Bollettino AIB : Rivista italiana di biblioteconomia e scienze dell'informazione, décembre 2002 à septembre 2003

par Danielle Dubroca
Roma : Associazione Italiana Biblioteche. ISSN 1121-1490. Abonnement annuel (4 numéros) : 105 € – Le numéro : 15 €

Dans les derniers numéros du Bollettino AIB, plusieurs articles paraissent particulièrement intéressants pour le lecteur français. Ainsi, dans le no 4 de décembre 2002, sous la direction de Vittorio Ponzani, paraît un premier rapport sur l’état des bibliothèques italiennes en 2001 1.

Rapport sur les bibliothèques italiennes

Ce rapport n’a pas de caractère officiel, puisqu’il est le fruit du travail des membres de l’Associazione Italiana Biblioteche (AIB). Très complet, il a pour ambition de couvrir tout le champ des bibliothèques italiennes.

Il a rencontré quelques difficultés dans son élaboration, la principale étant l’absence de données quantitatives nationales. Pourtant, d’après diverses sources, on peut dire qu’il y a, en Italie, approximativement 15 000 bibliothèques, possédant environ 200 millions de documents qui sont consultés chaque année par un peu moins de 10 millions d’usagers. Il se fait, dans le même temps, 65 millions de prêts, sans précision. Les établissements fonctionnent grâce au travail de 20 000 personnes. Les dépenses de fonctionnement se sont élevées en 2001 à 1 000 milliards de lires, dont 10 % pour l’acquisition de documents, environ 7 millions de volumes.

La législation

Elle a évolué avec des modifications apportées à la constitution en 2002 et diverses dispositions législatives, qui, en gros, laissent à l’État la tutelle des biens culturels – il fixe les principes fondamentaux –, mais qui en donnent la gestion aux régions et aux communes, et par délégation de celles-ci, à diverses organisations locales, publiques et privées. Mais beaucoup de problèmes ne sont pas résolus : entre autres, l’existence de deux bibliothèques nationales (à Florence et à Rome) et l’organisation du dépôt légal. Quant au droit d’auteur, il est prévu de se conformer aux directives européennes. Concrètement, ne peuvent être reproduits, pour un usage personnel, que 15 % du contenu des publications, moyennant un droit forfaitaire acquitté par les bibliothèques à la Société des auteurs. Sont exclues de ce droit de reproduction, les œuvres rares, qui sont en dehors des catalogues éditoriaux. De 2001 à 2003, l’application des nouvelles dispositions a été testée et ajustée, provisoirement, en attendant des dispositions définitives.

Les bibliothèques de l’enseignement supérieur

Diverses rencontres ont eu lieu pour développer la coopération entre bibliothèques universitaires : particulièrement, l’activité des consortiums pour l’acquisition des ressources électroniques et les instruments, entre autres statistiques, d’évaluation des services.

D’autres questions restent préoccupantes : l’application du cursus en trois ans et l’enseignement de nouvelles disciplines ont demandé des dépenses supplémentaires. Les bibliothèques ont vu leurs crédits d’acquisition diminuer par suite d’une nouvelle répartition dans l’enseignement supérieur. Le passage des bibliothèques, dépendant toujours de l’administration des biens culturels, aux universités reste en suspens, sauf à Bologne.

Bien des manques subsistent en locaux, personnels et formation, crédits, projets, vision d’ensemble, respectant les profils et richesses documentaires particuliers…

Coopération et projets

Le MetaOPAC Azalai italiano (MAI) et une nouvelle architecture du Servizio bibliotecario nazionale (SBN) permettent de continuer à progresser vers un catalogue unique des bibliothèques italiennes 2. Le réseau SBN réunissait, à la fin de 2001, environ 1 400 bibliothèques, pour un catalogue national unique de 5,5 millions de titres et 1 600 000 auteurs. CUBI (Catalogo unico delle biblioteche italiane), l’excellent catalogue de la production éditoriale italienne de 1886 à 1957, y est désormais reversé. Les diverses bibliothèques italiennes sont répertoriées dans l’Anagrafe delle biblioteche italiane, consultable sur Internet.

L’action la plus importante concerne la mise en ligne du SBN, permettant aussi le prêt entre bibliothèques, et la mise à l’étude du SBN2, qui sera compatible avec la plupart des formats internationaux.

Le projet Firenze University Press prévoit le dépôt volontaire des publications électroniques à la Bibliothèque nationale centrale de Florence dans le cadre du projet EUROPE. Le projet DAFNE (District Architecture for Network Editions) assurera la diffusion internationale de la production scientifique italienne.

