SOS philo

recueil thématique et alphabétique de textes philosophiques destiné à regrouper progressivement les principales références « classiques » utiles aux néophytes

par Anne Kupiec
par Michel Piquet. 2e éd. revue et corrigée. – Paris : Bibliothèque publique d’information, 2002. – 237 p. ; 22 cm. – (BPI Pratique). ISBN 2- 84246- 062-6 : 19 €

Grâce à un long sous-titre, le titre de cet ouvrage qui peut laisser perplexe s’éclaire. Il s’agit donc d’un recueil et non d’un manuel ou d’une anthologie, ce dont l’auteur se défend. Il rejette tout parti pris démonstratif et chronologique. Parce que « les œuvres de philosophie se prêtent fort mal à un accès par sujets », Michel Piquet souhaite permettre un « accès direct et personnel » aux œuvres. Ainsi l’auteur précise que les textes cités, dans chaque rubrique thématique, le sont dans un « désordre délibéré ». Quarante-deux thèmes ont été retenus 1 – d’absolu à volonté –, c’est-à-dire suivant « l’ordre alphabétique des grands chapitres de philosophie du programme de philosophie de classes terminales ». Le recueil est complété par un index des auteurs (un peu plus de cent cinquante 2) dans lequel sont mentionnés les titres des œuvres citées.

Chaque rubrique thématique présente de brefs extraits des œuvres sélectionnées. Quelquefois un même auteur est cité à plusieurs reprises à des pages différentes pour une même œuvre d’une même rubrique : par exemple le Léviathan de Hobbes dans la rubrique État ou bien la Lettre à Mersenne de Descartes dans la rubrique Vérité. Une telle dispersion étonne et l’intérêt qui pourrait en découler n’est pas manifeste. À défaut d’extraits, quelques lignes soulignant un aspect d’une œuvre peuvent être présentes. Ainsi, dans la rubrique Histoire, Machiavel, Le Prince – chapitre XXV – est évoqué de la manière suivante : « Pas de fatalité dans l’histoire : image de l’inondation. » On reste perplexe et davantage encore si l’on relit ce chapitre de quatre pages. Autre exemple qui produit cependant une réaction similaire. Dans la rubrique Illusion, est signalé L’Avenir d’une illusion avec la mention suivante : « illusion religieuse pas plus utile qu’une drogue ». Qu’il s’agisse d’un extrait, d’une mention, dans tous les cas, les références bibliographiques précises permettent d’identifier l’œuvre citée.

Dans sa préface, Michel Piquet affirme qu’« en philosophie, comme en plusieurs disciplines, il importe de mettre les textes à disposition ». Qui contesterait la pertinence d’une telle affirmation ? Mais ici la succession de fragments de quelques lignes et de références bibliographiques pour chacun des thèmes retenus ne peut que très difficilement rendre compte de l’intérêt du texte cité et a fortiori de l’argumentation, de ses nuances et de sa complexité.

On peut même avoir l’impression que bien des textes « servent » à remplir les rubriques. Ainsi des extraits du Gai savoir de Nietzsche sont utilisés à la fois pour les rubriques Art, Bonheur, Conscience, Religion et Vérité, le Discours sur l’origine et le fondement de l’inégalité de Rousseau est appelé dans les rubriques Autrui, Anthropologie, Liberté, Nature, Société et Travail ; quant à la Critique de la raison pure de Kant, elle est utilisée dans une douzaine de rubriques. L’on sait évidemment que les philosophes examinent une grande variété de questions, aussi il aurait peut-être été souhaitable d’accroître le corpus des auteurs et des œuvres, ce qui aurait aussi permis de restituer plus aisément le dessein de chaque auteur d’une œuvre.

La conception du livre exclut évidemment toute présentation de chacune des notions et sa mise en perspective philosophique. Or une telle présentation permet de connaître les différentes acceptions, les oppositions et les évolutions de ces notions en s’appuyant sur des œuvres, en un mot de donner un cadre d’intelligibilité. De surcroît, l’ordre alphabétique des thèmes éloigne évidemment des notions proches qui sont regroupées dans les manuels de philosophie telles que conscience et inconscient ; temps et mémoire ; existence et mort ; loi et droit. Cependant, Michel Piquet a choisi de traiter ensemble : nature et culture ; théorie et expérience ; droit et justice. Enfin, l’on peut être étonné de l’absence de certaines notions telles que connaissance, critique, entendement, pensée ou raison.

Bref, l’on est conduit à se demander quel est l’apport d’un tel recueil alors même qu’il existe des ouvrages fort bien faits qui, dans un même ordre alphabétique, présentent des notions, des auteurs, des œuvres assortis d’une présentation, de citations et de multiples renvois. Ils permettent au lecteur de s’orienter et d’identifier le ou les textes qui apparaissent pertinents pour sa recherche.

  1. (retour)↑  Dont la liste est bizarrement répétée aux pages 3 et 7.
  2. (retour)↑  Les auteurs cités sont les classiques Platon, Aristote, Spinoza, Hume, Rousseau, Kant, Hegel, Marx, Bergson, Foucault, Lévinas, etc. Mais figurent également dans le recueil des écrivains (Balzac), des ethnologues (Lévi-Strauss), des historiens (Braudel et Febvre), des sociologues (Durkheim et Aron), mais aussi Freud.