Sommet mondial de la société de l'information
Les enjeux
L’auteur de l’article commente les documents préparatoires du Sommet mondial de la société de l’information, qui s’est tenu par la suite à Genève, du 11 au 13 décembre 2003. Il s’interroge sur les enjeux de cette rencontre : rien moins que l’élaboration d’une conception alternative du rôle de l’information et de la communication dans le processus de mondialisation en cours.
The author of the article comments the preliminary documents of the World Summit on the Information Society, to be held in Geneva from 11-13 December 2003. He wonders about the aims and objectives of this meeting, namely the elaboration of an alternative concept of the role which information and communication ought to assume within the current process of globalisation.
Der Autor des Artikels kommentiert die Unterlagen zur Vorbereitung des Weltgipfels der Informationsgesellschaft, der vom 11. bis 13. Dezember 2003 in Genf stattfinden wird. Er hinterfragt die Ziele dieses Treffens, wie die Ausarbeitung eines alternativen Konzeptes welche Rolle die Information und die Kommunikation im Laufe der fortschreitenden Globalisierung spielen soll. Der Autor des Artikels kommentiert die Unterlagen zur Vorbereitung des Weltgipfels der Informationsgesellschaft, der vom 11. bis 13. Dezember 2003 in Genf stattfinden wird. Er hinterfragt die Ziele dieses Treffens, wie die Ausarbeitung eines alternativen Konzeptes welche Rolle die Information und die Kommunikation im Laufe der fortschreitenden Globalisierung spielen soll.
El autor del artículo comenta los documentos preparatorios de la Cumbre mundial de la sociedad de la información, que ha tenido lugar seguidamente en Ginebra, del 11 al 13 de diciembre del 2003. Este se interroga sobre lo que se juega en este encuentro: nada menos que la elaboración de una concepción alternativa del papel de la información y de la omunicación en el proceso de mundialización en curso.
Le sommet mondial de la société de l’information se tient à Genève les 11, 12 et 13 décembre prochains 1, à l’initiative de l’Union internationale des télécommunications, approuvée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 31 janvier 2002 . Il sera suivi d’une seconde session à Tunis en 2005. Quels sont les enjeux de cette rencontre, préparée depuis plus de deux ans, sous l’égide de l’Unesco ? Rien moins que l’élaboration d’une conception alternative du rôle de l’information et de la communication dans le processus de mondialisation en cours.
De multiples réunions, associant, depuis trois ans, des représentants de la société civile, des organisations non gouvernementales, des entreprises et de différents corps des États ont conduit à l’élaboration des textes qui y seront discutés. On trouvera ci-après quelques-unes des principales propositions accompagnées de commentaires
Le programme de travail
Pour éclairer le lecteur, indiquons d’abord le programme des thèmes qui seront discutés. Ce sont les suivants :
« – Définir les obstacles à l’édification de la société de l’information et lever ces obstacles ;
– Rôle joué par les pouvoirs publics, le secteur privé et la société civile pour promouvoir l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) au service du développement ;
– Enseignement, développement des ressources humaines et formation professionnelle ;
– Accès aux technologies de l’information et de la communication ;
– Sécurité des réseaux informatiques ;
– Élaboration d’un cadre politique et réglementaire ;
– Applications des TIC (enseignement, santé, culture, éradication de la pauvreté, administration publique, emploi, activités économiques et commerciales) ;
– Élaboration d’un cadre politique et réglementaire.
En ce qui concerne les infrastructures : financement, mise en place et durabilité. »
Construire une société équitable de l’information
La société de l’information, ainsi que le précise le rapport préliminaire 2, est un concept en évolution dont la mise en œuvre relève de toutes les sociétés, lesquelles, à cette occasion, tirent des enseignements les unes des autres : « Nous envisageons une société de l’information fondée sur les principes consacrés par la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme, caractérisée par la possibilité d’accéder universellement à l’information et de l’utiliser dans le but de créer, d’accumuler et de diffuser la connaissance. Aucun élément de la présente déclaration ne sera interprété comme altérant, contredisant ou limitant les dispositions de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que de tout autre instrument international ou législation nationale, ni comme constituant une dérogation auxdites dispositions. »
À l’heure actuelle, la société de l’information a atteint des niveaux de développement qui diffèrent selon les régions et les pays dans le monde. Il serait donc nécessaire et plus efficace, selon le texte, de mettre au point un plan d’action souple, susceptible d’être utilisé comme cadre de référence et comme source d’orientation et d’inspiration aux niveaux régional et national.
