Actualité des langages documentaires

fondements théoriques de la recherche d'information

par Muriel Amar

Jacques Maniez

Paris : ADBS Éditions, 2002. – 395 p. ; 24 cm. – (Sciences de l’information : Série Études et techniques). - ISBN 2-84365-060-7/ ISSN 1160-23776 – 32 €

Voici un ouvrage dont les seuls titre et auteur devraient susciter l’intérêt et la curiosité des professionnels de l’information : le sujet des langages documentaires est peu traité dans la littérature francophone (les dernières monographies en français sur le thème datent de la fin des années 1980) ; Jacques Maniez s’impose, depuis plus de trente ans, comme le spécialiste de la question.

L’ambition de l’auteur ne se réduit pourtant pas à proposer un (nécessaire) état de l’art actualisé des langages documentaires. Jacques Maniez se donne aussi et surtout comme objectif « militant » de défendre la pertinence des langages documentaires aujourd’hui, menacés par le « succès insolent » des modes de recherche proposés sur le web (p. 169).

Une étude approfondie des systèmes de recherche

La défense et l’illustration des langages documentaires trouvent leur fondement dans une étude approfondie des systèmes de recherche d’information. D’abord considérés comme sous-ensemble des systèmes de recherche d’objets en général (chapitre 1), puis appréhendés dans leur spécificité (l’objet « information » est examiné dans le chapitre 2), les systèmes de recherche d’information sont ensuite distingués en trois types : recherche factuelle, recherche contextuelle et recherche documentaire (chapitres 3, 4 et 5).

Seul ce dernier type de recherche (il faut entendre par recherche documentaire la recherche de documents par « sujet ») est concerné par les langages documentaires : Jacques Maniez met en valeur que ce ne sont pas les problématiques linguistiques (notamment les questions de synonymie et de polysémie) qui constituent les fondements des langages documentaires mais plutôt la problématique documentaire centrale qu’est la notion de « sujet » d’un document (p. 132 : « La difficulté particulière de l’attribut “sujet” d’un document tient à ce qu’il n’est pas fourni avec le document mais qu’il doit être construit. »).

Le grand mérite de Jacques Maniez dans la première partie de son ouvrage (les chapitres 1 à 6) consiste à proposer des définitions précises de termes habituellement utilisés sans être explicités (comme « information », « concept » et bien sûr « sujet ») : l’auteur, docteur en linguistique, s’appuie à la fois sur ses vastes connaissances de la discipline et sur un corpus récent de la littérature anglo-saxonne dans le domaine de l’analyse et des langages documentaires.

Les « nouvelles » fonctions des « anciens » langages documentaires

Après avoir défini, en première partie, la notion de sujet (« parcelle de l’univers connaissable », p. 171) et son mode d’expression (« syntagme nominal développé composé de plusieurs termes reliés par des liens spécifiques », p. 201), Jacques Maniez consacre les six derniers chapitres de son ouvrage à rendre compte de l’ « actualité des langages documentaires ».

Cette expression ne doit pas être comprise comme la présentation de nouvelles formes de langages documentaires (même si l’auteur constate que « l’outil adéquat n’est plus la liste d’autorité mais une grille de repères sémantiques échelonnés », p. 180). Le projet de Jacques Maniez consiste plutôt à dégager les « nouvelles » fonctions que pourraient remplir aujourd’hui les langages documentaires existants.

Sur les trois principales fonctions dégagées (normalisation, ajustement et présentation), c’est nettement la fonction d’ajustement (entre besoin d’information et représentation codée) qui connaît l’actualité la plus sensible. La recherche documentaire s’effectuant de plus en plus en mode « autonome » (sans médiation d’un professionnel), il ne peut plus y avoir appariement strict entre représentation d’un document et représentation d’une question. Il faut au contraire permettre une « démarche tâtonnante qui vise la meilleure approximation possible » et, pour cela, « les cheminements doivent être inscrits dans le langage documentaire » (p. 180).

De telles fonctions, et notamment celle d’ajustement, peuvent-elles être prises en charge par les langages documentaires existants ? Jacques Maniez en est manifestement convaincu sans pour autant donner aux lecteurs d’arguments décisifs.

Les chapitres 9, 10 et 11 constituent un exposé des langages documentaires dans le cadre d’une typologie qui distingue les langages classificatoires hiérarchiques, les langages syntagmatiques et les thésaurus. Certes, l’auteur consacre chaque fin de chapitre aux nouveaux usages de ces anciens langages, mais les propos restent plus volontaristes que nettement démonstratifs.

Tout en prenant clairement position en faveur d’un usage élargi des langages documentaires sur le web, l’auteur pointe très justement la faiblesse de l’Internet documentaire (p. 274 : 6 % des sites web éventuellement concernés par un traitement professionnel des informations).

On aurait souhaité que ce lien indissoluble entre contenus accessibles et modes d’accès soit plus systématiquement examiné : sans doute aurait-il permis de circonscrire précisément la zone de pertinence des « langages d’assistance contextuelle » que l’auteur appelle de ses vœux (p. 311).