Le réseau des médiathèques françaises à l'étranger
Une politique de développement dans la durée
La France possède, à l’étranger, le premier réseau d’institutions culturelles, universitaires et scientifiques au monde. Ce réseau a bénéficié, il y a une dizaine d’années d’un programme de modernisation de ses bibliothèques et de crédits exceptionnels importants. Médiathèques publiques d’information « à la française », ces nouveaux équipements se développent avec l’aide de professionnels et d’experts, et en fonction des pays où ils sont implantés. Lieux privilégiés de la diversité culturelle en dialogue et du débat d’idées, nos médiathèques sont le cœur vivant et l’élément clé d’un dispositif culturel résolument inscrit dans la durée.
France possesses, abroad, the first network of cultural, university and scientific institutions in the world. About ten years ago this network benefited from a programme of modernisation of its libraries and from important exceptional funding. Public information multimedia libraries “à la française” as they are, these new facilities are developing with the help of professionals and experts, and vary according to the countries where they are based. Places favoured by cultural diversity in dialogue and in debating about ideas, these multimedia libraries are the living heart and the key element of a cultural system firmly established for the long term future.
Frankreich besitzt im Ausland das beste Netz kultureller, universitärer und wissenschaftlicher Institutionen der Welt. Vor einem Jahrzehnt hat dieses Netz von einem Modernisierungsprogramm seiner Bibliotheken und außerordentlich wichtigen Krediten profitiert. Öffentliche Informationsmediatheke »à la francaise« diese neuen Einrichtungen entwickeln sich mit der Hilfe von Fachleuten und Experten, abhängig von den Ländern oder wo sie sich befinden. Als bevorzugte Orte einer kulturellen Vielfalt im Dialog und einer Auseinandersetzung der Ideen, sind diese Mediatheken das lebende Herz und das Schlüsselelement eines kulturellen Systems, das sich entschlossen in eine langfristige Perspektive einfügt.
Francia posee en el extranjero la primera red de instituciones culturales, universitarias y científicas en el mundo. Esta red se ha visto favorecida, hace una decena de años, por un programa de modernización de sus bibliotecas y de cuantiosos presupuestos extraordinarios. Mediatecas públicas de información “a la francesa”, estos nuevos equipamientos se desarrollan con la ayuda de profesionales y de expertos, y en función de los países en los que son implantados. Lugares privilegiados para el diálogo de la diversidad cultural y de debate de ideas, nuestras mediatecas son el corazón vivo y el elemento clave de un dispositivo cultural decididamente inscrito en la duración.
La culture, par définition, écrit Marc Augé, implique le rapport à autrui : le rapport à l’histoire, à l’entourage, à la société et au monde, elle se construit à l’épreuve des autres. « La vie de la culture, sous quelque angle qu’on l’envisage », est animée par « le double déplacement de soi vers l’autre et de l’autre vers soi, faute duquel il n’y a ni soi ni autre » 1. L’action culturelle française à l’étranger, pour qu’elle fasse sens dans la durée, doit s’inscrire dans cette relation bijective et participer de ce mouvement.
La France est le premier pays à avoir développé à l’étranger, depuis plus d’un siècle, un réseau d’institutions diverses qui constituent autant de relais de son action de coopération. Outre ses 270 établissements d’enseignement, le réseau français comprend 197 centres et instituts culturels, plus d’un millier d’alliances françaises, dont 250 environ bénéficient du soutien du ministère des Affaires étrangères (MAE), 35 instituts de recherche et enfin des établissements un peu particuliers comme l’Académie de France à Rome, dite Villa Médicis, ou l’Institut français d’archéologie orientale du Caire, qui dépendent des ministères de l’Éducation nationale et de la Culture 2.
Le réseau français à l’étranger compte environ 400 médiathèques établies dans les établissements culturels français de 160 pays. Ces médiathèques accueillent chaque année près de 300 000 lecteurs qui empruntent plus de 4 millions de documents.
« Carrefour de l’information et de la culture », dont elle se veut l’expression vivante, la médiathèque-centre d’information devient le centre de gravité du dispositif français dans son ensemble. Porteuse, comme l’institut culturel qui l’abrite, des valeurs de tolérance, d’humanisme et de laïcité, elle est le lieu privilégié de la diversité culturelle en dialogue et du débat d’idées.
Comme toute structure qui s’installe dans des habitudes, ce réseau, malgré ses qualités, avait fini par souffrir d’une inadaptation grandissante au monde moderne. Une action volontariste de restructuration a été voulue par le MAE depuis plusieurs années afin de lui redonner toute son efficacité.