Mais le point le plus important apparaît dans un projet de déclaration, car il fait appel à la notion de « bien commun » sur lequel il conviendrait en effet que les peuples s’entendent en matière d’information : « Tous les partenaires de la société de l’information devraient s’efforcer de promouvoir le bien commun, de protéger la vie privée, et d’empêcher les utilisations abusives des TIC… »
Cinq propositions
L’objectif opérationnel que propose le rapport est de réduire la fracture numérique. Comment y parvenir ? Les propositions avancées concernent les techniques, les infrastructures ainsi que les politiques publiques mettant le numérique au service du développement.
Première proposition
« Assurer l’accès aux réseaux pour tous, par l’intermédiaire des écoles, des bibliothèques, des bureaux de poste et de centres communautaires polyvalents, qui devraient accueillir les défavorisés du numérique, à l’instar des espaces publiques numériques et autres points d’accès public des pays du Nord. Pour les pays à faibles ressources énergétiques, cela suppose aussi l’étude et la promotion de solutions énergétiques adaptées à l’environnement, en particulier dans les zones rurales. Le cas de l’Afrique est particulièrement alarmant. » 3 Les représentants du continent africain demandent la mise en place d’une dorsale numérique, alors qu’un anneau de fibres optiques de 22 000 kilomètres, Africa One, est en cours d’installation avec un avenir problématique.
Toujours selon le rapport, le développement de l’infrastructure nécessaire à la connectivité exige une concertation des politiques publiques ainsi que la participation du secteur privé. Mais la phrase suivante permet de penser qu’un consensus n’a pas été trouvé : « Il est essentiel de prendre des mesures pour assurer la libéralisation, la privatisation et la concurrence et pour supprimer les droits excessifs. »
Le rapport propose les mesures suivantes sur le long terme :
« – Établissement d’une connexion dans tous ces villages d’ici 2010 et création de points d’accès communautaires d’ici 2015 ;
– Établissement d’une connexion dans toutes les universités d’ici 2005, dans toutes les écoles secondaires d’ici 2010 et dans toutes les écoles primaires d’ici 2015 ;
– Établissement d’une connexion dans tous les hôpitaux d’ici 2005 et dans tous les centres de santé d’ici 2010 ;
– Desserte par un réseau hertzien de 90 % de la population mondiale d’ici 2010 et de 100 % d’ici 2015 ;
– Création d’un site web et d’une adresse électronique pour tous les services publics centraux d’ici 2005 et pour tous les services publics locaux d’ici 2010. »
Deuxième proposition
« Établir des normes techniques internationalement compatibles et accessibles à tous, visant à promouvoir les échanges de connaissances sur le plan mondial, régional et sous-régional, quel que soit le support utilisé. » Ces normes sont élaborées et négociées dans le cadre d’une organisation non gouvernementale, l’International Standards Organization (ISO), dans laquelle les pays du Sud ne sont pratiquement pas représentés. La Chine vient d’y prendre cependant une place remarquée. Le vrai débat concerne la brevetabilité des logiciels, à laquelle s’oppose tout un courant militant pour des normes et des logiciels libres 4, auquel participent fortement des représentants de pays africains, tels que le Cameroun ou le Sénégal. Un logiciel libre est un logiciel dont le code source, c’est-à-dire son écriture informatique, n’est pas verrouillé. Chaque utilisateur peut y accéder et l’améliorer, à la condition qu’il en fasse bénéficier la communauté. Là se situe un enjeu économique important : les applications qui en sont faites peuvent être élaborées dans les pays d’utilisation, par de petites firmes locales 5, tandis que, dans le cas des logiciels dits propriétaires, ce sont les agences sur place des grandes entreprises de l’informatique qui les réalisent. Le premier cas favorise le développement industriel local alors que le second permet l’expansion des grands groupes.
Troisième proposition
« Améliorer les infrastructures de télécommunication », question cruciale après l’éclatement de la bulle Internet. Au vu de la forte augmentation du volume du trafic Internet prévue dans la région et dans le monde, le rapport souligne qu’il est primordial de « renforcer l’infrastructure des réseaux régionaux et internationaux à large bande, afin de les doter d’une capacité suffisante pour satisfaire les besoins des pays et de leurs citoyens ». Il n’est pas certain que les équipementiers et les câblo-opérateurs soient prêts à exaucer ce vœu, quand on connaît la difficulté qu’ils éprouvent à amortir les investissements colossaux effectués à l’initiative de l’administration Clinton, suivie, en 2002, de faillites retentissantes, telles que celles de Global Crossing et de Worldcom 6.
