L'évolution des normes françaises

Isabelle Masse

Normes de catalogage et numérotations des contenus d’information étaient à l’ordre du jour de la journée d’information organisée le 20 novembre 2003 par la Commission générale Information et documentation (CG 46) de l’Afnor (Association française de normalisation) et la Bibliothèque nationale de France (BnF) dans le petit auditorium de cette dernière 1.

Le contexte international

1961 fut l’année des Principes de Paris, centrés sur le choix et la forme de la vedette et de l’élément d’entrée et destinés aux collections de livres imprimés de grandes bibliothèques générales. 2003 a été celle de l’IME ICC (Ifla Meeting of Experts on an International Cataloguing Code, ou Atelier de Francfort) et de la « première version des nouveaux principes internationaux pour un nouveau modèle de catalogue ». Entre ces deux dates, quarante années qui ont vu, comme le rappela Marcelle Beaudiquez, présidente de la CG 46, quelques bouleversements : de nombreux pays ont rédigé leurs propres règles de catalogage et de choix de points d’accès ; plus récemment, les catalogues informatisés et en ligne sur Internet ont remplacé les catalogues imprimés et les tiroirs de fiches. Les grandes lignes des « nouveaux principes internationaux pour un nouveau modèle de catalogue », qui mettent à jour et complètent les Principes de Paris, sont l’intégration des fichiers d’autorité dans les règles nationales de catalogage, le contrôle des points d’accès et la conservation des ISBD (International Standard Bibliographic Description).

ISBD et normes françaises

Créées en 1969 « pour harmoniser la forme et le contenu des descriptions bibliographiques », « rendre interchangeables des notices de sources différentes » et « faciliter la conversion des notices bibliographiques sous forme lisible en machine », les ISBD s’appliquent aujourd’hui à tous les types de ressources : monographies imprimées, publications en série, documents cartographiques, musique imprimée, ressources électroniques, ressources continues 2. Elles sont l’objet d’une « révision permanente », présentée par Françoise Bourdon, présidente de la Commission de normalisation Modélisation, production et accès au document. Commencée pendant les années 1980, suspendue pendant les années 1990, période d’examen des FRBR (Functional Requirements for Bibliographic Records, ou Spécifications fonctionnelles des notices bibliographiques ) 3, la révision a été reprise en 2000 et prend en compte quelques aspects : certains éléments de données deviennent facultatifs ; une terminologie spécifique y fait son entrée (œuvre, expression, item, manifestation…), tout comme les nouveaux types de ressources à décrire, tels les sites web 4.

Suite logique de la révision des ISBD, leur traduction et l’établissement de normes françaises, processus long – au minimum deux ans – et non adapté au rythme actuel de cette révision. La CG 46 envisage donc la mise en place de procédures plus légères et plus rapides : tout d’abord, la mise à jour de l’existant plutôt que la révision complète d’une « norme » suite à la révision d’un ISBD ; ensuite, la référence à la traduction française de l’ISBD en l’absence de norme française ; enfin, la constitution au sein de la CG 46 d’un groupe stable, le Groupe opérationnel sur les normes de catalogage (GON), chargé d’examiner les ISBD révisées, de mesurer l’impact de leur révision sur les « normes » françaises, de préparer et valider la mise à jour des « normes » françaises 5.

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la numérotation…

Un autre monde est en plein essor, celui de l’identification et de la numérotation des contenus d’information dont Élizabeth Giuliani, de la Commission de normalisation Identification et normalisation, brossa un panorama général. Des tout premiers aux petits derniers, de l’ISBN et l’ISSN à l’ISTC en passant par le DOI ou l’URN, les numéros 6 identifient des objets documentaires de plus en plus diversifiés : document, ressource, produit matériel, entité intellectuelle… (cf. tableau). Aux objectifs initiaux – qui étaient et sont toujours commerciaux – se sont ajoutés la gestion des droits de propriété intellectuelle et l’aspect documentaire, de plus en plus important. Ces numérotations internationales impliquent donc l’ensemble des partenaires de la chaîne documentaire : créateurs, producteurs, diffuseurs, ceux qui conservent ces informations, et ayants droit.

La norme ISWC, présentée par René Lloret, de la Cisac (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs), identifie les œuvres musicales enregistrées auprès des sociétés d’auteurs et de leurs ayants droit par l’attribution d’un unique numéro d’identification international. La Cisac, organisme international de sociétés d’auteurs sans but lucratif et chargé de gérer les droits des auteurs et des compositeurs 7, en est l’agence internationale. Elle est également l’autorité d’enregistrement de la norme MPEG 21, qui rassemble tous les identifiants d’une œuvre audiovisuelle (EAN, ISSN, ISBN, ISAN, ISRC, ISWC…).

Du nouveau pour l’ISBN, qui passera à treize chiffres en cinq éléments (un élément supplémentaire de trois chiffres en tête désignant le code de produit). En effet, le système à dix chiffres en quatre éléments 8, qui pouvait attribuer un milliard de numéros, s’essouffle : la prolifération de nouveaux éditeurs (due notamment à l’éclatement de l’URSS), celle de l’édition électronique, l’attribution de numéros à toutes sortes d’objets, nécessitent d’en augmenter la capacité et d’en redéfinir le champ d’application. L’ISBN sera ainsi compatible avec d’autres systèmes de numérotation (EAN, DOI, etc.). Joëlle Bellec, du Bureau de la normalisation documentaire de la BnF, précisa que, publiée au premier trimestre 2005, la 4e édition de la norme ISO 2108, entrera en application en janvier 2007 : à cette date, les systèmes de gestion – des professionnels, donc des bibliothèques – devront donc être capables de traiter des ISBN à treize chiffres 9.