Dans le cadre de la modernisation du réseau, l’ouverture d’un bureau chargé de la coordination, la nomination de conservateurs détachés, la création d’un fonds spécialisé (crédits Ficre, Fonds d’intervention pour les centres de ressources), la mise en place de programmes de formation destinés aux recrutés locaux sont autant de facteurs qui ont permis la mutation des bibliothèques en médiathèques et le développement de services d’information sur la France contemporaine, modernes et performants.
Cette modernisation du réseau a impliqué une réflexion sur les collections (quels documents sur quels supports pour quels publics) et la mise en place de politiques documentaires concertées ; elle a également conduit à une réflexion sur l’architecture des lieux et l’organisation fonctionnelle, sur la qualification des personnels, la communication interne et externe, et bien entendu l’évaluation.
Ces services se développent en tenant compte de l’environnement culturel et documentaire du pays d’accueil : organismes français pour un travail en réseaux, organismes nationaux, voire étrangers, avec lesquels des actions de coopération sont susceptibles d’être menées. La réunion des deux ministères (Affaires étrangères et ex-ministère de la Coopération) a été l’occasion d’une liaison plus étroite entre les actions de coopération mises en œuvre auprès des organismes du pays – développement de réseaux de lecture publique dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, par exemple – et l’action entreprise au niveau du réseau des établissements culturels français.
Cet article permettra de développer, à l’aide de quelques exemples, ces différents points.
Le panorama des instituts culturels français est très contrasté, qu’il s’agisse de leur construction ou de leur collection. Leur histoire n’y est pas pour rien, puisque certains établissements ont été créés à la fin du siècle dernier et d’autres tout récemment.
La forme
Achats, constructions, réhabilitations, les établissements culturels font l’objet de programmes immobiliers importants dont la réalisation peut demander plusieurs années. Certains ont trouvé leur place dans de simples appartements modernes réaménagés, d’autres dans des bâtiments imposants, voire de grands palais pleins d’histoire, certains enfin font l’objet d’audacieux projets architecturaux. Tous témoignent de la diversité des relations particulières qui se sont nouées entre la France et les différents pays d’accueil.
Ils témoignent d’un passé parfois douloureux et symbolique d’établissements prestigieux qui finissent par s’inscrire dans l’histoire même de la ville : l’Institut français de Prague, par exemple, le plus important institut d’Europe centrale pendant l’entre-deux-guerres, a dû fermer ses portes en 1951 3, mais, demeuré très présent dans la conscience et l’imaginaire des Tchèques, il récupère son local et ses missions d’origine lorsqu’il rouvre ses portes en 1990 ; les instituts français de Barcelone et de Madrid, durant la période franquiste, ont accueilli différents cercles culturels et artistiques et organisé des expositions courageuses comme l’hommage pictural à Sartre.
Ces établissements disposent d’espaces prestigieux qui nécessitent des réaménagements afin de répondre aux attentes du public et de la politique menée. Ainsi les établissements de Barcelone et de Madrid ont vu leurs espaces rénovés ou agrandis dans le respect des édifices. À Vienne, l’Institut français s’est installé dans le fastueux palais Clam-Gallas de style néo-classique. Le problème s’est posé de savoir concilier ce cadre historique aux missions d’une institution culturelle moderne : l’aménagement intérieur devra répondre à ce défi.
Une certaine diversité caractérise la situation des établissements français : propriété partagée entre terrains (pays nationaux) et bâtiments (établissements français) dans le cas des centres franco-nationaux (Niamey, Conakry, Windhoek, ou Maputo), emplacements exceptionnels, comme à Tbilissi (dans la bibliothèque nationale), ou à Rabat (dans un ancien archevêché). D’autres exemples signalent de façon criante le besoin de réhabilitation, tel le bâtiment historique occupé par l’Alliance française d’Arequipa, fortement endommagé par un récent tremblement de terre, et dont les travaux seront financés par des crédits exceptionnels (réserve parlementaire et ville de Paris).
La création, la réhabilitation ou la modernisation des structures sont souvent l’occasion d’inscrire la médiathèque – qui se voit attribuer des espaces plus vastes, mieux identifiés et à la visibilité accrue – comme élément fort du dispositif rénové. C’est le cas à Madrid, où le nouvel Institut français, rebaptisé par la presse « petit centre Pompidou à Madrid », a été doté à cette occasion d’une salle de spectacle de 260 places et d’une salle d’exposition de 160 m2, mais aussi d’une médiathèque publique d’information « à la française » proposant sur 700 m2 plus de 25 000 documents multimédias en libre accès.
