
Nombre de contradictions sont également relevées : telle celle entre le principe de libre administration toujours vécu par les élus comme lié au financement par l’impôt local et une série de mesures prises par l’État depuis 1993 (par exemple, la suppression de la vignette automobile en 2001 a entraîné une baisse de près de 10 % des recettes fiscales des départements). Ces mesures privent les collectivités locales « de leur pouvoir de décision sur une fraction croissante de leurs ressources propres (atteinte à leur capacité juridique en matière fiscale) : le remplacement de ces recettes fiscales supprimées par des compensations financières d’origine étatique place les collectivités en situation de dépendance financière accrue vis-à-vis de l’État (atteinte à leur indépendance matérielle) ».
Les inégalités territoriales sont relevées dans l’ensemble des articles. N’en prenons pour exemple que l’accès aux fonds européens : « Dans la plupart des cas, ce sont les territoires politiquement forts qui arrivent à dominer la mise en œuvre des fonds structurels, et ces derniers, loin de favoriser l’objectif affiché de la cohésion économique et sociale en Europe, […] tendent à creuser le fossé qui sépare les régions fortes et les régions faibles. »
Quel avenir pour la fonction publique territoriale ?
Enfin, si l’on parle bien peu de culture dans ces pages, les bibliothécaires pourront trouver un sujet plus proche de leurs préoccupations avec l’article intitulé « Quel avenir pour la fonction publique territoriale ? », qui, certes, n’apporte pas de solution aux problèmes connus par tous, (inadéquation des contenus des concours, carences de la formation initiale d’application…), mais a le mérite de présenter en six pages un résumé de la situation et des différentes pistes de réformes énoncées par les uns ou par les autres (rapport de Jean Courtial sur les institutions de la FPT en 2003, positions de l’Assemblée des maires de France, rapport rédigé à la demande du Sénat en 2003 également, Refonder le statut de la fonction publique territoriale pour réussir la décentralisation…).