L’ISSN garde sa forme mais, comme tous les cinq ans, va connaître quelques changements 10, fondés sur l’harmonisation des règles de catalogage (publication de l’ISBD(CR) en 2002 et du nouveau manuel ISSN en 2003) et la place grandissante des ressources électroniques. L’extension du champ d’application de l’ISSN, les définitions clés des ressources bibliographiques (ressources continues, ressources intégratrices, publications en série), l’attribution ou non d’un nouvel ISSN lors de changements de titre – mais aussi le principe d’attribution de l’ISSN à la manifestation (situation actuelle) ou à l’oeuvre –, font partie des sujets soumis à discussion depuis octobre 2003 (le document final paraîtra en avril 2005). Françoise Pellé, du Centre international ISSN, rappela que ce numéro – attribué gratuitement – a été créé pour sécuriser et conclure une transaction (abonnement, fourniture de documents) de manière fiable.

Deux autres numéros, l’EAN et l’ISAN, furent évoqués lors de la table ronde. Dilicom, organisation interprofessionnelle du commerce du livre représentée par Nicole de Fréminville, utilise la norme EAN et gère 45 millions de lignes de commande, la moitié concernant les réassorts des libraires. Une base de données de livres de 680 000 titres est alimentée par des mises à jour (prix, disponibilité modifiée, manquants, épuisés) envoyées par les distributeurs de livres. Pour Idzard Van der Puyl, de la Procirep (société de soutien à la production cinématographique et télévisée), la numérisation, la multiplication des canaux de distribution, le contrôle de plus en plus difficile de la diffusion des œuvres, ont été les facteurs clés de développement de l’ISAN, lancé en septembre 2002 et géré en priorité par le producteur ; il est le résultat d’une coopération réussie entre auteurs et producteurs.

On le voit, le monde des normes et celui des numéros de contenus d’information bougent ! À suivre…

Illustration
Identification et normalisation

  1. (retour)↑  Les textes des interventions de cette journée sont consultables sur le site de la BnF http://www.bnf.fr rubrique Informations pour les professionnels
  2. (retour)↑  La liste détaillée figure sur le site : http://www.ifla.org/VI/3/nd1/isbdlist.htm
  3. (retour)↑  « Le modèle FRBR est un modèle conceptuel de données élaboré par un groupe d’experts de l’Ifla de 1992 à 1997. Il présente une double orientation : d’une part, il consolide les acquis du passé en visant à une rationalisation des fonctions d’un catalogue de bibliothèque et à une justification scientifique a posteriori des pratiques (et donc des coûts) de catalogage au niveau international, justification qui passe par une confirmation du bien-fondé des ISBD et une redéfinition du minimum d’informations que doit contenir une notice bibliographique produite par une agence bibliographique nationale ; d’autre part, il est également tourné vers l’avenir, en jetant les bases de catalogues innovants qui feront résolument appel aux avancées technologiques les plus à jour. »
  4. (retour)↑  Depuis 2002, ont été révisées les ISBD(M) Monographies, et (CR) (Ressources continues) ; en 2003, les ISBD(G) Général, (ER) (Ressources électroniques), et les Principes directeurs pour l’application des ISBD à la description des parties composantes ; en 2004, l’ISBD(CM) (Documents cartographiques).
  5. (retour)↑  Les traductions des ISBD sont établies et diffusées par la BnF sur son site web. Les « normes » françaises de description bibliographiques sont établies et publiées par l’Afnor. La norme Z 44-050 (description bibliographique complète) n’a vu que des modifications mineures, la norme Z 44-073 (description bibliographique allégée) des modifications plus importantes. Quant à la norme Z 44-063 (publications en série), elle ne couvre plus que la moitié de l’ISBD(CR), qui remplace l’ISBD(S) et élargit le domaine d’application des publications en série aux ressources continues : la traduction française de l’ISBD(CR) est la seule référence pour les « ressources intégratrices » (sites web, publications à feuillets mobiles à mises à jour).
  6. (retour)↑  Les numéros attribués aux contenus d’information sont des codes alphanumériques pouvant être contrôlés automatiquement et transcrits sous forme de codes à barres ou de données dans des normes d’encodage.
  7. (retour)↑  http://www.cisac.org
  8. (retour)↑  Les quatre éléments désignent : 1. l’aire régionale, géographique, nationale. 2. l’éditeur. 3. le titre. 4. le chiffre de contrôle.
  9. (retour)↑  Pour plus de renseignements, les sites suivants peuvent être consultés : la foire aux questions sur les changements apportés à l’ISBN, http://www.nlc-bnc.ca/iso/tc46sc9/isbn-f.htm l’Afnil (Agence francophone de numérotation internationale du livre), http://www.afnil.org la BnF, http://www/bnf.fr/pages/infopro/depotleg/is-isbn.htm mais aussi : ISO SC9 WG4, http://www.nlc-bnc.ca/iso/tc46sc9/wg4.htm et l’Agence internationale de l’ISBN, http://www.isbn-international.org/international.html
  10. (retour)↑  http://www.nlc-bnc.ca/iso/tc46sc9/wg5.htmhttp://www.issn.org courriel à : Issnic@issn.org