Le système des bibliothèques en Slovénie
D'où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?
Eva Kodric-Dacic
L’auteur de l’article rend compte du développement des bibliothèques publiques slovènes depuis la Seconde Guerre mondiale. Elles ont bénéficié d’un important soutien politique et d’une législation dont les bases ont été fixées en 1961. L’auteur propose enfin des priorités pour l’avenir et insiste sur la conservation du patrimoine.
The author of this article gives an account of the development of public libraries in Slovenia since the Second World War. They have benefited from important political support and legislation, the basis of which was set in place in 1961. The author ends by suggesting future priorities and stresses the need for the conservation of patrimony.
Die Autorin des Artikels beschreibt die Entwicklung der slowenischen öffentlichen Bibliotheken seit dem Zweiten Weltkrieg. Sie zogen einen Vorteil aus einem starken politischen Rückhalt und einer Gesetzgebung, deren Grundlagen 1961 festgelegt wurden. Schließlich setzt die Autorin Prioritäten für die Zukunft und unterstreicht die Wichtigkeit der Konservierung des Schriftguts.
El autor del artículo da cuenta del desarrollo de las bibliotecas públicas eslovenas desde la Segunda Guerra mundial. Estas se han beneficiado de un importante apoyo político y de una legislación cuyas bases fueron fijadas en 1961. El autor propone finalmente prioridades para el futuro e insiste en la conservación del patrimonio.
Plus de quarante ans après l’adoption, en 1961, de la première loi slovène concernant les bibliothèques et deux ans après celle d’une nouvelle loi, en 2001, il est temps d’évaluer quels ont été les objectifs atteints au cours de ces décennies, de les comparer avec ceux des autres pays de l’Union européenne et d’en définir de nouveaux.
D’où venons-nous ?
Le système actuel des bibliothèques slovènes, régi par la loi de 2001, s’est constitué en Slovénie au cours des dix années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Les grandes lignes juridiques, fixées par la loi de 1961, sont exposées dans un document intitulé Conception du développement des bibliothèques (1971).
Les bibliothèques publiques sont le reflet d’une époque où les bibliothèques, par leur soutien à l’éducation et leur part active dans l’instruction des masses populaires, devaient participer à l’instauration du socialisme. Les premières bibliothèques ont été des bibliothèques d’établissements d’enseignement secondaire (Celovec, Ljubljana, Gorica) et supérieur (Gradec). Ces bibliothèques, à l’origine principalement destinées aux professeurs et aux étudiants, étaient cependant ouvertes à tous. Mais, étant donné que le degré d’instruction de la population était alors faible, et que la lecture des ouvrages qui constituaient les collections des bibliothèques exigeait un certain niveau de connaissances, l’accès à ces bibliothèques se limitait presque naturellement aux personnes scolarisées. La population rurale peu alphabétisée, qui constituait la majorité des Slovènes, n’y avait donc pas accès. Ce phénomène était déjà l’objet de préoccupations dans la seconde moitié du XIXe siècle, au moment où se sont constituées les premières bibliothèques paroissiales et sociales, créées par des initiatives privées, et non par une politique gouvernementale délibérée.
Dans la période de l’entre-deux-guerres, les villes slovènes les plus importantes (Maribor, Celje, Ljubljana) avaient des bibliothèques publiques, dont le fonctionnement s’alignait sur celui des bibliothèques scolaires.
C’est seulement après la Seconde Guerre mondiale que les collectivités territoriales et l’État commencèrent à s’intéresser aux bibliothèques publiques 1, dont le concept suscitait un vif intérêt dans le corps enseignant 2. Déjà, à la veille de la Libération, en 1944, le Comité pour l’art et la culture populaire du gouvernement slovène avait élaboré le tout premier modèle de bibliothèques publiques 3. Des décrets, adoptés en 1945, ont encouragé une multiplication de ces bibliothèques : jusqu’en 1948, 1 164 furent créées en Slovénie (seules celles possédant au moins cent ouvrages ont été prises en compte) 4. Elles disposaient en moyenne de trois cents ouvrages, et étaient gérées en général par des bénévoles. On comptait, en outre, 673 bibliothèques scientifiques et techniques (parmi lesquelles 413 étaient réservées aux enseignants) 5.