Il est à souhaiter que la conférence de Genève précise ce point. Il n’y a pas, aujourd’hui, de garantie de portage et de fonctionnement d’Internet dans quelque région de la planète que ce soit. Or, élaborer un projet de diffusion de connaissance par les réseaux numériques vers une région du monde suppose une garantie de portage, de maintenance et d’accessibilité. Ce concept reste à formaliser et sa version juridique est à construire. Sinon, deux risques se présentent :
– voir s’effondrer un service mis en place, parce que le réseau qui dessert la région n’est plus rentable ou est mal entretenu ;
– construire des projets qui, ne tenant pas compte de ces considérations matérielles, se révéleront infaisables.
Une remarque à ce propos : les anciens des télécommunications disent que tant que l’Union internationale des télécommunications n’était composée que de représentants des opérateurs nationaux, une éthique commune prévenait de tels dérapages. Depuis que cette organisation s’est ouverte aux divers ensembliers, cette éthique aurait disparu.
Quatrième proposition
Corriger les déséquilibres de communication dont souffrent les zones rurales en mettant à leur disposition des télécommunications à « un prix raisonnable ». Ce terme pondéré renvoie à une grave question : qui subventionne aujourd’hui le fonctionnement d’Internet ? Il est très difficile de distinguer la part des financements publics de celle des financements privés. Mais il semble bien qu’en dernière analyse, ce soit la fiscalisation qui subventionne, le e-commerce n’ayant toujours pas fourni la preuve de sa rentabilité. Aussi cette question doit-elle être clairement posée : les politiques publiques sont-elles prêtes à continuer de subventionner le fonctionnement d’Internet et si oui, de quelle façon ?
Cinquième proposition
« Accompagner le processus de convergence technologique qui permet d’intégrer les TIC traditionnelles et les TIC nouvelles afin de créer des modes d’accès alternatifs susceptibles d’aider à réduire la fracture numérique. »
Je ferai à ce propos quelques commentaires.
Certains pays souffrent moins de fracture numérique, selon leurs représentants, que de fracture téléphonique (telephonical divide). Je citerai à l’appui le cas de la GrameenPhone au Bangladesh qui a maillé le pays d’un réseau de téléphonie cellulaire et a donné à chaque village un portable. Cela a permis de développer les transactions commerciales, facteur de développement.
Des combinaisons de médias apparaissent, dans des régions qu’il serait utopique, voire inutile, d’équiper de connexions Internet. Des médias classiques, la radio notamment, peuvent intervenir dans les processus d’information par les réseaux numériques. Dans divers pays africains (Bénin, Mali, par exemple), des radios locales diffusent des informations qu’elles recherchent sur Internet à la demande des auditeurs.
Des expériences sont en cours de transmissions hertziennes d’images par micro-caméras dans des endroits dépourvus de télécommunications. Ces matériels permettent ainsi de transmettre à des centres spécialisés, médicaux notamment, des informations sur un malade, par exemple. Le rapport consacre d’ailleurs tout un paragraphe à la « cybersanté ». « L’accès à l’information sur la santé et aux soins de santé est un droit fondamental, y est-il rappelé. De nombreux pays manquent d’équipements sanitaires et de personnel de santé, en particulier dans les zones rurales et isolées. L’utilisation des TIC favorise l’insertion sociale en assurant à tous un accès équitable aux services de soins de santé, en permettant à chacun de mieux gérer son capital santé et de jouer un rôle plus actif dans ce domaine. Les TIC doivent être mises en œuvre à grande échelle dans le domaine des soins de santé afin d’assurer une meilleure utilisation des ressources, la satisfaction des patients, des soins personnalisés et la coordination des systèmes de santé publics, des institutions privées et du secteur universitaire. Des solutions et des options novatrices doivent être mises au point pour assurer des services de santé dans les zones mal desservies. Une autre priorité dans le domaine de la cybersanté doit être la prévention, le traitement des maladies et la lutte contre leur propagation, notamment en ce qui concerne le VIH/sida. »
L’accès à l’information et au savoir
Le rapport insiste sur le renforcement des ressources humaines par l’éducation et la formation. L’idée de formation tout au long de la vie y est omniprésente. Les technologies de l’information sont présentées comme susceptibles de contribuer à améliorer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage et le partage du savoir et de l’information. Mais le rapport se garde bien d’avancer l’idée, souvent émise jadis, que celles-ci remplaceraient les enseignants. En revanche, elles peuvent contribuer à leur formation : « Les enseignants constituent une passerelle vers la société de l’information et leur formation et les moyens à leur disposition demandent à être renforcés. Il est également important d’améliorer l’enseignement, tant de base que supérieur, des sciences et de la technologie. Cela aidera à créer une masse critique de professionnels et d’experts hautement qualifiés dans le domaine des TIC qui continuera de servir de base au développement des TIC dans la région. »
