Maisons d'écrivain & patrimoines littéraires
Un réseau en devenir
Le BBF donne la parole aux représentants de quatre associations. Trois d’entre elles, Bibliothèques gourmandes (Jacques Keriguy et Bernard Lafon), Mauvais Genres en Bibliothèques (Bernard Strainchamps et Olivier Noël) et la Fédération des maisons d’écrivain & des patrimoines littéraires (Florence Lignac), travaillent à la coordination et à l’animation de réseaux valorisant le patrimoine littéraire (gastronomie, littérature policière et de science-fiction, maisons d’écrivains). La quatrième, Librairies Atlantiques en Aquitaine (Geneviève Andueza), s’attache à défendre la librairie indépendante.
BBF gives representatives of four associations a chance to air their views. Three of them, Bibliothèques gourmandes (Jacques Keriguy and Bernard Lafon), Mauvais Genres en Bibliothèques (Bernard Strainchamps and Olivier Noël) and the Federation of writers’ guilds and literary patrimonies (Florence Lignac), are working on the coordination and organisation of networks promoting the literary patrimony (gastronomy, detective and science fiction, writers’ guilds). The fourth, Librairies Atlantiques en Aquitaine (Geneviève Andueza), is involved in the defence of the independent bookshop.
Vier Vereinigungen wurden gebeten, sich auf den Seiten von BBF zu äußern. Drei davon, nämlich »Bibliothèques gourmandes« (Jacques Keriguy und Bernard Lafon), »Mauvais Genres en Bibliothèques« (Bernard Strainchamps und Olivier Noël) und die »Fédération des maisons d’écrivains et des patrimoines littéraires« (Florence Lignac), arbeiten an der Koordination und Gestaltung von Netzwerken, die das literarische Erbe zur Geltung bringen sollen (Gastronomie, Kriminalromane und Science Fiction, Häuser von Schriftstellern). Die Hauptaufgabe von »Antiques en Aquitaine« (Geneviève Andueza) besteht darin, die Position von »Kleinbuchhandlungen« zu verteidigen.
El BBF da la palabra a los representantes de cuatro asociaciones. Tres de entre elllas, Bibliotecas glotonas (Jacques Keriguy y Bernard Lafon), Malos Géneros en Bibliotecas (Bernard Strainchamps y Olivier Noël) y la federación de las casas de escritores y de los patrimonios literarios (Florence Lignac), trabajan en la coordinación y la animación de las redes que valorizan el patrimonio literario (gastronomía, literatura policiaca y de ciencia ficción, casas de escritores). La cuarta, Librerías Atlánticas en Aquitania (Geneviève Andueza), se aferra en defender la “pequeña” librería.
Les réseaux de bibliothèques sont si nombreux et divers que ce dossier ne pouvait en traiter tous les types. Loin d’une tentative d’exhaustivité, le BBF a cependant souhaité présenter quelques réseaux spécifiques – peut-être moins visibles que les réseaux institutionnels –, attachés à un objet précis et mus par l’intérêt pour cet objet.
Sous l’appellation fédératrice « Associations de mots », sont ainsi évoqués l’Association des bibliothèques gourmandes (Jacques Keriguy et Bernard Lafon), le réseau Mauvais Genres en Bibliothèques (Bernard Strainchamps et Olivier Noël), la Fédération des maisons d’écrivain & des patrimoines littéraires (Florence Lignac) et, dans un domaine voisin, l’association Librairies Atlantiques en Aquitaine (Geneviève Andueza). Où l’on voit que la passion partagée est le meilleur des ciments pour fédérer les énergies et monter des projets. Le plaisir de travailler ensemble…
Contrairement à certaines idées reçues, les « maisons d’écrivain ou d’hommes célèbres » et les « pèlerinages littéraires » ne sont pas des créations récentes. De nombreux lieux ouverts au public, ainsi que différents textes en attestent, témoignent, depuis la fin du XIXe siècle, d’un intérêt pour ces lieux de mémoire 1, même si leur importance au regard de l’histoire de la littérature a longtemps paru anecdotique. Ce qui fait plus précisément figure de nouveauté, c’est la prise de conscience par ces lieux d’un rôle à jouer dans le paysage culturel, rôle qu’une réflexion commune tend à définir et à organiser.
