Le droit et les technologies de l'information et de la communication

Catherine Grolière

Magosha Seitz

La Maison méditerranéenne des sciences de l’homme d’Aix-en-Provence a accueilli le 5 mars 2004 une journée d’étude organisée par la délégation régionale de l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS) de Provence-Alpes-Côte d’Azur sur le thème « le droit et les TIC ». Les technologies de l’information et de la communication, la publicité, la presse, l’audiovisuel sont autant de cas particuliers protégés par les droits d’auteur. La journée avait pour objectif d’apporter un éclairage sur l’environnement juridique des technologies de l’information. Les interventions proposées s’articulaient principalement autour du droit de l’information et du droit des portails.

Diffusion de l’information : cadre juridique et responsabilité

Quels sont les droits de l’auteur de l’information ? Michèle Lemu, présidente de la commission « Droit de l’information » de l’ADBS, a souligné en introduction que l’information mise en forme, comme toute création originale, fait l’objet d’une protection juridique par les droits d’auteur. Ce droit est régi en France par le code de la propriété intellectuelle. Il comprend des droits moraux et patrimoniaux. Les droits moraux – divulgation, paternité, respect de l’œuvre – sont inaliénables et incessibles. Les droits patrimoniaux – reproduction, suite, dérivé, exploitation – fixent la gestion commerciale de l’œuvre et donnent droit à une rémunération. La protection de l’œuvre s’applique dès sa création. Toute nouvelle édition sur un support différent doit obtenir l’accord des parties contractantes. Depuis 2002, certains éditeurs mandatent le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) pour gérer le droit de reproduction numérique. Les droits moraux sont perpétuels tandis que les droits patrimoniaux s’appliquent durant la vie de l’auteur et 70 ans après sa mort.

Il faut cependant distinguer les usages privé et public de l’œuvre protégée. L’œuvre une fois divulguée, l’auteur ne peut en interdire la copie « à usage privé du copiste » ou les représentations gratuites dans le cercle de la famille. L’utilisation collective de la copie d’un même document en plusieurs exemplaires n’est pas autorisée. Il existe des divergences européennes sur les exceptions accordées par rapport au droit d’auteur. La directive européenne sur la société de l’information 1 préconise l’harmonisation du droit d’auteur tout en laissant au législateur national une marge de liberté quant à la transposition régionale de ces exceptions.

De quelle façon le diffuseur de l’information engage-t-il sa responsabilité dans l’environnement numérique ? La gestion du droit de l’information s‘avère difficile, car sa doctrine juridique n’est pas encore stabilisée 2. Cependant le respect du droit en vigueur de la propriété intellectuelle joue le rôle de régulateur et empêche un développement anarchique du réseau. Le code de la propriété intellectuelle s’oppose à la reproduction et à la mise en ligne des œuvres protégées par le droit d’auteur.

Si les liens hypertextes constituent la structure même de la Toile, leur tissage peut contrevenir aux droits de propriété intellectuelle du propriétaire du site lié, en cas d’appropriation des contenus. L’établissement d’un lien simple vers la page d’accueil est libre. Par contre, l’accord préalable du titulaire des ressources liées est recommandé pour des liens profonds et des inclusions. En effet, certains types d’hyperliens, de même que les téléchargements, relèvent du régime du droit de reproduction soumis au droit d’auteur. Faire un lien hypertexte vers une contrefaçon ou une information réservée par un dépôt relatif aux marques et modèles engage la responsabilité pénale. La responsabilité délictuelle du diffuseur peut être engagée en cas de diffusion des informations réservées par contrat ou par loi (art. 9 du code civil).

La responsabilité civile des fournisseurs d’hébergement lors de la diffusion de données personnelles ou de propos sanctionnés par la loi fait l’objet de débats dans le cadre du projet de loi sur la confiance dans l’économie numérique (LEN).

En conclusion, Michèle Lemu a insisté sur la complexité de la doctrine juridique en matière de droits d’auteur et a signalé le site « Forum des droits sur l’Internet » créé par l’association chargée d’une mission de service public de concertation des acteurs privés et publics de l’Internet 3.

Le débat avec la salle introduisit le cas particulier des données publiques dont la diffusion est gratuite, ainsi que le droit du producteur d’une banque de données qui peut interdire l’extraction des informations substantielles. Le phénomène des archives ouvertes dans le domaine de l’édition scientifique fut cité pour rappeler qu’il n’existe pas de totale gratuité, ni de liberté de droit (cf. par exemple le droit de paternité qui s’applique toujours). Enfin, les droits d’auteurs d’agents publics furent cités dans le cadre de la tendance actuelle au renforcement du droit d’auteur.

Portail, transversalité et incidences juridiques

Hachémi Sahli a présenté le projet « Services web de l’artisanat et des métiers » (SW@M), une plate-forme numérique Open Source lancée par les Chambres de métiers du Nord et du Pas-de-Calais en partenariat avec l’État. SW@M, dont l’inauguration est prévue en octobre 2004, répondra aux enjeux de la modernisation de l’administration, mettra en place un dispositif innovant et performant de formation en alternance et dynamisera l’ensemble des relations économiques de l’artisanat.

Les aspects juridiques sont gérés sous forme de chartes élaborées conjointement par des comités de pilotage et de diffusion. Celles-ci, basées sur le respect des textes de la Commission nationale Informatique et libertés (Cnil), de la propriété intellectuelle et du droit de la concurrence, sont élaborées pour la publication de documents en ligne, l’utilisation de l’espace collaborateur et la consultation et la gestion de données nominatives. L’externalisation d’un certain nombre d’expertises et de services s’avère nécessaire malgré la double compétence juridique et informatique du gestionnaire du portail, responsable de la validation des contenus et du choix des fonctionnalités offertes.

En clôture de cette journée d’étude, la société Aidel a présenté le logiciel « Superdoc Premium 4 », une suite logicielle de gestion d’un portail documentaire. Elle offre en standard la majorité des fonctions liées à la gestion de l’information. Cependant, des développements spécifiques en matière de gestion des droits de l’information peuvent être étudiés, notamment en matière d’accès aux contenus et de profil des utilisateurs.