Parmi les autres projets, signalons la création d’un fichier d’autorités national pour les auteurs et titres, et leur diffusion en format UNIMARC ; un groupe de travail sur les ressources électroniques ; l’enrichissement de la base de données des fonds musicaux ; la participation au consortium européen pour la création d’un catalogue du livre ancien en Europe ; plusieurs actions pour le catalogage des manuscrits et la participation au projet européen pour le recensement des palimpsestes grecs Rinascimento virtuale.

La formation et l’emploi

La formation est désormais assurée par les universités, qui, depuis 2000, année de la réforme universitaire, délivrent un diplôme spécialisé en bibliothéconomie et archivistique. En nombre, cela ne représente que 1,6 % des étudiants inscrits, mais 16 % des étudiants des filières littéraires.

À cela, il faut ajouter la Scuola speciale per archivisti e bibliotecari de l’université de Rome La Sapienza, la Scuola vaticana di biblioteconomia et diverses écoles régionales. La féminisation est élevée (75 % des inscrits) et la disparité assez grande entre Nord et Sud.

L’administration publique offre un chiffre stable d’emplois, tandis que les emplois à durée déterminée sont en forte croissance. En dehors du secteur public, les emplois stables sont peu nombreux.

L’Ordre des bibliothécaires italiens

C’est l’AIB qui gère l’Ordre, l’Albo professionale. Il comprenait, en décembre 2001, 556 bibliothécaires qualifiés. L’Association comptait alors 4 407 adhérents, venant des vingt régions italiennes.

La Biblioteca italiana telematica

La Biblioteca italiana telematica (BIT) est présentée avec ses développements dans le no 3, 2003. Réalisée à partir de 1997 par le CiBit (Centro interuniversitario Biblioteca italiana telematica), elle a pour but de mettre à la disposition de l’usager, sous forme électronique, les textes de la culture italienne, sans limites chronologiques ou de sujets. Une vingtaine de groupes de recherche de quinze universités y travaillent. Le siège du CiBit est à Pise.

Le système de catalogage, les possibilités d’interrogation sont particulièrement complexes, les études philologiques dans le recueil des textes très poussées. Cela permet une utilisation fine et fiable des textes. À l’automne 2002, 1 500 textes avaient été recueillis 3.

La politique des bibliothèques

Dans l’éditorial du même numéro, le directeur du Bollettino AIB, Giovanni Solimine, fait part de ses inquiétudes sur le nouveau cours des réformes, envisagées par le Ministero per i beni e le attività culturali. Dans une première version, le projet de réorganisation de l’administration centrale prévoyait quatre départements : Antiquités et beaux-arts et paysage, Archives et bibliothèques, Spectacle et sport, Recherche et innovation.

Fin septembre 2003, le ministre a présenté, dans une conférence de presse, le décret de loi, approuvé en un stade préliminaire par le gouvernement. À cause de « nécessités d’économie », le département Archives et bibliothèques ne verrait pas le jour. Les archives et les bibliothèques d’État dépendraient des surintendances régionales « pour les antiquités et les beaux-arts et pour le paysage », tandis que les instituts centraux, ICCU (Istituto Centrale per il Catalogo Unico delle Biblioteche) et CFLR (Centro di Fotoriproduzione, Legatoria e Restauro), seraient transférés au département Recherche et innovation.

Ce projet a suscité beaucoup de réactions défavorables de personnalités de la culture aux sensibilités politiques différentes, et des professionnels (voir la liste de discussion AIB-CUR) 4.

Comme l’écrit G. Solimine, ce qui est grave, c’est l’absence d’un point de référence pour la politique nationale des bibliothèques, qui aurait pu s’exprimer dans le département Archives et bibliothèques. Dans un pays décentralisé comme l’Italie, les grands projets de coopération ont besoin d’un ancrage national, sans remettre en cause l’autonomie régionale. Il ne s’agirait pas d’amplifier la présence de l’État dans la gestion directe des bibliothèques, mais de donner une impulsion et de coordonner le système dans sa complexité, de procurer les ressources financières et de développer les services nationaux.

Il y a un réel danger de dispersion dans le projet. D’autre part, séparer l’ICCU de la gestion ordinaire des bibliothèques les prive d’un échange indispensable entre centre et « périphérie » pour mener à bien les différents projets. L’auteur souhaite une révision de la réforme, voire son rejet.