Émergence du réseau
En 1990, un premier rapport, Étude sur les maisons d’écrivain, d’artistes et d’hommes célèbres 2, présente quelques préconisations, sans grande conséquence dans les faits. À l’occasion de la Fureur de lire, en 1992, Blanche Grinbaum-Salgas, conservateur du patrimoine au musée Bossuet de Meaux, dresse une Carte des musées-maisons d’écrivain en France, mais il faut attendre 1996 pour voir naître, dans une convergence tout à fait remarquable quoique inattendue, deux initiatives et un état des lieux officiel.
En mai, le groupe Paris et la section Études et Recherche de l’Association des bibliothécaires français (ABF) organisent à Paris une journée d’études sur le thème « Bibliothèques et maisons littéraires, lieux de mémoire, d’étude et de recherche ». En octobre, à Bourges, plusieurs personnalités de la région Centre, autour de J.-F. Goussard, directeur du centre départemental de documentation pédagogique (CDDP) du Cher et de J.-F. Seron, conseiller pour le livre à la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) Centre, réunissent à leur tour des responsables de lieux littéraires venus de toute la France, au moment même où, à la demande du ministre de la Culture, Michel Melot rédige un rapport qui fera date : Mission de réflexion et de proposition sur les maisons d’écrivain 3. Appelant à la « constitution d’un réseau national des maisons d’écrivain et musées littéraires », ce rapport montre, entre autres, que « les maisons d’écrivain occupent un “vide administratif” qui les condamne à être ignorées ou marginalisées dans les services centraux, c’est-à-dire aussi dans les lignes budgétaires consacrées à la culture… [Elles] hésitent entre différentes appartenances, elles ne sont totalement prises en charge par aucune ». 4
Ce rapport et ces rencontres, sans liens structurels à l’origine, parviennent à un constat identique : les responsables de maisons d’écrivain et de patrimoines littéraires font part de leur isolement dans leurs lieux, ainsi que de la grande diversité de leurs statuts et de leurs moyens tant humains que financiers. De la propriété privée au musée contrôlé par l’État, de la propriété d’une ville ou d’une collectivité territoriale à l’association d’amis d’un écrivain gérant un lieu ou un patrimoine, tous les cas de figure existent, avec, pour principale conséquence, une multiplication des interlocuteurs administratifs et financiers. D’après les premiers recensements, environ 150 établissements possèdent des fonds littéraires, 59 musées classés ou contrôlés sont concernés par la littérature, et on peut parler actuellement, en France, d’environ 280 « sites littéraires ».
Différents projets et différentes personnalités s’affrontent alors, provoquant la création de deux associations que l’on a pu, trop longtemps, croire concurrentes, mais qui parviennent depuis 2001 à travailler ensemble, la grande majorité des adhérents de l’une adhérant aussi à l’autre. L’Association française des maisons d’écrivain (AFME) regroupe, uniquement, des maisons d’écrivain qui souhaitent voir reconnues leurs spécificités.
La Fédération des maisons d’écrivain & des patrimoines littéraires, quant à elle, se donne pour mission de regrouper ces éléments fort disparates que sont les maisons-musées (des musées avec des murs, avec ou sans collection d’objets, avec ou sans collection littéraire), des patrimoines littéraires (collections de livres, manuscrits et archives littéraires dans des bibliothèques ou des centres de recherche), des associations d’amis d’écrivain (gérant ou non des collections, publiant ou non des travaux de recherche), des gestionnaires publics ou privés (conservateurs, bibliothécaires ou héritiers d’écrivain…).
Que les écrivains concernés soient les porte-parole d’un terroir, ou soient de renommée nationale, voire internationale, qu’importe…, les adhérents sont réunis par la volonté de faire vivre la littérature, sous toutes ses formes, à travers un lieu de mémoire, avec la certitude que de la diversité des lieux et des patrimoines naissent la richesse des échanges et la vigueur de la structure.