Le problème majeur de l’après-guerre était, mis à part une production éditoriale insuffisante, le manque de bibliothécaires. En 1957, l’ensemble des bibliothèques publiques slovènes n’employait que 49 personnes qualifiées 6, qui travaillaient essentiellement dans les bibliothèques universitaires et à la Bibliothèque nationale et universitaire (NUK).
Bien que le Comité slovène pour les bibliothèques se soit efforcé, en s’inspirant des autres républiques de Yougoslavie, de créer en Slovénie un Centre universitaire destiné au bon développement des bibliothèques publiques, il n’est pas parvenu à ses fins. C’est la NUK qui, dans les années 1960, s’en est chargée après l’adoption de la loi concernant les bibliothèques et la mise en place de la Bibliothèque centrale (Matica).
Dans le document de 1971, Conception du développement des bibliothèques, il y a déjà l’idée de bibliothèque éducative et de réseau de bibliothèques (selon le modèle occidental). Ce document, qui a fixé les missions des bibliothèques scolaires et universitaires, l’organisation du système universitaire à Ljubljana, et s’est ouvert aux normes internationales, est resté jusqu’à aujourd’hui le seul document stratégique et exhaustif sur les bibliothèques.
Les bibliothèques d’information et la bibliothèque éducative, qui en étaient les deux idées fondamentales, ont été reprises une dizaine d’années plus tard dans la loi de 1982 sur les bibliothèques. La structure pyramidale du système d’information, dont la Bibliothèque nationale et universitaire représentait le sommet, a également permis de rationaliser le travail : un catalogue collectif des publications étrangères fut élaboré dans les années 1960, puis, en 1968, le catalogage des publications slovènes fut centralisé, et, en 1975, le catalogage commun des publications du dépôt légal de toute la Yougoslavie fut réalisé 7.
Les principales bibliothèques participent au catalogue commun, et à la base de données Cobib (Cooperative Online Bibliographic Database) reliée au Catalogue collectif national, le Cobiss (Co-operative Online Bibliographic System and Services), réalisé par l’Izum (Institut des sciences de l’information).
Les principales caractéristiques des bibliothèques slovènes sont les suivantes :
1. Avec la création de bibliothèques centrales, la loi de 1961 a accompli un premier pas vers l’unification et l’organisation des bibliothèques universitaires, dont la loi de 1982 fut l’aboutissement. Ces bibliothèques, fondées par décret au cours des années 1945 et 1946, étaient considérées comme des bibliothèques régionales. Elles recevaient le dépôt légal d’impression. Cependant, la loi de 1982 ne fait aucunement mention des bibliothèques régionales. Les anciennes bibliothèques universitaires se sont néanmoins développées en d’importants centres d’information, possédant une riche collection d’ouvrages, mais elles n’ont pas répondu aux besoins d’un centre régional et n’ont pas eu de statut déterminé. Les soixante bibliothèques centrales, correspondant à la division régionale de l’époque, fonctionnaient uniquement au niveau local, sans lien à l’échelon régional ni avec les autres bibliothèques centrales. Ce qui explique qu’aujourd’hui il n’y ait pas de système régional développé de bibliothèques. La collaboration entre bibliothèques régionales est rare et il y a très peu de projets communs entre ces bibliothèques.
2. Le développement des bibliothèques publiques a exigé, ces cinq dernières décennies, l’engagement de toutes les ressources disponibles, et la Bibliothèque nationale et universitaire a également contribué à ce processus au détriment de ses fonctions de bibliothèque nationale. Malgré le manque de personnel qualifié, et en l’absence d’organisme fédérateur, toutes les bibliothèques exécutaient des tâches qui dépassaient leurs fonctions habituelles.
La Bibliothèque nationale, en tant que bibliothèque centrale, s’acquittait elle aussi de fonctions qui dépassaient de loin le cadre des activités d’une Bibliothèque nationale. C’est elle qui, notamment, apportait conseil et expertise aux autres bibliothèques. Ce mode de fonctionnement n’était pas propre à la Yougoslavie, plusieurs pays de l’Europe de l’Est le pratiquaient également.
