Bollettino AIB
rivista italiana di biblioteconomia e scienze dell'informazione, décembre 2000 à septembre 2002
Revue écrite en italien, avec des résumés en anglais, le Bollettino AIB est dirigé par Giovanni Solimine, qui a succédé à Alberto Petrucciani, directeur pendant dix ans. Son comité scientifique comprend des universitaires et des bibliothécaires. Dans le numéro 1 de 2001, le nouveau directeur annonce dans son éditorial que la revue ne changera pas ses objectifs de 1992. Le Bollettino se veut un lieu d’approfondissement, de recherche et de réflexion, ouvert, non académique, lié fortement aux thèmes d’actualité et aux propositions de l’Associazione Italiana Biblioteche (AIB). Mais il gardera son autonomie par rapport à l’AIB, dans la réflexion sur les débats bibliothéconomiques et sur la politique des bibliothèques. La revue se propose d’approfondir l’analyse critique sur les problèmes centraux de l’activité professionnelle, de saisir les tendances de l’évolution, de suggérer et explorer de nouveaux parcours. La priorité absolue est à l’actualité, à la relance de la politique internationale de la revue. Les aspects historiques ne seront pas cependant négligés. Les articles de la revue peuvent être liés à trois grands thèmes : conscience de la très grande richesse des fonds patrimoniaux et de la grandeur historique de l’édition italienne, qu’il faut mettre à la disposition de tous, volonté d’adopter les normes internationales, esprit européen. Articles de fond, discussions, comptes rendus de la production bibliographique occidentale, liste détaillée et classifiée de la production italienne se partagent l’espace de la revue.
Modernisation et coopération
Le numéro 3 de 2001 manifeste l’intérêt des Italiens pour les questions internationales et la volonté incessante de participer à la modernisation des bibliothèques italiennes en vue d’une coopération toujours accrue avec les bibliothèques des autres nations. Il s’ouvre sur un article de Paul Gabriele Weston, « Dal formato MARC a FRBR » (p. 267-283), sur le catalogage, vu à travers l’histoire de l’adoption du format Marc (ANNAMARC) qui a débuté en 1968 par des contacts avec la Library of Congress et s’est concrétisée en 1975 à la fois à la Bibliothèque nationale de Florence et pour la Bibliographie nationale italienne. La coopération avec les autres bibliothèques italiennes s’est mise en place avec lenteur. La Bibliographie nationale italienne n’a pu jouer son rôle de réservoir de notices : c’est à la Library of Congress, où l’on pouvait trouver le maximum de notices de livres italiens, qu’est revenu ce rôle. Le Service bibliographique national n’a pu qu’encourager l’évolution du catalogage sur fiches, fait dans chaque bibliothèque selon des habitudes différentes, vers le catalogage standardisé et capable d’échanges internationaux. La première longue étape a été celle de l’élévation du niveau de la formation professionnelle des bibliothécaires. Mais les progrès de l’uniformisation des normes ont été très lents. La mise en place du catalogue central a été faite par juxtaposition, stratification, des catalogues élaborés avec des normes locales différentes. Ce catalogue a néanmoins constitué un grand progrès et s’est avéré un instrument très utile, eu égard au retard et lacunes de la Bibliographie nationale. Il a développé une culture du service à l’usager. Les bibliothèques italiennes étaient jusqu’alors fortement orientées vers la conservation. Le catalogue collectif a permis d’accroître les prêts entre bibliothèques. L’esprit et les pratiques de la coopération ont été adoptés. L’absence d’une forte volonté politique, d’un projet national, si elle se révélait, pourrait freiner cependant l’application de technologies qui supposent l’emploi de normes internationales. Il s’agit ici d’un constat provisoire.
