Le métier de documentaliste
Jean-Philippe Accart
Marie-Pierre Réthy
Voici donc déjà, enfin, la seconde édition du Métier de documentaliste. Déjà, car la première édition de ce nouveau classique ne date que de 1999 ; enfin, car les évolutions du métier mais aussi (surtout ?) les questionnements identitaires autour de ce (de ces ?) métier(s) ont été suffisamment riches, ces dernières années, pour justifier cette remise en chantier rapide.
Un regard neuf
Il s’agit bien d’une nouvelle édition, et non d’une simple mise à jour (qui eût été en soi déjà fort légitime). Le plan général reste fondé sur les six mêmes grandes parties (« L’information, le documentaliste et l’utilisateur » ; « Documentation, organisation et entreprise » ; « Documentation, informatique et réseau » ; « Documentation, technique et document » ; « Documentation, gestion et performance » ; « Documentation et société »). En revanche, le contenu des chapitres a été sensiblement enrichi, quelquefois allégé : l’ancien chapitre sur « l’organisation du service de documentation », qui était en fait essentiellement consacré aux classifications et à l’indexation, est logiquement fondu dans le chapitre sur « le circuit du document : traitement ».
Les annexes ont été considérablement étoffées, avec notamment un lexique de définitions des métiers de l’information et de la documentation (ADBS, 2003), et un volumineux répertoire des sources d’information et des sites Internet, d’un grand secours même si l’on sait que ce genre d’outil a une durée de validité extrêmement brève, certaines adresses étant caduques avant même la mise sous presse. On pourra regretter l’index alphabétique de la première édition, qui était fort commode, mais on appréciera de retrouver (mis à jour bien sûr), outre les textes juridiques, un glossaire, un répertoire de sigles, une bibliographie et un index auteurs.
On ne reprendra pas ici tout ce qui a déjà été dit ici – en bien – de la première édition 1. On insistera plutôt sur les nouveautés qui, en bien des points, confirment la qualité de l’ensemble. Comment en effet ne pas jeter un regard neuf sur le métier de documentaliste, alors qu’Internet est devenu central dans les métiers de l’information, et que, non seulement les frontières entre ces métiers s’estompent, mais que c’est la visibilité et l’identité de l’ensemble de ces métiers qui devient problématique, alors même que leur utilité professionnelle est de moins en moins contestable ?
On saura donc gré à Jean-Philippe Accart et Marie-Pierre Réthy, plutôt que de s’en être tenus à des propos abstraits et généraux sur le sujet, d’avoir revu tous les développements sur le système d’information documentaire (records management, etc.) et d’avoir complètement réécrit le chapitre sur les réseaux d’information. Bien entendu, toute la partie sur la société de l’information et le droit de l’information a été également remaniée : droit de reproduction, droit de prêt, etc., et toujours dans ce style très clair qui fait les meilleurs manuels.
Inventer le futur
Le tout est précédé d’une judicieuse – et savoureuse – préface de Réjean Savard, professeur à l’EBSI (Université de Montréal), qui rappelle combien ce « Métier » est « déjà un “best-seller” dans toute la Francophonie », mais aussi combien, loin de se cantonner à une définition étroite et corporative des documentalistes, il présente au contraire une approche des sciences et des métiers de l’information dans laquelle bien des métiers voisins ont à prendre, qu’ils soient archivistes ou bibliothécaires.
La conclusion de l’ouvrage a été complètement réécrite : « plus prospective » selon les auteurs (qui l’ont titrée « Inventer le futur » en référence à un ouvrage de Stan A. Hannah de 1999 sur « les sciences de l’information pour un nouveau millénaire »), elle pose en ouverture que « le changement est devenu la norme », ce qui ne peut que toucher les documentalistes, « profession qui doute de manière permanente de son identité ». Le salut passe par l’évaluation des services offerts en vue de leur évolution, par le travail en réseau des services de documentation (les bibliothèques étant créditées d’une certaine avance en matière de projets dans ce domaine), et par la promotion de valeurs professionnelles qui ont fait la preuve de leur capacité à intégrer les évolutions technologiques dans la pratique de l’information et de la documentation.
Il faut donc le répéter : plus que jamais, ce Métier de documentaliste interpelle discrètement mais fermement les bibliothécaires sur leur propre métier, leur pratique, leurs compétences et leurs valeurs ; sa lecture, en semblant les conduire vers un autre terrain, les ramène sans cesse à leur propre identité, tant ce qui sépare nos métiers relève plus du symbolique que du réel – mais le symbolique, c’est aussi du réel.