3. La loi de 1961 n’avait pas prévu de service qui gère, à l’échelon national, les bibliothèques, qui, alors, dépendaient de plusieurs ministères. La loi de 1982 a, en partie, comblé cette lacune, en créant un Conseil des bibliothèques de Slovénie, qui était avant tout un organe de contrôle, sans aucun pouvoir réel. Le pouvoir appartenait, en fait, aux différents ministères.
4. La loi de 1982 fixe les tâches spécifiques de chaque catégorie de bibliothèques, mais, outre que certaines d’entre elles ne sont pas prises en compte dans cette loi, la classification des bibliothèques reste floue.
5. Cependant, grâce à une volonté politique, les bibliothèques slovènes peuvent désormais prétendre à un niveau égal à celui des pays développés de l’Union européenne.
Qui sommes-nous ?
En 2001, une nouvelle loi concernant les bibliothèques fut adoptée. La Slovénie comptait alors 915 bibliothèques et 1 530 points d’accès (cf. tableau).
251 bibliothèques, dont la BN, 55 bibliothèques universitaires, 65 bibliothèques publiques, 82 bibliothèques spécialisées et 29 scolaires, participent au Cobiss. Selon les données de l’Izum 8, à la fin 2001, 48 % seulement des bibliothèques publiques régionales emprunteuses (120 sur 250) étaient reliées au Cobiss. La plupart des autres utilisaient le programme Bibliothèque scolaire, et 6 bibliothèques spécialisées utilisaient Infolib, et, parmi les bibliothèques privées, 19 étaient reliées au Cobiss. Malgré les recommandations de la loi de 2001, seulement un tiers des bibliothèques appartenant au service public était relié au Catalogue collectif national.
Les données statistiques 9 de ces dix dernières années montrent une nette tendance au développement. En ce qui concerne les bibliothèques publiques, au cours de la décennie qui a suivi l’indépendance de la Slovénie en 1991, des indicateurs montrent une croissance tout d’abord constante, qui a atteint des pics de temps en temps, puis s’est stabilisée ces dernières années. Le personnel a augmenté de 27 % (il est passé de 682 en 1991 à 868 en 2001), les collections se sont accrues de 45 % (de 290 866 en 1991 à 423 994 en 2001), le nombre d’emprunts a même augmenté de 136 % (de 9 248 000 documents prêtés en 1991 à 21 883 936 en 2001). Ce mouvement de croissance a en partie ralenti en 2000-2001, et même reculé dans certains domaines (l’accroissement des collections, le nombre des inscrits et la fréquentation). Si l’on compare ces indicateurs avec ceux d’autres pays de l’Union européenne, nous avons les mêmes résultats que ces derniers pour les bibliothèques publiques 10.
En 2000, il y avait, pour 100 000 habitants, 30 bibliothécaires qualifiés, alors que la moyenne européenne est de 12,7 bibliothécaires, les mieux placés étant les pays baltes. En 2000, 9,7 ouvrages ont été empruntés par habitant alors que la moyenne de l’Union européenne n’était que de 4,8 ouvrages.
Dans le cas des bibliothèques universitaires, en valeur absolue, les tendances sont similaires : le nombre de personnes y travaillant a augmenté de 21 % entre 1991 et 2001 (il est passé de 294 à 356), les collections de 43 % (de 82 377 documents à 118 375), et le nombre d’emprunts de 105 % (de 1 591 000 documents prêtés en 1991 à 3 264 000 en 2001). Mais cette croissance a commencé à ralentir en 1998 et 1999.
Les valeurs relatives, quant à elles, sont plus inquiétantes. Le nombre d’utilisateurs de ces bibliothèques a augmenté d’environ 2,5 durant ces dix années. En 1998, elles disposaient de 51 documents par utilisateur potentiel, alors qu’en 2001 elles n’en disposaient plus que de 45. La même année, elles ont prêté 65 documents par utilisateur et, en 2001, 36 seulement. La cause de cette baisse est non seulement liée à l’accroissement des ressources électroniques et à leur accessibilité toujours plus grande, mais également à un budget insuffisant. Elles disposaient, pour l’acquisition de documents, de 56 écus par utilisateur en 1998, et de 35 euros en 2001 11.