Un nouvel article fait état de l’avancement des travaux (Isa De Pinedo, Alberto Petrucciani, « Un approccio all’applicazione del modello FRBR alle regole di catalogazione italiane : problemi e possibili soluzioni », 2002, n° 3, p. 267-278). Les RICA, règles italiennes de catalogage, publiées par le ICCU (Istituto centrale per il catalogo unico), en 1979, ont représenté un ensemble cohérent de normes. Leurs caractéristiques, dérivées de la Conférence de Paris, pour le choix et la forme des auteurs et des titres, et pour le catalogage, des divers ISBD, ont favorisé leur diffusion dans les bibliothèques italiennes. Les RICA sont aussi utilisées par la Bibliografia Nazionale Italiana depuis 1981. Le Servizio bibliotecario nazionale regroupe 1 400 bibliothèques qui les utilisent. À la fin de 1997, une commission a été créée par le ministère des Biens Culturels pour mettre à jour les normes et les adapter aux règles internationales. Depuis 1998, la commission travaille sur le modèle de l’Ifla (FRBR). Elle a essayé d’étudier la transition entre les deux modèles, en collaborant aussi avec le service des archives. Ce travail est en cours 1.
En Italie, la direction du travail bibliographique vers le réseau et l’interactivité est clairement acceptée par les professionnels. Mais sa mise en œuvre requiert un énorme travail pour répondre aux attentes et aux besoins du public, ainsi que des progrès dans la conception des technologies.
Éthique : le modèle américain
Les préoccupations éthiques sont présentes dans plusieurs articles. Il apparaît que, dans tous les secteurs qui intéressent les bibliothécaires, elles doivent être au fondement des politiques et des pratiques. Les textes produits aux États-Unis sont un modèle, comme le Freedom of Information act (Michele Carlo Marino, « Il freedom of information ac : un’occasione per le biblioteche ? », 2002, n° 2, p. 187-199) qui prévoit le droit à l’accès à tous les documents, y compris électroniques, produits et détenus par les « agences » gouvernementales, publiques, sauf ceux concernant la sécurité ou le crime, sans restriction en ce qui concerne le demandeur (en Italie, l’accès est limité aux personnes y ayant un intérêt « juridiquement important »), droit reconnu par l’Onu, l’Union européenne, l’Unesco. Aux bibliothécaires, le devoir de permettre l’usage de ces droits, en se faisant entendre des autorités nationales. Mais on doit tenir compte aussi du Privacy act, qui prévoit notamment, dans l’usage des fichiers nominatifs, le droit pour les usagers à la confidentialité de leurs données personnelles. Voir sur ce sujet Valeria Giaquinto, « Biblioteca e diritto alla privacy : il modello statunitense », 2000, n° 4, p. 489-500. Aux États-Unis, ce droit à la confidentialité des données, qui a des applications différentes selon les états, est particulièrement bien compris et défendu. Cela constitue un modèle.
Alessandra Bezzi (« Universal Design e Adaptative Technology », 2001, n° 3, p. 297-305) présente aux lecteurs italiens UD (Universal design) et AT (Adaptative technology), des concepts fondamentaux pour une approche éthique des réalités du monde de la production et de la société de l’information. L’UD, dont l’idée est née en 1989 et sur lequel travaille la School of Design de l’université de Caroline du Nord, a formalisé les principes du bon usage en ce domaine, parmi lesquels l’usage équitable, la simplicité de l’utilisation, une information accessible et lisible, la tolérance pour l’erreur, le moindre effort. L’AT se fonde sur la vieille idée, parfois perdue de vue, de l’adaptation de la technique aux hommes et non le contraire. Plusieurs projets ont été mis en œuvre par les bibliothèques d’Italie : par exemple, Nessuno escluso, « Personne n’est exclu », à la bibliothèque municipale de Monza. Pour A. Bezzi, l’Universal design, voulant dire aussi Universal access au Web, sera facilité par la création de consortiums afin de partager coût et compétences technologiques. En conclusion, l’auteur rappelle DO-IT, qui ne fait pas allusion directement à l’ouvrage fameux des années 1960, mais au grand projet de l’université de Washington, Disabilities, Opportunities, Internetworking & Technology. Les personnes doivent avoir la possibilité, quelle que soit leur condition physique, d’accéder aux ressources électroniques, matériellement et pratiquement.
