La formation documentaire
Au fil du courant
Sylvie Chevillotte
Depuis plus de 30 ans, les bibliothécaires canadiens organisent un colloque annuel sur la formation des usagers. Pour sa 31e édition (du 13 au 15 mai 2002), le « Workshop on Instructions in Library Use (Wilu) » ou « Atelier annuel sur la formation documentaire » – qui se déroule sous forme de conférences et sessions plénières, mais également d’ateliers 1 – a innové puisque, pour la première fois, la bibliothèque organisatrice se situait à Fredericton (Nouveau Brunswick) 2.
Wilu s’adresse aux communautés anglophones et francophones, mais cette année la communauté québécoise était peu représentée – une seule communication fut proposée en français 3. Outre de nombreux participants canadiens – bien que seulement 11 % des universités canadiennes aient été représentées à Fredericton –, on constatait une importante présence américaine, aussi bien chez les 150 participants que chez les intervenants.
Bibliothécaires formateurs
Le thème choisi était la formation documentaire (« River Run : Trends in Library Instruction/La formation documentaire : au fil du courant »), organisée au Canada depuis plus de 30 ans. Cependant les questions soulevées ont très largement rejoint celles qui se posent en France 4. La conférence inaugurale de Heidi Julien (School of Library and Information Studies, université d’Alberta, Canada), à partir d’une enquête en cours, a situé de façon un peu provocatrice le rôle des bibliothécaires aujourd’hui dans la formation des usagers. En écho, la table ronde du dernier jour a été centrée sur la formation à l’enseignement et à la pédagogie des bibliothécaires (library instructors).
Comment sont formés les bibliothécaires qui ont un rôle de formateurs ? Et d’abord, ceux qui assurent les formations sont-ils formés ? Au Canada et aux États-Unis, les bibliothécaires sont souvent plus spécialisés qu’en France. Les bibliothécaires responsables de formation sont recrutés en tant que tels. Leur travail est souvent lié à celui des bibliothécaires de référence lorsqu’il ne s’agit pas d’une seule personne. Cependant, dans sa communication intitulée « Miles to go before we sleep… », Heidi Julien fit état d’une enquête, menée en 2000 sur la formation. Elle révéla que 4 écoles de bibliothéconomie et sciences de l’information sur 7 au Canada forment les bibliothécaires à être des formateurs, et ceci avec des disparités dans la longueur, l’obligation de suivi, et le contenu des cours. Aux États-Unis, elles représentent 51 % des universités (en Library and Information Science), les cours proposés peuvent être optionnels et on observe des disparités importantes sur les durées et contenus réels.
La table ronde finale reprit cette problématique, ajoutant quelques propositions : permettre aux étudiants de commencer à enseigner pendant leur formation en étant tutorés ; encadrer les formateurs débutants par des formateurs chevronnés. La communication de Rebecca Albrecht (Purchase College, State University of New York) 5 posa à partir d’une enquête des questions essentielles.
Notions minimales
Sur la question des modes et contenus de la formation des usagers, des relations enseignants-bibliothécaires, de la nécessité de convaincre l’administration, des difficultés budgétaires, on constate des similitudes avec la situation française. On peut retenir la proposition de Roy Tennant (California Digital Library) sur une attitude plus offensive et plus marketing des messages à faire passer. Il faut essayer de toucher l’étudiant là où il se trouve 6.
Au chapitre des différences culturelles, les bibliothécaires canadiens et américains s’appuient tous sur un guide de l’ACRL (Association of College and Research Libraries) traitant de la notion d’ information literacy 7. On pourrait parler de notions minimales à maîtriser. Dans un atelier dynamique, Dianne Cmor (Memorial University of Newfoundland), proposait de dépasser le simple enseignement du « booléen » et d’oser enseigner une démarche critique à partir d’exercices ciblés 8.
Au chapitre des idées en commun, on retiendra celle des bibliothécaires disposant de compétences documentaires et plus particulièrement en nouvelles technologies à faire partager aux enseignants. On retrouva la bibliothèque centre de ressources au cœur de plusieurs ateliers 9.
En conclusion, on ne ressortit pas de ce colloque avec des recettes magiques, mais avec un échange de points de vue et expériences assez rafraîchissant et enthousiasmant. Certains ont parlé, avec humour, de « missions », de « pionniers ». Le train est en marche, mais beaucoup reste encore à faire : « des kilomètres avant d’aller dormir… », selon Heidi Julien.