Dès l’origine, la Fédération s’est résolument voulue un lieu d’accueil et de rencontres de toutes ces composantes sans exclusive, comme le précise l’éditorial de son Bulletin d’informations en octobre 2001 : « Si les maisons d’écrivain et les musées littéraires forment la composante fondamentale de notre structure fédérative, parce qu’historiquement elles sont à la base du réseau qui la constitue, les fonds patrimoniaux, les sociétés d’amis d’auteurs, les chercheurs, les animateurs… jouent un rôle majeur, complémentaire de leurs actions : tous, institutions, associations et individus contribuent à construire, à préserver, à valoriser les lieux littéraires, à donner vie aux écrivains et aux textes du passé comme du présent. Avec la Fédération, toutes ces composantes forgent des idées, défendent des projets, obtiennent des moyens pour mener leur action, en grande partie commune. C’est une chance que la Fédération entend maintenir dans ses orientations et ses buts. » 5
Au fil des années, par des initiatives locales ou privées, des réseaux, à visée touristique essentiellement, se sont constitués de manière souvent informelle ou temporaire, dans différents lieux et sous différentes formes. On peut citer quelques exemples : en 1990, une « Route Lamartine » en Bourgogne, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de l’écrivain ; une « Route historique Stendhal » mise en place par le conseil général de l’Isère et la ville de Grenoble ; une « Route historique des maisons d’écrivain », gérée par une association sous forme d’itinéraire touristique et culturel, qui réunit actuellement sept maisons d’Île-de-France et cinq maisons de Haute-Normandie 6.
Des plaquettes distribuées aux promeneurs matérialisent les liens entre les écrivains d’une région : Maisons d’écrivain du Centre et du Val-de-Loire par la région Centre, ou Maisons d’écrivain de Touraine et du Val-de-Loire par le conseil général d’Indre-et-Loire. La récente publication par la région Aquitaine d’un attrayant petit livret nommé Sites littéraires et maisons d’écrivain d’Aquitaine est un modèle du genre 7.
Organisation du réseau
Née des 2es rencontres de Bourges (cf. image
) en 1997, la Fédération des maisons d’écrivain & des patrimoines littéraires émane de réseaux latents plus qu’elle ne les fabrique, et s’attache dès lors à les faire vivre. Les premiers axes sont définis avec une belle ambition : inventaire des lieux et des collections, préservation des sites, formation et communication, des chantiers immenses auxquels répondent la grande dispersion géographique des membres du réseau et le bénévolat des membres du conseil d’administration…
Il faut donc, et les administrateurs successifs de la Fédération le comprirent très vite, pour tous les publics, passionnés ou curieux, mais aussi pour ses adhérents eux-mêmes, rendre plus visibles l’existence du réseau, les activités de ses membres, et ce qu’il peut apporter à chacun.
Le travail de réflexion de la Fédération, du point de vue tant technique que du débat d’idées, se poursuit à Bourges lors des rencontres 8 des maisons d’écrivain & des patrimoines littéraires 9 ou lors des journées d’étude organisées à l’occasion de l’Assemblée générale, par un site littéraire précis 10. Mais il est apparu indispensable que ces temps forts pour les échanges et le travail se prolongent tout au long de l’année par la publication d’un Bulletin d’informations, ce qui n’étonnera personne chez des amoureux de la chose écrite.
En direction des adhérents mais aussi d’un large public, le Bulletin a été une des premières réalisations de la Fédération 11. De 4 pages sans illustration au départ, il atteint aujourd’hui 20 pages, avec des photographies en couleurs, en particulier pour le dossier consacré à un site littéraire. Seul un problème de financement interdit, pour l’heure, de le transformer en un magazine, voire en revue d’information, de réflexion et de débat.
L’apport d’Internet
Ceci réalisé, il restait à voir comment faire pour qu’un adhérent, une fois sa cotisation réglée, une fois les rencontres achevées, continue à échanger des informations avec la Fédération, à nourrir son action tout autant qu’il se nourrit d’elle. L’outil Internet s’est très rapidement imposé comme un relais essentiel pour le développement de l’interactivité. Un pari au départ, presque une gageure, puisque nombreux étaient les lieux qui ne bénéficiaient pas d’équipement informatique. Créer un site, ouvrir une adresse électronique pour dialoguer avec ses adhérents, et le large public des visiteurs virtuels, échanger des informations en temps réel, constituèrent la deuxième réalisation de la Fédération. Mis au point par la société Axciom Multimédia qui s’est beaucoup investie dans le projet et en assure le soutien logistique, le site Internet 12, qui a vu le jour aux rencontres de Bourges 1999, ne cesse de se développer et de s’enrichir. La Fédération souhaiterait soutenir les petites structures en matière d’équipement technique, mais la réflexion menée n’a pas encore trouvé de réalisation concrète satisfaisante.
Une enquête, menée auprès des adhérents et de tous les responsables de sites littéraires, a abouti à la création d’un Répertoire des lieux et des collections, consultable sur le site Internet de la Fédération. Il permet par deux requêtes (par nom géographique avec une carte de France interactive ou par nom d’écrivain) de trouver l’adresse d’un lieu littéraire. Figurer dans ce répertoire n’est pas limité aux adhérents.