La formation professionnelle
Dans le cadre du sustème décentralisé des régions italiennes, une série d’articles analysent les besoins en formation des bibliothécaires. Un étudiant de Palerme ne doit pas se déplacer à Milan, ni à Rome, ni à Florence pour suivre une formation initiale ou continue à n’importe quel niveau. Les formations se déroulent dans la plupart des grandes universités, une dizaine, qui ont adopté le cursus européen 3 + 2. Les personnels dans le passé étaient recrutés sans formation particulière, comme cela fut le cas souvent en France jusqu’après la seconde guerre mondiale. L’adoption des recommandations européennes a permis de redessiner les formations. La licence est passée de la Conservation des biens culturels aux Sciences des biens culturels. Mais la conservation, la culture littéraire et les humanités continuent à y avoir une place importante, ce que regrettent certains auteurs de la revue qui voudraient que catalogage, informatique ou gestion y tiennent un plus grand rôle. D’ailleurs les professionnels veillent, avec la constitution d’un ordre des bibliothécaires (voir AIB-WEB). Néanmoins, peut-on faire remarquer que, même si le dilemme « tête bien faite »/« tête bien pleine » semble maintenant dépassé un peu partout par la grande victoire de la technique, les qualités que donnait l’enseignement du latin, qui continue en Italie, n’étaient pas si négligeables ? C’est peut-être un avantage intellectuel important que cette culture humaniste et cette formation à l’université. Les auteurs remarquent que certaines distorsions sont possibles, car le premier cycle peut être soit général, soit inclure déjà des modules professionnels, si bien que les étudiants abordent le deuxième cycle où se fait le choix professionnel pour les biens culturels, y compris les bibliothèques, avec des niveaux différents. Positive nous semble l’accessibilité dans toutes les régions, pour toutes les catégories sociales d’étudiants. Voir pour des analyses très détaillées des cursus de formation : Alberto Petrucciani, « La laurea in biblioteconomia : finalità e prospettive dei nuovi ordinamenti universitari », 2001, n° 2, p. 145-153 ; Franz Berger, « Europa ante portas, riflessioni sull’offerta formativa delle università italiane con l’avvio del sistema 3 + 2 », 2001, n° 4, p. 481-492 ; Alberto Petrucciani, Simona Turbanti, « I corsi universitari dopo la riforma : per un’analisi dei contenuti delle offerte didattiche », 2001, n° 4, p. 493-500.
Les relations avec les éditeurs
Dans la rubrique Discussion du numéro 2, 2001, Sandra di Majo (« Cosa cambia nella politica delle collezioni ? », p. 191-196) revient sur le système des consortiums et en examine les limites : la fourniture par « paquets » des ressources signifie une mise à disposition des bibliothèques et de leurs utilisateurs d’un choix plus vaste. Mais l’élargissement peut aussi signifier affaiblissement de la valeur spécifique et abandon de l’idéal de complétude du fonds particulier d’un établissement pour un public donné. En ne sélectionnant pas, ou bien moins, les bibliothèques se mettent entre les mains des éditeurs. L’auteur suggère de travailler à long terme pour une réforme de l’édition scientifique permettant d’abaisser les coûts et d’élever le niveau. Cette réflexion rejoint la discussion internationale sur l’ouverture des sources scientifiques. Le choix des acquisitions ne se pose pas en termes d’alternative, mais demande que soient bien clairs les avantages des deux systèmes. Il faut garder à l’esprit la nécessité de maintenir un haut niveau de compétences spécialisées dans tous les cas, qui permettent un filtre de qualité. Il serait donc utile de définir pour chaque organisme un plan de développement, des objectifs et des méthodes, avec les moyens adéquats : définition de la couverture thématique, critères de niveau, paramètres de référence, ce qui permettra de conserver à la documentation toute sa valeur. Sur la politique des consortiums, voir les articles de Werner Reinard pour l’Allemagne (2000, n° 4, p. 459-467) et de Philippe Schmitt pour la France, sur Couperin (2001, n° 3, p. 287-293).