Malheureusement, nous ne disposons pas d’informations suffisantes pour les autres catégories de bibliothèques. Les données concernant l’activité des bibliothèques scolaires en Slovénie sont rassemblées par le bureau statistique de la république de Slovénie tous les trois ans seulement, ce qui rend quasiment impossible une comparaison avec les autres pays. Elles sont dirigées par un bibliothécaire qualifié, ayant une formation universitaire et des connaissances informatiques. Quant aux bibliothèques spécialisées, leur nombre changeant constamment, il est quasiment impossible d’établir des statistiques.
La Bibliothèque nationale et universitaire a un personnel insuffisant : 133 personnes y travaillaient en 2000. Son budget d’acquisition, si on le compare à celui des autres bibliothèques nationales en Europe, est également très modeste. La mise en place de la bibliographie rétrospective a pris du retard, il y a des difficultés à obtenir le dépôt légal et le nombre d’acquisitions est trop faible : 2 000 publications étrangères par an. Et surtout, la Bibliothèque nationale, comme d’autres bibliothèques slovènes, est en retard dans le domaine de la numérisation, et des publications électroniques.
Plusieurs institutions et organismes professionnels veillent à donner une certaine unité à la profession, en participant notamment à la formation initiale et continue des bibliothécaires slovènes 12 : l’université, la Bibliothèque nationale, l’Izum, l’Association des bibliothécaires slovènes…
La Bibliothèque nationale et universitaire a toujours occupé une place centrale dans le fonctionnement et le développement des bibliothèques slovènes et dans la formation des bibliothécaires.
Le Catalogue collectif national a joué un rôle important dans l’unification de la gestion des collections et du travail dans les bibliothèques slovènes, sous l’égide de l’Izum et de la NUK.
La place de l’Association des bibliothécaires slovènes (la ZBDS) est essentielle dans le fonctionnement de la profession.
Le Conseil national des bibliothèques est le seul organisme reconnu par la loi à veiller à l’unité des bibliothèques. Il est principalement composé de spécialistes reconnus issus du milieu bibliothécaire. Il fait autorité en matière de bibliothèques. Malheureusement, ses compétences se limitent surtout au bon fonctionnement du Catalogue collectif national et des deux organisations qui le soutiennent, la NUK et l’Izum. Sa seule légitimité concrète réside dans la gestion des normes.
L’organisation des bibliothèques
Les bibliothèques scolaires et universitaires – les 659 bibliothèques d’écoles primaires et secondaires, 54 bibliothèques universitaires et 65 des 141 bibliothèques spécialisées – relèvent de la compétence du ministère de l’Éducation, des Sciences et des Sports, et la Bibliothèque nationale, les 60 bibliothèques publiques et 38 bibliothèques spécialisées de celle du ministère de la Culture.
L’Izum, quant à lui, dépend du ministère de l’Éducation.
Comme le ministère de la Culture est également responsable des collections patrimoniales, sa compétence s’étend aux bibliothèques monastiques et ecclésiastiques.
Il n’y a pas d’instance administrative commune à l’ensemble des bibliothèques. Le Conseil national des bibliothèques n’a aucune compétence administrative. Les décisions administratives sont prises au sein des ministères : au ministère de la Culture, par le Service Édition et bibliothéconomie qui gère surtout les bibliothèques publiques, mais au ministère de l’Éducation, il n’y a pas de service spécifique pour les bibliothèques. Les problèmes relatifs aux bibliothèques scolaires et universitaires sont réglés en même temps que ceux des écoles et des universités. Il faut ajouter que le ministère de la Culture se décharge de la responsabilité des bibliothèques spécialisées alors qu’elles dépendent de son autorité et que certaines d’entre elles possèdent des fonds dont la richesse patrimoniale mériterait qu’on s’y intéresse à l’échelon national.
