La gestion collective des droits
Isabelle Masse
Le Palais des congrès accueillait du 4 au 6 juin 2002 le salon – 19e du nom – IDT-Net, sous-titré cette année « Information numérique ». Deux conférences ont retenu l’attention de la rédaction : « La gestion collective des droits » et « La pérennisation de l’information numérique », dont le BBF rend compte dans les lignes qui suivent.
Les origines de la gestion collective remontent au XVIIIe siècle – Beaumarchais crée l’ancêtre des sociétés d’auteurs en 1777, rappela Julien Horn, avocat. Une première loi, qui voit le jour en 1791, consacre l’existence du droit d’auteur en France ; les décrets-lois de 1791 et 1793 accorderont par la suite à l’auteur les droits de représentation et de reproduction. Enfin, le XIXe siècle voit la création de la SACD 1 en 1829 ; de la SGDL 2 en 1830 ; de la Sacem 3 en 1851 ; d’autres suivront jusqu’à la Sofia 4 en 1999.
Que sont et que font les sociétés de gestion collective ? Ce sont des sociétés civiles auxquelles adhèrent volontairement – sauf pour la reproduction par reprographie – les auteurs et les éditeurs. Ces derniers leur confient les droits qu’ils touchent sur leurs œuvres et la reproduction de ces dernières, ainsi que la gestion de ces droits. Les sociétés de gestion collective gèrent l’ensemble des œuvres qui constitue alors leur « répertoire » ; la redevance versée par les utilisateurs est ensuite redistribuée aux membres de sociétés d’auteurs après déduction des frais de gestion. Elles peuvent engager des actions civiles ou pénales envers des utilisateurs qui ne respecteraient pas l’accord, et récolter des preuves d’agissements illicites. Depuis 2000, une commission est chargée de contrôler les comptes de ces sociétés.
Comment réagissent ces sociétés face à l’avènement du numérique et des nouveaux modes de communication ? C’est à cette question que le 4 juin 2002, des représentants de ces sociétés ont tenté de répondre. Florence Piriou (Sofia), Catherine Kerr-Vignale (Sacem et Sesam 5), et Xavier Filiol (Geste 6), se succédèrent face à un public de documentalistes et bibliothécaires, à la fois sceptiques et méfiants devant la complexité du sujet. La diffusion des œuvres de l’esprit sur supports numériques suppose en effet de nombreuses démarches pour l’obtention des autorisations nécessaires auprès des titulaires de droits d’auteur et de droits voisins.
Catherine Kerr-Vignale rappela que la gestion collective permet à l’auteur d’être rémunéré de manière proportionnelle, de contrôler l’utilisation de ses œuvres (la chanson notamment a eu et a toujours besoin de la gestion collective pour être bien défendue et rémunérée). En ce qui concerne l’avènement du numérique et des nouveaux modes de communication, c’est en 1996 qu’a été créé le Sesam, société qui fédère les diverses sociétés de droit d’auteur et qui intervient pour toutes les exploitations dites « multimédias » (musique, image fixe, image animée, texte). Quant à la Sofia, créée en 1999, elle défend les droits des auteurs de l’écrit et de leurs éditeurs. Face aux dangers « qui menacent la propriété littéraire – la libre circulation de textes protégés sur les réseaux numériques », Florence Piriou rappela que sa vocation est de percevoir et de répartir le droit à rémunération pour la copie privée numérique.
L’auditoire – peu important en nombre, mais peut-être était-ce dû au tarif quelque peu prohibitif des conférences – fut plutôt réactif. Les questions posées reflétaient un certain désarroi devant les difficultés d’application et l’abord souvent peu aisé de ces sociétés qui restent malgré tout bien mystérieuses pour le commun des mortels bibliothécaires.