La question reste posée : éditeurs et bibliothèques sont-ils ou non, objectivement, des ennemis ? C’est ce qu’écrit Giovanni Lazzari : « Editori e bibliotecari : la nuova legge sull’editoria », 2001, n° 1, p. 77-79. La nouvelle loi prévoit des aides financières à l’édition, des allégements fiscaux et des facilitations de crédit. Le consensus s’est manifesté aux dépens des bibliothèques par la loi sur le droit d’auteur, malgré la grande mobilisation de l’AIB. Les intérêts des éditeurs et des officines de photocopie ont été pris en compte et la loi a limité à 15 % le droit de photocopier dans les bibliothèques. On y trouve aussi la définition du « produit éditorial », la prise en compte de sa diffusion et non du tirage pour l’attribution de subventions. Après négociations, le montant des remises est fixé non pas à 10 % comme le voulaient les éditeurs, ni à 20 %, comme le désiraient les bibliothécaires, mais à 15 %. À titre expérimental, pendant un an, le soutien à la lecture, aussi bien dans l’enseignement public que privé, est aussi prévu. L’auteur rappelle le principe de l’Unesco de la gratuité de la diffusion par les bibliothèques des produits éditoriaux. Toutes ces dispositions ainsi que la réforme du dépôt légal doivent être réexaminées.
Les travaux en cours
Parmi les projets à réexaminer, se trouve aussi « l’analyse des communautés », en partant des données de cette pratique aux États-Unis et des recommandations de l’Ifla (Anna Galluzzi, « Analisi di comunità : uno strumento per la pianificazione dei servizi », 2001, n° 2, p. 175-188). Il s’agit de poser les limites de la valeur de ce genre d’enquête en Italie. Si l’auteur reconnaît l’intérêt de mieux appréhender, par des méthodes externes, le bassin des usagers d’une bibliothèque, elle insiste sur la proximité de ces usagers sur le territoire italien. Les données statistiques internes des bibliothèques permettent de très bien les connaître. Il faut trouver une voie italienne pour ce genre de recherches.
Dans le numéro 3, 2001, p. 307-336, plusieurs articles rendent compte des travaux en cours pour une mise à jour de l’indexation par sujets, sur des critères qui permettent de respecter les particularités nationales italiennes, les recommandations de l’lfla, et en s’inspirant des travaux plus avancés, comme ceux de la Bibliothèque du Congrès de Washington en vue d’une mise en ligne des nouvelles indexations. Un article de Elisabetta Poltronieri présente les travaux de l’Institut Supérieur de la Santé, à Rome, pour faire un nouveau Soggetario, applicable à leur fonds, compatible avec les bases de données internationales et pouvant être mis en ligne. Luigi Crocetti (« Per un Tesoro della biblioteconomia italiana », 2001, n° 1, p. 7-18) et Alberto Petrucciani (« Tesoro della bibliotececonomia italiana e biblioteca digitale », 2001, n° 3, p. 347-350) présentent la très intéressante numérisation de textes italiens de bibliographie et de bibliologie que l’on peut trouver sur le site de la BIT, Biblioteca italiana telematica.
Pour mettre à la disposition de tous les richesses de la culture européenne sous forme électronique, un plan d’action a été lancé par l’ensemble des États de la Communauté européenne. L’Italie est initiatrice et coordinatrice du projet Minerva qui vise à mettre en relation les ministères de la Culture des différents états. Le réseau et ses actions ont débuté le 1er mars 2002. Il fonctionne avec plusieurs groupes de travail : un groupe pour créer un modèle commun d’échange d’informations sur les programmes et les politiques afin de coordonner et assurer la visibilité des politiques nationales (Suède et Finlande), un autre pour assurer une recension des projets et définir une infrastructure technique et résoudre les problèmes du multilinguisme (France), un autre encore pour affronter les problèmes de la conservation, un autre sur la qualité des sites Web (Belgique et Espagne), un autre enfin pour étudier la compatibilité et les services d’accès (Royaume-Uni). Toutes les ressources culturelles, archives, bibliothèques, musés, sites archéologiques seront finalement accessibles grâce à cette initiative de l’Italie (Rossella Caffo 2, « Il progetto Minerva et le iniziative comunitarie per la digitalizzazione del patrimonio culturale », 2002, n° 3, p. 337-340).