Le développement culturel local

par Hélène Grognet

Gérard Poteau

Jean-Christophe Blaize

Voiron, France : La Lettre du cadre territorial, 2003. – 180 p. ; 29 cm. – (Dossier d’experts). ISBN 2-84130-490-6 : 60 €

« Cet ouvrage, simple et pratique, propose une vision synthétique et actualisée du paysage culturel public en France » indique la quatrième de couverture, à partir des constats généralement admis : complexification des procédures dans la mise en œuvre des projets culturels, importance grandissante de ceux-ci dans les politiques territoriales, multiplication des acteurs, manque de lisibilité dans la distribution des rôles. La simplicité et le côté pratique sont perceptibles dans le plan même : après une présentation des partenaires (État, collectivités, Europe), les différents secteurs culturels sont passés en revue (le patrimoine, la lecture publique et le multimédia, la musique, la danse, le cinéma, le théâtre, le cirque et les arts de la rue, les arts plastiques, les musées). Cette description énumérative ne s’interdit pas quelques pointes caustiques (les conseillers des Directions régionales des affaires culturelles « parfois accusés d’élitisme par certains acteurs locaux »), de discrets hommages (les architectes des bâtiments de France qui ont permis « d’éviter bien souvent une dégradation irréversible de notre environnement »), et quelques questions appelant réflexion. Notamment, le poids des coûts de fonctionnement après « l’explosion des investissements dans les années 80-90 », la nécessité d’une réforme de la formation des cadres culturels « en calquant, par exemple, la formation des territoriaux sur celle des agents de l’État », le devoir pour le législateur de proposer une sorte de « service minimum public de la culture pour les territoires », la nécessité de corriger le principe d’une même règle pour tous pour l’attribution de subventions par l’État, principe qui interdit une discrimination positive selon les territoires, la différence entre une politique culturelle d’affichage et celle qui traduit une réelle stratégie.

Quelques approximations …

Globalement, nous avons donc affaire à un texte complet, solide, argumenté. On comprend d’autant moins les imperfections dont il souffre.

D’abord une relecture attentive aurait permis d’éviter quelques coquilles : une fin de parenthèses absente par ci, une faute d’accord par là, un CNL ballotté entre Centre national du livre et Centre national des lettres… On regrette surtout quelques approximations : « La Bibliothèque publique d’information (BPI) de Beaubourg exerce une action vers les territoires dans les domaines de la formation de bibliothécaires territoriaux. » La rédaction laisse imaginer des partenariats formalisés, alors que la BPI répond, en ce qui concerne la formation de bibliothécaires, à des demandes ponctuelles. Approximations qui amènent parfois à des contrevérités : « […] le droit de prêt en bibliothèque, où la marge de négociation entre associations professionnelles, lecteurs et syndicats du livre est apparue très ténue pour les collectivités. » Cette formulation évacue le ministère de la Culture et de la Communication, pourtant instigateur des débats, et donne une place aux lecteurs qu’ils n’ont pas eue, n’étant pas regroupés en association. En outre, les interrogations portaient plus sur les principes (qui paie ?) que sur les marges possibles. Et enfin, n’est-il pas curieux de ne trouver aucune mention dans cet ouvrage (ou presque : il est indiqué une fois que le CNL aide les libraires) de la librairie, et de l’aide de l’État et de certaines collectivités à l’économie du livre ? La librairie n’est-elle pas également un facteur de développement local et d’aménagement du territoire ?

… et des lacunes

La partie la plus décevante reste celle consacrée à la lecture publique dans le deuxième volet de l’ouvrage. Passe encore qu’elle s’intitule « La lecture publique et le multimédia ». On peut certainement penser que les nouvelles technologies touchent l’ensemble des secteurs culturels, mais après tout, s’il s’agit de souligner de l’aveu même des auteurs que « les bibliothèques sont les meilleurs points d’accès à Internet », soit. Il est d’ailleurs dommage qu’un des sous-titres « Les BDP et Internet » et le contenu quelque peu focalisé sur les petites bibliothèques municipales laissent à penser, en creux, qu’Internet et les nouvelles technologies ne concernent pas les grandes médiathèques. Elles apprécieront…

Il est également dommage que, dans ce chapitre, soit mentionné en 2003 un programme d’aide à l’équipement des petites bibliothèques en multimédia qui a eu lieu en 1998 et 1999… Et que les actions illustrant « Internet, un enjeu pour les territoires ruraux » relèvent toutes des fédérations départementales des foyers ruraux. Enfin, pour achever les collègues « bédépistes », le paragraphe « Les BDP et le développement local » tient en deux exemples, sans autre forme de discours : exemples intéressants par ailleurs (bibliothèque intercommunale de Cuiseaux en Bourgogne et Ruralivres dans le Pas-de- Calais), mais c’est traiter trop légèrement une question fondamentale pour les bibliothèques départementales de prêt, acteurs majeurs des politiques territoriales.

Dans la partie consacrée aux bibliothèques municipales, on trouve curieusement un encadré « Éléments de dimensionnement d’une artothèque ». Si un acteur du développement local peut trouver intéressant de savoir qu’il faut 0,90 mètre linéaire pour ranger dix-huit estampes encadrées, nul doute que quelques éléments de dimensionnement d’une médiathèque de proximité auraient été plus pertinents.

Le paragraphe consacré à l’aide à l’investissement, quant à lui, est complètement déséquilibré. Les informations essentielles manquent : il s’agit du concours particulier dans le cadre de la dotation générale de décentralisation. Différentes opérations peuvent être aidées (construction, aménagement, équipement mobilier, équipement informatique…) et le Centre national du livre vient en complément sur la constitution initiale du fonds qui peut être traitée en investissement.

Sur l’éligibilité des dossiers, les propos sont à la fois lacunaires (le seuil minimal de 100 m2 n’est pas mentionné) et inutilement prolixes sur les surfaces. Mais peut-être est-il plus important de préciser que x m2 de la salle d’expositions peuvent être pris en compte dans le calcul des subventions que d’insister sur la nécessaire réflexion autour du projet de lecture publique à l’échelle du territoire…