Le « cyber-apprentissage » et le télé-enseignement sont présentés comme des outils efficaces pour réduire la fracture numérique. Le premier, un des principaux facteurs pour réduire la fracture numérique, selon le texte, « vise à développer les compétences en vue de donner accès à la connaissance, qui recouvre divers domaines : contenu local, identité culturelle, diversité linguistique et droits de propriété intellectuelle, entre autres. L’accès à la connaissance est un facteur essentiel du développement économique, culturel et social. Il permet d’offrir à tous ceux qui demeurent en marge du système d’éducation officiel un enseignement et des informations adaptées à leurs besoins et à leur culture. » Le second, le télé-enseignement, à vrai dire peu distinct ici du premier, le « cyber-apprentissage », « facilite l’apprentissage de l’autonomie, le développement communautaire et la productivité des entreprises. Les TIC ouvrent des perspectives inédites en matière d’éducation à tous les groupes de toutes les régions. La réalisation de programmes et de contenus éducatifs et la mise en service de réseaux à large bande et de matériel informatique universels et économiquement abordables doivent être encouragées. Il faudra tirer parti des meilleures pratiques pour créer des matériaux pédagogiques de bonne qualité et facilement accessibles en provenance du monde entier, afin de faciliter le transfert des connaissances sur le plan national. Une attention particulière devra être prêtée à la formation multilingue et à l’utilisation et à l’élaboration de logiciels de traduction. »
La vision que présente le texte de la diffusion du savoir est largement multipolaire, fondée sur l’échange : « Il est essentiel de diffuser des informations sur le potentiel qu’offrent les nouvelles technologies grâce à l’échange de données sur les meilleures pratiques, les campagnes, les projets pilotes, les démonstrations et les débats publics. Les cours d’initiation à l’informatique devraient viser à former la population à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, ces cours devant procurer aux utilisateurs des TIC les compétences dont ils ont besoin pour produire et utiliser un contenu valable et socialement utile à tous les groupes socio-économiques. La création et le maintien d’une main-d’œuvre sur laquelle repose la société de l’information doivent être assurés en étroite coopération avec le secteur privé et la société civile en général. »
Une éthique des réseaux numériques
Les textes produits dans la phase préparatoire témoignent d’une prise de conscience que les réseaux ne peuvent fonctionner sans une éthique. Cela évoque la démonstration qu’en a faite Pierre Musso à propos de Saint-Simon et du développement des chemins de fer 7. L’éthique était, là, le christianisme social. Ici, c’est la prise de conscience d’une responsabilité commune : « Tous les partenaires de la société de l’information devraient s’efforcer de promouvoir le bien commun, de protéger la vie privée, et d’empêcher les utilisations abusives des TIC, par exemple, les comportements criminels basés sur les actes de discrimination raciale, de xénophobie, d’obscénité et de pédophilie. La liberté d’utilisation des TIC devrait respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales d’autrui, y compris la vie privée, la liberté d’opinion, de conscience et de religion. Ces valeurs sont particulièrement pertinentes lorsque des activités commerciales sont menées par l’intermédiaire des réseaux. »
La question de la sécurité des communications et de la protection des libertés publiques est abordée. Mais le rapport s’en tient à des propos très généraux, alors qu’il faudrait proposer des mesures beaucoup plus précises. L’ISO a refusé en 2001 un projet d’identifiant numérique personnel dont auraient été dotées les personnes qui auraient suivi des apprentissages sur Internet. Les méthodes de traçage des parcours individuels et d’acquisition de compétences permettent de faire des incursions très indiscrètes dans la vie privée à l’insu de l’intéressé 8.
Des propositions d’action
Le rapport propose un plan d’action.
« Voici quelques exemples de mesures concrètes et globales qui pourraient être prises, en dehors du maillage vu au paragraphe 1 :
– Élaborer pour tous les pays des cyberstratégies nationales dans un délai de trois ans, y compris en ce qui concerne le renforcement des capacités humaines.
