Communication et médias

par Marie-France Blanquet
sous la dir. d’Éric Maigret. Paris : la Documentation française, 2003. – 128 p. ; 30 cm. – (Les notices de la Documentation française). ISBN 2-11-005419-0 : 19,00 €

Vingt et un chercheurs apportent leur contribution à ce numéro des « Notices » divisé en cinq chapitres consacrés à la communication et aux médias.

La communication interpersonnelle

Le premier chapitre aborde la communication interpersonnelle. Guillaume Soulez raconte l’histoire de la rhétorique, discipline longtemps réduite à l’enseignement des figures de style, à la pure éloquence, redécouverte au XXe siècle comme outil d’analyse du discours public. Ce n’est pas une école de manipulation ou de propagande mais un outil de réflexion sur les mécanismes d’adhésion des publics aux discours publics.

Maria Filomena Cappucho rappelle que les chercheurs de Palo Alto ont désigné comme communication « toute utilisation des codes de comportement dans un contexte social ». Cette conception entraîne à prendre en compte de façon indissociable, dans toute communication, le verbal, le paraverbal et le non-verbal.

Fayçal Najab clôture ce chapitre par l’étude de la psychologie de la communication. Celle-ci connaît un profond renouvellement grâce à l’apport de la psychologie cognitive centrée sur les fonctionnements mentaux, de la psychologie sociale qui étudie les influences au sein d’un groupe, de l’analyse systémique et de la psychanalyse.

Les médias de masse

Le deuxième chapitre porte sur les médias de masse. Valérie Sacriste livre les chiffres clefs pour la presse, la radio et la télévision dans un texte illustré de nombreux tableaux et graphiques éloquents. « Existe-t-il des effets des médias de masse ? », interroge ensuite Éric Maigret qui s’efforce de prouver que les individus sont loin d’être inactifs lors de leur activité de réception.

Guy Lochard pose une autre question : « Comment analyser les messages télévisuels ? » Grâce notamment aux approches issues des sciences du signe et de la socio-économie, la compréhension des messages télévisuels a considérablement progressé, permettant une analyse méthodique et différenciatrice des programmes.

Hervé Glevarec analyse l’hétérogénéité des pratiques culturelles et des pratiques médiatiques, mettant en évidence la complexité des combinaisons qui les relient.

En s’appuyant sur les Cultural Studies britanniques, courant rapprochant études littéraires et problématiques ethnographiques défendues par des auteurs influencés par le marxisme, Éric Maigret, dans la notice « Les publics : sociologie de la réception et Cultural Studies », décrit les facultés différentes d’attention, de compréhension, d’interprétation, d’acceptation ou de refus dans lesquelles la situation personnelle et sociale des récepteurs joue un grand rôle.

Éric Macé termine ce chapitre avec « Les médias de masse : scène et acteurs de l’espace public ». L’approche des médias de masse, analysés très souvent en termes de manipulation, mérite d’être nuancée par la conflictualité qui caractérise les démocraties modernes, la capacité des courants contestataires à se faire entendre. Cependant, reconnaît l’auteur, dans cette « arène symbolique qu’est l’espace médiatique, l’accès de tous les acteurs aux canaux d’expression n’est certes pas égal ». De plus, les journalistes qui y accèdent en priorité sont sans cesse en butte à des tentatives d’instrumentalisation.

La communication politique

Le troisième chapitre, « La communication politique », donne l’occasion à Arnaud Mercier d’en souligner les enjeux. L’examen des situations de communication politique européenne l’entraîne à constater que le triangle de la communication constitué par les politiques, les médias et le public obéit à des interactions complexes. Du coup, il s’interroge sur le rôle des journalistes en démocratie. Leur profession leur dicte d’informer de façon citoyenne les publics. Ils sont cependant sans cesse critiqués pour leur dépendance vis-à-vis des élites. C’est pourquoi il importe de rappeler l’importance de leur responsabilité sociale dans la « redynamisation » de la démocratie.

La communication et les organisations

« La communication et les organisations » est le thème le plus alimenté de cet ouvrage. Martine Viratelle l’inaugure en définissant les concepts de « communication interne » et « communication externe » et en analysant leurs interrelations. Valérie Sacriste reprend la plume pour nous faire connaître, à l’aide de tableaux et de graphiques très explicites, « La publicité et ses acteurs ». Cécile Médael se préoccupe de l’impact de la publicité, de la manipulation à la médiation, en proposant une approche complexe et riche de la relation qui unit le produit, la publicité et le consommateur.

Éric Dacheux montre, pour sa part, dans « La communication des associations », comment les grandes associations ont peu à peu investi le champ des médias en adoptant notamment des techniques de communication et de marketing utilisées par les entreprises.

Les médias n’échappent pas à la vague de l’éthique qui, résumée dans le terme clef de responsabilité, fait l’objet de la réflexion d’Éric Grillo.

La communication politique territoriale s’est beaucoup développée dans les années 1980 sous l’effet de la décentralisation. Monique Fourdin pose la problématique de l’unité et diversité de cette communication rendue difficile avec le développement des multiples figures de l’intercommunalité.

Enfin, Bruno Conte aborde le droit de l’information-communication pour en décrire les caractéristiques formelles et substantielles.

Technologies de la communication et sociétés

« Technologies de la communication et sociétés » constituent le dernier chapitre de ce document avec la volonté d’ouvrir sur des questionnements très larges. Quel « fossé numérique ? », interroge en ce sens Benoît Lelong. L’appropriation des nouvelles technologies ou, au contraire, le rejet de l’informatique dépendent de multiples variables individuelles mais aussi socioprofessionnelles ou familiales.

L’étude des « Heurs et malheurs de la société de l’information dans l’Union européenne » conduit Laurence Monnyer-Smith à démontrer que l’emporte, dans cette société, une vue techno-économique contre les processus d’appropriation des technologies.

Enfin, Emmanuel Kessous, considérant l’organisation du travail face aux technologies de l’information et de la communication, souligne un étrange paradoxe et s’efforce d’y répondre : « Si les ordinateurs ne procurent pas de gains productifs à l’entreprise, pourquoi constate-t-on leur adoption massive par les décideurs ? »

Ce document offre au lecteur un tour d’horizon des problématiques liées à la communication. Toutes les notices sont riches et documentées, apportant non seulement beaucoup d’informations mais encore des pistes de réflexion nombreuses et diversifiées. Cet ouvrage s’adresse à un public très large : enseignants, chercheurs, journalistes, professionnels engagés dans la communication, politiques. Pour les professionnels de l’information et de la documentation, ce travail ouvre sur un environnement complémentaire aux leurs en les entraînant sur le chemin de la communication. Les étudiants en sciences sociales, les lycéens en classes terminales apprendront beaucoup en découvrant ces lignes écrites par des chercheurs érudits.

Quelques lecteurs regretteront, peut-être, l’absence de liens entre les notices. Seul Éric Maigret écrit ses textes en interrelation avec les autres. Ce défaut est mineur car ce document n’engage pas sur la voie d’une lecture linéaire. Les notices peuvent être lues indépendamment l’une de l’autre. Elles méritent cependant toutes d’être prises en compte pour la qualité, la densité de leur information, de leur réflexion aidant le lecteur à mieux comprendre le monde dans lequel il vit.