Futur Info 2003
« e-administration » ou « hyper-république » ?
Jean-Philippe Accart
Du 16 au 18 septembre 2003, quatre cents personnes (acteurs publics et privés) ont pu participer au Futuroscope de Poitiers aux premières Rencontres de l’information et des téléservices publics. L’idée des organisateurs en mettant sur pied ces rencontres n’était pas de concurrencer les manifestations de Hourtin ou d’Autrans, mais de proposer un espace où experts et hommes de terrain, où citoyens et entreprises puissent se rencontrer autour du thème générique de l’administration électronique (e-administration). Avec les engagements des gouvernements successifs en faveur de l’administration électronique, il est en effet important de faire le point sur un tel sujet : tout citoyen concerné ne peut que constater les progrès en la matière et la plus grande facilité d’accès à l’information administrative grâce aux réseaux. On compte actuellement 6 500 sites publics dont 950 émanant de l’État. Il reste encore de nombreux chantiers en cours, mais, à l’instar de la plupart des pays européens, la France est loin de faire triste figure. Force est de constater que le développement actuel des portails de l’administration, de la mise en ligne des textes législatifs ou des formulaires administratifs sont des avancées réelles et facilitent grandement la vie du citoyen.
Des outils de travail mutualisés
Mais cela ne s’arrête pas là. La « carte de vie quotidienne », par exemple, est déjà en test dans un certain nombre de régions : elle sert à l’ouverture de droits pour l’accès à la crèche, à la médiathèque, aux espaces numériques, à la cantine, à la piscine, etc. Elle permettra aussi d’accomplir des formalités administratives (état civil, notamment). Cette carte « multifonctions » offrira comme futures fonctionnalités : identification et authentification, paiement de prestations, contrôle d’accès, émission de facture et consultation de compte. Le rôle joué par l’Agence pour le développement de l’administration électronique (ADAE) est essentiel à souligner. Créée par le décret du 21 février 2003, c’est un service interministériel placé sous l’autorité du Premier ministre dont une des missions consiste à mettre à disposition des administrations des outils partagés.
On retrouve ces outils de travail mutualisés (c’est-à-dire permettant de mieux travailler en collaboration) à différents niveaux. Le plus connu est le portail de l’administration française, service-public.fr, fruit d’un travail collaboratif mené par la Documentation française. L’information proposée en ligne englobe : les droits et démarches, les textes de référence, les formulaires, les téléservices, les questions-réponses, les actualités, les annuaires des services administratifs. Il répond à un besoin de mettre en place une information simple et lisible alors que la réalité de la production institutionnelle est de plus en plus complexe. Cela suppose un travail de structuration de l’information sur le fond et sur la forme. La première étape consiste à faire l’état des lieux des filières de production de l’information. Un travail important de collaboration entre les services (au sein de la Documentation française mais aussi avec les services du Premier ministre et avec les autres ministères et les services locaux) doit être fait afin de coordonner la production du contenu et sa diffusion. La structuration technique des données au format XML permet de diffuser les informations vers différents acteurs et canaux de diffusion. Une structuration sémantique des données s’impose pour trouver un langage commun et la répartition des rôles doit être clairement définie. Il s’agit enfin de mettre en place une plate-forme collaborative visant à la coordination de la production des données.
La formation des agents
Ministères, directions des services administratifs, collectivités territoriales et locales ne sont pas en reste quant à l’administration électronique. Les projets se multiplient : la plate-forme Agora, mise en œuvre par le Service d’information du gouvernement (SIG), avec une interface de gestion des contenus commune à tous les sites ; l’Observatoire régional Poitou-Charentes et son réseau sur l’eau avec la création d’un site Internet ; la refonte du portail du ministère de l’Agriculture qui va profiter à toutes les mairies et conseils généraux ; le programme Copernic avec l’interconnexion des systèmes d’information entre la Direction de la comptabilité publique et la Direction générale des impôts, reposant sur un annuaire commun.
Le développement des extranets publics est à noter également : le Conseil général de l’Yonne a mis en place un extranet à destination des élus de ses 453 communes (dont 433 de moins de 2 000 habitants) depuis juin 2002, avec, pour objectif, d’améliorer la communication entre le département et les municipalités isolées, de faciliter le travail entre les services administratifs et de promouvoir l’image des communes. Un autre exemple est la mise en place de l’extranet Vit@min, destiné à des groupes de travail interministériels associant des représentants d’administration centrale et services déconcentrés et des partenaires : plus de 70 espaces de travail ont été créés.
Cependant, même si les outils sont performants, il est nécessaire « d’accompagner le changement » : cette question est au cœur du Plan stratégique de l’administration électronique pour la période 2003-2007. Les agents publics doivent être étroitement associés à la mise en place de l’administration électronique, ce qui suppose une attention particulière à leur formation. Un référentiel de conduite de changement et un référentiel de formation serviront de supports aux ministères pour valoriser les compétences de leurs agents avec l’appui de l’ADAE. Concrètement, un dispositif de formation en ligne est mis en place pour les agents des trois fonctions publiques : 17 projets sont en cours de réalisation et concernent environ 250 000 agents.
Les métiers de l’information
Qu’en est-il des métiers de l’information et plus particulièrement des documentalistes et bibliothécaires de l’administration ? Leur avenir a été discuté au cours d’une table ronde qui a abordé à la fois des points de vue de chercheurs, de formateurs et de praticiens. Ces métiers sont loin d’être ignorés par l’administration, avec pour preuve le développement récent de structures documentaires d’importance à l’exemple du Centre de ressources documentaires multimédia – CRDM – du ministère de la Santé. La professionnalisation est également en cours, notamment avec le concours de chargé d’études documentaires datant de 1998 et qui est interministériel. Depuis une dizaine d’années, les services de documentation administratifs se sont informatisés et utilisent Internet. Nombreux sont ceux qui sont associés au développement d’un intranet. Les concepts de veille, de records et de knowledge management ne leur sont pas étrangers, non plus que la gestion électronique de documents. Face à ce constat, les enjeux pour les documentalistes sont de faire évoluer le contenu de leur métier en intégrant ces nouveaux concepts et de s’ouvrir aux services administratifs pour connaître leurs besoins. Ils peuvent alors apporter une valeur ajoutée par rapport à l’information disponible en proposant des services personnalisés (sous forme de profils, de dossiers documentaires, de résumés…), en rédigeant des synthèses, en initiant le partage de l’information et des connaissances. Pour réussir ces enjeux, il est nécessaire de former les utilisateurs et de maîtriser les contraintes juridiques (droit d’auteur, copie, etc.). Dans tous les cas, ces évolutions parallèles sur les plans techniques et humains renforcent la richesse du métier.
Se déroulant sur trois jours, avec de nombreux ateliers, des conférences variées exposant des points de vue des secteurs autant publics que privés, ces premières Rencontres de l’information et des téléservices publics sont marquantes, nous l’avons vu, à plus d’un titre. Elles montrent, si nécessaire, combien l’approche de l’administration a été radicalement modifiée en ce qui concerne l’utilisation et l’usage des technologies de l’information 1.