– Lancer un projet « Global Digital Compact », constituerait un nouveau modèle de partenariat et de dialogue entre les représentants des pouvoirs publics et ceux d’organismes non gouvernementaux, ce modèle serait fondé sur la division du travail et des responsabilités ainsi que sur la communauté d’intérêts ; les partenaires s’efforceraient conjointement d’atteindre des objectifs de développement dans le secteur des TIC (par exemple, création par les États d’un cadre réglementaire adapté et d’avantages fiscaux, accès à la technologie et généralisation d’applications simples, lancement par des organisations non gouvernementales de campagnes de sensibilisation, travail au niveau communautaire, etc.) Un modèle fondé sur les relations institutionnelles existe déjà à l’UIT [Union internationale des Télécommunications], assure des fonctions de coordination.
– Lancer et élaborer progressivement un indice cumulatif du développement des TIC qui serait publié annuellement ou tous les deux ans dans un rapport sur le développement des TIC ; le classement par pays serait accompagné d’une analyse de leurs politiques et de leur mise en œuvre (l’UIT serait chargée de catalyser et de compiler sous forme cohérente les expériences de plusieurs organisations, universités, groupes de réflexion, etc.).
– Rédiger, puis publier, pendant la phase du Sommet qui se déroulera à Genève, un “manuel recensant les bonnes pratiques et les exemples de réussite”. Ce manuel rassemblerait des contributions de tous les partenaires, présentées de façon concise et persuasive, et serait réédité à intervalles réguliers afin de pouvoir être utilisé en permanence comme outil de partage d’expériences.
– Former dans les PMA [Pays les moins avancés] personnes chargées de travailler sur les contenus, (par exemple archivistes, bibliothécaires, scientifiques, enseignants et journalistes), auxquelles on apprendrait à utiliser le savoir-faire et les capacités opérationnelles des organismes professionnels internationaux.
– Revoir les programmes des écoles primaires et secondaires dans tous les pays (dans un délai de trois ans), afin d’aider ces établissements à relever les défis de la société de l’information.
– Créer les conditions techniques (en matière de logiciels et de matériels) qui permettraient à toutes les langues du monde d’être présentes et utilisées sur l’Internet. »
Conclusion
Malgré ses imperfections, et, parfois des propositions contradictoires, ce texte va au-devant d’aspirations formulées ailleurs. Ainsi la Société française des sciences de l’information et de la communication (SFSIC) a-t-elle organisé début septembre à Strasbourg, sous la houlette de Michel Mathien, un colloque préparatoire à ce sommet.
Les résolutions issues des débats sont en résonance. On y retrouve la question des droits et libertés individuelles, la nécessité d’une intervention publique pour la régulation des échanges et des politiques d’usage, la mise au point de normes et standards non discriminants et la formation des générations futures.
La SFSIC fait, en revanche, plusieurs propositions que, sauf erreur, on ne trouve pas dans le mémorandum analysé ici. Tout d’abord, une interrogation sur la consistance du vocable « société de l’information », formule courte et attractive, qui suppose néanmoins débats, réflexions et approfondissements ; le développement international coordonné de recherches scientifiques et pluridisciplinaires ; ensuite la mise en place d’un audit international des infrastructures de télécommunications sous l’auspice des Nations Unies.
La société civile, les villes et les pouvoirs locaux, entités qui participent au sommet, se préparent à des controverses, parfois à la limite de la rupture, sur des questions spécifiques telles que la gouvernance d’Internet. Sur d’autres aussi, plus générales : la fracture numérique, qualifiée de concept occidental auquel le Sénégal, l’Inde, le Brésil, opposent la « solidarité numérique », le renforcement des relations innovantes Sud-Sud, les taxes sur les transferts numériques, le conflit entre liberté d’expression et contrôles pour la sécurité. Les débats de Genève risquent de montrer des lignes de fracture dans cette hypothétique société de l’information 9.
La réunion de Genève va-t-elle engendrer une dynamique de réflexion et de construction de propositions concrètes, qui seront retravaillées lors du sommet de Tunis, ou bien qui aboutirons à des recommandations européennes ou à des négociations à l’OMC ? Ne serait-il pas possible d’exploiter ici la notion de bien public international, formalisée par Joseph Stiglitz 10 ? Est bien public international un bien accessible à tout le monde, sans entraves, constamment mis à jour. Ne peut-on faire en sorte qu’une organisation, publique ou privée, qualifie ainsi une base de données, un cours en ligne, mis à jour, à la disposition de tous, à l’acheminement garanti jusqu’aux utilisateurs terminaux ? Dans cette optique, les normes libres ont été récemment proposées à l’Unesco pour qu’elle les inscrive au patrimoine mondial de l’humanité. Ne devrait-on pas en bref considérer à leur véritable dimension sociétale ces réseaux qui conditionnent l’avenir de nos sociétés ?
Novembre 2003