Le ministère de l’Éducation finance le Cobiss, auquel participent les bibliothèques universitaires et les bibliothèques spécialisées. Les bibliothèques scolaires, bien que dépendant du même ministère, ont adopté, pour leur part, le système Bibliothèque scolaire qui aurait besoin d’être réactualisé, mais le ministère manque de moyens et de motivation pour le faire.
La loi de 2001 confère aux inspecteurs des bibliothèques (nommés par le ministère de la Culture pour toutes les bibliothèques à l’exception des bibliothèques scolaires et universitaires, pour lesquelles des inspecteurs sont nommés par le ministère en charge de l’enseignement) une mission de contrôle et d’évaluation des bibliothèques.
La problématique du système slovène
De manière générale, nous pouvons aujourd’hui estimer que notre système de bibliothèques est relativement développé. Toutefois, les bibliothèques indépendantes ne le sont qu’inégalement et toutes ne satisfont pas au même degré les besoins de leurs utilisateurs. Notre système manque d’institutions qui puissent, sur un plan technique et administratif, organiser, diriger et guider les bibliothèques. Ces problèmes sont en partie liés à l’histoire, mais également au manque de coordination au niveau gouvernemental.
Sur un plan formel, l’erreur fondamentale a été que la loi ait omis, dans le but de laisser une plus grande autonomie aux ministères, de créer une structure commune à toutes les bibliothèques. Ce qui amène à se demander s’il est bon de continuer à fonctionner conformément à la loi. En effet, comment est-il possible d’assurer une politique planifiée des bibliothèques ? Le Conseil national des bibliothèques, on l’a vu, ne peut qu’émettre un avis. Cependant, comme c’est le seul élément coordinateur, il mérite, à ce titre, d’être soutenu.
Le Catalogue collectif national pose lui aussi problème car il y a rivalité entre la NUK et l’Izum : la Bibliothèque nationale et universitaire ayant, dans les années 1980, constitué un catalogue commun avec les bibliothèques nationales des républiques de l’ex-Yougoslavie, et l’Izum, ayant, dans les années 1990, commencé à inclure dans le Cobiss les fonds de tous les types de bibliothèques.
Ce système centralisé ne réunit cependant que le tiers des bibliothèques. La loi, là encore, n’a rien prévu. Certaines des bibliothèques qui participent à un autre système, comme Bibliothèque scolaire, sont exclues du catalogue collectif et risquent d’en payer le prix.
Les missions de coopération de la Bibliothèque nationale et universitaire (formation, catalogue commun…), fixées par la loi, sont financées par le ministère de la Culture. Malheureusement, la Bibliothèque manque cruellement de moyens pour espérer mener à bien ces diverses activités.
Le fait qu’il y ait beaucoup de différence entre les bibliothèques entraîne celles qui sont le plus développées à effectuer les tâches des bibliothèques moins bien dotées : les bibliothèques publiques doivent, par exemple, se substituer aux bibliothèques scolaires et universitaires. Et ce phénomène n’est pas prêt de se résorber, vu l’absence de coordination entre les ministères concernés.
La place de la Bibliothèque nationale au sein du système des bibliothèques slovènes est liée à l’histoire du pays. Son statut de Bibliothèque nationale détentrice du dépôt légal a été établi après la Seconde guerre mondiale, mais son statut de bibliothèque universitaire et l’aide qu’elle a dû apporter au système des bibliothèques slovènes et aux programmes nationaux ont perduré et ses liens avec la bibliothèque universitaire de Ljubljana sont restés forts.
Le financement des bibliothèques slovènes coûte relativement cher, du fait des intérêts partagés des deux ministères. La politique d’acquisition centralisée de bases de données, qui fonctionne très bien ailleurs sous forme de consortium, a du mal à se mettre en place chez nous. En ce qui concerne la numérisation, nous accusons aussi un retard de cinq à sept ans sur les autres pays européens. Les premiers (mais également les derniers) projets de numérisation ont été réalisés avec l’aide de l’Open Society Institute. Dans ce domaine, il n’y a que la Bibliothèque nationale et universitaire qui se soit montrée performante jusqu’à présent.
Où allons-nous ?
