Bibliothèques publiques dans la nouvelle Europe
Richard Roy
Élisabeth Macan
Les 17 et 18 octobre 2002, s’est tenue à Zagreb (Croatie) la cinquième édition de la conférence « Bibliothèques publiques dans la nouvelle Europe ». Organisées conjointement par l’Institut Goethe, l’Institut français et les associations de bibliothécaires des pays concernés, avec cette année une subvention de l’Union européenne (« Pacte de stabilité » pour la reconstruction des pays de l’ex-Yougoslavie), ces journées sont autant le lieu d’un échange sur quelques thèmes professionnels d’actualité qu’une occasion exceptionnelle de rencontrer des collègues de tous les pays de ce que l’on nomma par le passé « l’autre Europe » et qui nous rejoindront dans les années prochaines.
Globalisation… et identité culturelle
Au programme 2002, l’influence de la globalisation et de l’informatisation sur les bibliothèques publiques a été abordée par la vingtaine d’intervenants sous le double angle de la nécessaire mise à niveau des bibliothèques par rapport aux nouveaux standards technologiques et de communication, et de l’optimisation du service rendu à l’utilisateur dans un cadre culturel et linguistique désormais en dialogue permanent au sein d’un monde multipolaire.
Plusieurs intervenants croates ont présenté les réalisations et projets en cours du pays invitant, présentations que complétèrent quelques visites à la Bibliothèque nationale et dans différentes bibliothèques du réseau municipal de la capitale. Un plan global de développement à l’échelle du pays (Niska) place les bibliothèques au cœur du développement culturel, scientifique et social et définit les moyens et la formation professionnelle nécessaires. La question des changements induits par la mutation technologique sur l’organisation (jusque-là très traditionnelle) du travail est mise en lumière.
La préservation de l’identité culturelle des petits pays sur une base d’égalité a été particulièrement mise en avant, tant au travers de l’exaltation d’œuvres humanistes alliant l’ancrage national à l’ouverture sur l’universel, que par la présentation de la bibliothèque pour jeunes Roms du lycée Gandhi de Pécs (Hongrie), qui bénéficie du soutien de l’Institut Goethe. Une autre forme de coopération développée par les bibliothèques allemandes en direction des « pays émergents » est représentée par les opérations transfrontalières menées depuis huit ans entre des bibliothèques de Saxe, de basse Silésie (Pologne) et du Nord de la République tchèque. La partie allemande exposa aussi le projet Pulman de l’Union européenne autour des développements numériques des bibliothèques, ainsi que différentes pistes de réflexion pour assurer l’attrait – et donc la survie – des bibliothèques publiques, dont la présentation des fonds selon une approche renouvelée. Cette problématique trouva son écho dans une intervention de la partie française dédiée à la promotion des réalisations en cours dans l’Hexagone en matière d’accès thématique (de type annuaire Yahoo) aux catalogues, via les interfaces Web.
Les réseaux furent aussi mis en valeur avec une présentation de l’expérience marocaine du ministère des Affaires étrangères et de la restructuration du dispositif français en Allemagne, ainsi que par l’exemple du réseau central des bibliothèques publiques et scolaires de la ville de Zagreb pour l’agglomération et la région (24 localités), réseau doté de son logiciel (Zaki) et dans le cadre de la loi sur les bibliothèques de 1997 (amendée en 2000 sur cette question des réseaux, ainsi que sur l’obligation des collectivités publiques, la nomination des directeurs et l’ouverture des ressources au mécénat).
Des liens professionnels transeuropéens
Comme on peut l’imaginer, l’organisation d’une telle rencontre associant, pour la première fois depuis dix ans, des bibliothécaires de tous les anciens pays de l’ex-Yougoslavie ne fut pas chose facile et certaines interventions de ces journées furent faites dans un silence pesant, par exemple autour du thème « Construction et équipement » (qui nous valut un échantillon éloquent des destructions de bibliothèques de la décennie précédente). Mais les bibliothécaires sont gens pacifiques, et si les échanges officiels sont longs à se rétablir, au plan individuel ils n’ont jamais été complètement rompus. C’est sans équivoque sur ce plan du renforcement des liens professionnels et humains d’un bout à l’autre de l’Europe que la réussite de cette conférence est éclatante et justifie que les moyens lui soient donnés pour les années à venir. Comme après Budapest (1997), Prague (1998), Ljubljana (1999) et Bratislava (2000), le bilan des participants est unanime sur cette formule d’une grande conférence ouverte à des bibliothécaires d’une quinzaine de pays, de la Baltique à la Méditerranée et de l’Atlantique au Dniestr et permettant un échange en trois langues du continent : français, allemand et la langue du pays d’accueil.
En novembre prochain, c’est Varsovie qui accueillera la sixième édition de ces journées autour des stratégies de développement après l’élargissement. Au programme prévisionnel :
–la politique des États (Allemagne, France, Pologne) dans le domaine des bibliothèques et de l’information : tableau comparatif et perspectives ;
–les possibilités de financement offertes par l’Union européenne.
Plusieurs publications récentes manifestent le souci de nos collègues polonais d’accompagner au maximum l’intégration de leur pays dans l’Union, et un groupe de travail associant Bibliothèque nationale 1, bibliothèque universitaire 2, bibliothèque municipale de Varsovie et association des bibliothécaires polonais 3 aux partenaires allemand 4 et français 5 est déjà à la tâche. Souhaitons-leur plein succès !