En revanche, un récent « Portail Internet » propose à chaque adhérent soit de créer un lien Internet avec son propre site s’il existe, soit de créer son site sur le site serveur de la Fédération, permettant ainsi aux petites structures, qui ne peuvent investir dans la création ni financer la maintenance d’un site propre, de gérer elles-mêmes leurs pages d’information.
Outre les renseignements propres au fonctionnement de la Fédération (statut, adhésion, vie de la Fédération) et à son action (publications, bibliographie des lieux littéraires, Internet littéraire…), un agenda des manifestations littéraires, récemment rendu interactif sous une rubrique « Actualités », permet à toute personne ayant connaissance d’un événement dans un lieu littéraire (exposition, conférence, colloque, animation, publication…) d’en faire part aux internautes sur le site fédératif 13.
Les actions des différentes commissions
D’autres commissions œuvrent à l’alimentation de ce réseau 14 ; chaque adhérent peut, s’il le souhaite, rejoindre la commission de son choix pour partager son expérience et faire avancer les projets. La commission Activités pédagogiques réunit des informations sur l’action culturelle des lieux littéraires en direction des publics scolaires. La rubrique « Pour les écoles », sur le site Internet, témoigne de ce travail en cours. À partir d’expériences concrètes, un petit groupe de spécialistes envisage l’élaboration d’un guide et de fiches techniques pour soutenir l’action des adhérents. Dans cette perspective, la commission organise des séminaires thématiques.
La commission Audiovisuel, la plus récente mais non la moins active, souhaite faire le recensement des productions audiovisuelles ayant pour sujet les lieux littéraires et réfléchit aux moyens de leur mise à disposition dans les lieux eux-mêmes.
La commission Tourisme littéraire a pour objectif de promouvoir les lieux littéraires auprès des touristes en développant des outils et des liens avec les structures chargées du tourisme culturel. Elle réfléchit à l’élaboration d’un Guide des maisons d’écrivain issu des informations collectées auprès des adhérents ainsi qu’à une charte d’accueil du public dans ces lieux.
Perspectives
En matière de préservation et d’aide à la création des lieux littéraires, les administrateurs, conscients de l’importance du sujet et des demandes réitérées de ses correspondants, ont entamé une réflexion qui s’avère très complexe. La première étape serait la création d’un « centre de ressources » susceptible de répondre à la mission de tête de réseau et d’instrument de conseil que la Fédération souhaite développer à l’avenir.
Lors de la préparation des rencontres de Bourges de novembre 2002, et pendant leur déroulement, sur le thème « Lieux littéraires et cultures en Europe », de nombreux contacts ont été pris avec les responsables européens concernés, ouvrant à la Fédération un nouveau chantier de coopération avec des maisons d’écrivain au Danemark, en Norvège, en Angleterre, en Russie, en Hongrie, et leurs homologues en Italie, Espagne, Autriche… Cette coopération avait déjà été amorcée par des contacts individuels ou des interventions lors de rencontres passées.
La structure fédérative est encore récente et reste fragile. Soutenue par les pouvoirs publics qui la subventionnent depuis sa création (Direction du livre et de la lecture 15, Direction des musées de France, région Centre, Drac Centre, ville de Bourges – son siège est installé à la médiathèque de Bourges depuis sa création –, ainsi que d’autres collectivités pour des actions locales et ponctuelles), la Fédération des maisons d’écrivain & des patrimoines littéraires doit diversifier ses sources de financement pour développer les actions qui lui tiennent à cœur et renforcer son réseau.
À chaque nouvelle étape du développement de la Fédération, structure encore jeune et qui subit tout naturellement des crises de croissance, les administrateurs ont bien souvent l’impression de se trouver à la croisée des chemins. Le succès de chaque rencontre avec les adhérents, et de nouvelles adhésions ravivent la flamme et permettent de poursuivre cette tâche d’ « aventuriers de l’aura perdue », pour paraphraser Daniel Fabre 16, qui, lors de son intervention très appréciée à Bourges, en novembre dernier, a mené une réflexion passionnante sur ce qu’une maison d’écrivain, lieu littéraire par excellence, peut offrir à son visiteur : l’inviter à partir à la recherche des traces « perdues » de l’œuvre, de l’auteur ou de l’acte créateur…