Lorsque nous essayons d’envisager le développement futur des bibliothèques, nous devons garder à l’esprit que la Slovénie est un petit pays, qui ne doit pas, dans un avenir proche, s’attendre à une croissance extraordinaire que ce soit dans le domaine économique ou social. Comme nous sommes dépourvus d’importantes ressources naturelles, il est clair que, pour devenir compétitifs, nous ne pouvons compter que sur une qualification et un niveau d’instruction élevé d’une population consciente de son identité nationale et de sa culture.
En fait, nos bibliothèques sont comparables aux autres bibliothèques européennes. Toutefois, les pays européens se différencient par leur étendue, de même que par leur développement économique et par leurs différences culturelles. La bibliothéconomie slovène s’appuie, en général, sur le modèle des pays d’Europe du Nord. Or, il s’agit de pays prospères dont le produit national brut est presque le double du nôtre. Ce sont également des pays qui se différencient du nôtre par leur importance culturelle et qui ont un mode de gestion des bibliothèques différent.
Si nous voulons nous projeter dans l’avenir, nous devons répondre à un certain nombre de questions essentielles :
– Est-ce que nous devons continuer à développer les bibliothèques publiques comme nous l’avons fait depuis ces cinquante dernières années ?
– Est-ce que la loi est adaptée au développement et au soutien des bibliothèques ?
– Faut-il que le ministère de la Culture joue le rôle de ministère officiel pour l’ensemble des bibliothèques ?
– Est-il raisonnable que la Bibliothèque nationale ait à sa charge le service central, le développement du système des bibliothèques, les améliorations techniques, le catalogage des publications slovènes… ?
– Est-il pertinent de se reporter à des lois qui ont été établies pour un type bien particulier de bibliothèques ?
Étant donné que nous sommes à peine deux millions et que notre superficie dépasse à peine 20 000 km2, le seul projet rationnel serait de développer une instance légale commune, après avoir établi les protocoles, les mécanismes et les organismes qui permettraient au système de fonctionner harmonieusement. Il semble aussi important de donner priorité aux bibliothèques universitaires et au développement du patrimoine culturel. De tels objectifs stratégiques ne peuvent aboutir sans de réelles possibilités et sans une volonté politique affirmée.
C’est pourquoi, en plus d’avoir une représentation structurelle du développement des bibliothèques, il faut également revoir l’organisation administrative qui en permettrait la réalisation. À l’avenir, il faudrait veiller davantage au patrimoine national, effectuer une nouvelle classification des bibliothèques, déterminer leur rôle, mettre en place les mécanismes et désigner les personnes chargées d’en accompagner le développement et le fonctionnement.
La préservation des collections
Les collections des bibliothèques sont constituées d’ouvrages sélectionnés, comme le prévoit la loi, par chacune des catégories de bibliothèques slovènes. Cela comprend les ouvrages publiés en Slovénie, les publications officielles, les ouvrages spécialisés, les ouvrages de référence et les documents électroniques.
Les documents conservés par nos bibliothèques méritent qu’à l’avenir nous leur prêtions plus d’attention. Et ce, d’autant plus que l’État et les collectivités locales accordent des moyens importants pour les acquérir. C’est pourquoi, il serait nécessaire de développer un programme au niveau national.
Une politique d’acquisition
En premier lieu, il faudrait veiller à coordonner les acquisitions. Il est nécessaire de rétablir, selon de nouveaux programmes spécifiques, un système de partage des acquisitions, système qui existait il y a près de vingt ans pour l’achat de publications étrangères.
En raison de coûts importants, l’achat de bases de données devrait se faire en coopération et la création de consortiums, tels que Cosec (Consortium of Slovenian Electronic Collections) et le consortium qui permet aux bibliothèques d’avoir accès au service de Science Direct, ne fera qu’en accélérer le processus. Là encore, ce sont les bibliothèques qui montrent la voie aux ministères concernés.
À cet égard, il conviendrait de s’intéresser aux bibliothèques publiques qui jouent le rôle de bibliothèque universitaire dans les centres régionaux où il y a des établissements d’enseignement supérieur, ou dans des universités récentes. Si le but du ministère de l’Éducation est d’assurer des études de qualité, il devra offrir des conditions adaptées pas uniquement à Ljubljana et à Maribor, en finançant par exemple des bibliothèques de taille moyenne pour leur permettre d’acquérir des ouvrages de référence destinés aux étudiants.
Il faudrait également redéfinir et harmoniser la politique d’acquisition des bibliothèques indépendantes. En ce qui concerne les bibliothèques scolaires se pose la question du nombre d’ouvrages destinés aux enseignants : il serait intéressant, au moins dans les zones urbaines, de réfléchir à la constitution d’une collection générale exhaustive. De même, il faudrait réfléchir à un système d’acquisition centralisé, et à l’accroissement de l’équipement dans toutes les bibliothèques scolaires au sein d’une commune ou d’une région.
Au niveau national, il faudrait établir les fondements d’une politique d’acquisition pour les bibliothèques publiques, non pas en vue de limiter leur collection, mais en vue d’offrir aux utilisateurs de toute la Slovénie un large choix d’auteurs slovènes.
Une politique de préservation
Il faudrait également accorder plus de moyens et élaborer des programmes pour préserver les collections. S’il est indispensable pour les utilisateurs d’avoir accès à des ouvrages récents, les fonds plus anciens des bibliothèques sont également très importants. Il faudrait s’en occuper au niveau national et pour cela élaborer :
– une nouvelle loi sur le dépôt légal des publications, qui concernerait les ouvrages sur support papier et ou sur support électronique ;
– un programme national de préservation et de restauration des collections, et, en premier lieu, des ouvrages définis par la loi comme faisant partie du patrimoine culturel ;
– un programme national de microfilmage des publications périodiques ;
– une politique nationale de préservation des périodiques étrangers, et, pour une plus grande diffusion et en plus d’un exemplaire papier, il faudrait acquérir des ressources électroniques ;
Il faudrait, enfin, créer une bibliothèque de dépôt commune à toutes les bibliothèques, afin de préserver les ouvrages peu empruntés.
Une politique de valorisation
La promotion des collections mérite autant d’attention que la préservation. Et, bien que la tâche principale des bibliothèques dans les années à venir soit d’offrir à leurs usagers l’accès à tous les catalogues grâce à un réseau commun, il reste important de réaliser :
– un répertoire du patrimoine culturel littéraire et un inventaire des monuments culturels littéraires ;
– un inventaire des collections de nos bibliothèques ;
– un programme de numérisation des documents.
Perspectives
Pour assurer un développement cohérent des bibliothèques et leur fonctionnement, la condition préliminaire est que les ministères, conformément à la loi, commencent à se préoccuper de l’ensemble des bibliothèques dont ils sont responsables. Cela signifie que le ministère de la Culture devra s’intéresser aux problèmes des bibliothèques spécialisées, et celui de l’Éducation, compte tenu du nombre de bibliothèques dont il s’occupe et de leur diversité, créer un service spécial au sein du ministère.
Il faudrait créer des organismes qui, sur un plan administratif, géreraient le fonctionnement des bibliothèques :
1. Un département des bibliothèques, grâce auquel les ministères responsables des bibliothèques pourraient échanger leur avis et mener une politique cohérente.
2. Un organe qui dirigerait et donnerait les grandes orientations du Catalogue collectif national. La loi sur les bibliothèques a négligé ce point, alors qu’un tel service pourrait certainement alléger le travail des deux organisations porteuses du système, la NUK et l’Izum et contribuerait à résoudre le problème des bibliothèques qui ne sont pas encore considérées comme étant du ressort de ces deux organisations. Au moment de la constitution de ce service, il faudrait avant tout avoir à l’esprit le Catalogue collectif national, tel qu’il est défini par la loi et non le système Cobiss actuel. Ainsi les bibliothèques qui appartiennent au service public et ne font pas encore partie de Cobiss, et qui souhaiteraient être reliées au Catalogue collectif national, devraient également y trouver leur place.
3. Enfin, il faudrait mettre en place une institution indépendante, autrement dit un centre consacré au développement des bibliothèques, le système actuel étant anachronique et mettant un frein aux autres activités de la Bibliothèque nationale.
Mai 2004