Le projet architectural ambitieux d’Henri de Montdesert a su renouveler l’image de l’Alliance française de Saint-Domingue, inaugurée en décembre 2001. L’élément fort du projet est là aussi, la médiathèque, développée au premier niveau du bâtiment, dans un espace rectangulaire ouvert d’environ 380 m2 pour lequel une structure mixte a été privilégiée.
L’abandon d’un ancien bâtiment donne parfois naissance à un projet architectural très original. La Corée en est, à mon avis, un bel exemple. L’ancienne Alliance française de Séoul a quitté des locaux vétustes et exigus pour se rapprocher du centre urbain, près de Namdaemum (porte sud de l’ancien Séoul) et de la gare centrale, et s’installer au 18e étage d’un immeuble de bureau, Woori, tandis que le 13e étage de la même tour accueille les services culturels de l’ambassade de France. Le projet architectural confié à l’architecte David-Pierre Jalicon a l’ambition de relier par une grande roue symbolique ces deux étages séparés, afin de donner l’impression que le bâtiment se développe dans son propre espace intérieur. Visible de l’extérieur, à travers la façade de l’immeuble entièrement vitrée, les deux arches inversées réunies signalent la présence française dans la ville, en particulier la nuit grâce à un éclairage scénographique.
Autre originalité, c’est autour de la médiathèque-centre d’information déployée sur 220 m2 dans la partie « voûte » de la roue que s’organisent les espaces de l’institut : une salle polyvalente de forme ronde dotée d’une façade coulissante dégageant un espace d’exposition et de détente et différents bureaux pour le personnel.
Les fonds
L’évolution architecturale va de pair avec l’évolution des politiques documentaires dans un rapport entre politique de l’offre et de la demande, où la première s’efforce de plus en plus de coller à la seconde.
Constituées au fil des ans sans véritable politique documentaire, les bibliothèques du réseau français à l’étranger étaient lors du premier état des lieux établi en 1993 essentiellement des bibliothèques « d’humanités » à tendance surtout littéraire. Le caractère fréquemment obsolète de leurs fonds ne reflétait pas la réalité éditoriale française. Leur caractère patrimonial, souvent dû au simple effet passif de leur vieillissement, posait et pose encore quelquefois le problème du maintien de ces fonds et de leur conservation.
Nos médiathèques-centres d’information ont pour vocation première de renseigner sur tous les aspects de la culture et de la civilisation française actuelle. Il s’agit de faire connaître en langue française et, si besoin, en langue étrangère les auteurs vivants ou disparus dont les textes ont une portée universelle. Il s’agit de mettre en valeur les pôles d’excellence de la France dans tous les secteurs, en essayant de lutter contre les clichés et les idées reçues.
Mais, à côté de la lecture de plaisir qui suppose de la part de nos publics une maîtrise de la langue et de la culture françaises, et des fonctions habituelles des médiathèques, vient s’ajouter la mission essentielle de fournir une information en temps réel sur la France d’aujourd’hui, à l’aide de documents actualisés et des technologies nouvelles, en liaison avec l’ensemble des services du poste et du pays.
Ces principes généraux se déclinent en regard des réalités locales. La couverture documentaire est évidemment étroitement liée au contexte national. Les documents en langue française doivent être d’autant plus présents dans nos collections qu’ils sont rares dans les collections locales.
La politique documentaire suivie ne peut donc être séparée de la politique du livre et de l’écrit. La Division de l’écrit et des médiathèques met en place un certain nombre de programmes (PAP 4, missions Stendhal 5, etc.) pour aider les postes dans la promotion du livre et de l’écrit. Elle réalise, par ailleurs, différentes productions, avec l’ADPF 6 : des livrets thématiques 7, des ouvrages de référence 8 ; des expositions documentaires et des portfolios, en particulier lors des célébrations nationales. Le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo a ainsi été l’occasion de différentes productions dont l’envoi aux postes a été complété par un certain nombre d’ouvrages critiques. Cette division publie, également avec l’ADPF, un bulletin de nouveautés : Vient de paraître.
Des programmes audiovisuels élaborés par le Bureau du documentaire et adressés aux établissements qui le souhaitent permettent d’enrichir les fonds de nos médiathèques par des collections de documentaires français de création.
Certains établissements publient des outils de travail destinés à l’ensemble du réseau. La médiathèque de l’Institut français de Barcelone a, par exemple, réalisé en 1997 et 1999 des documents de référence dans les domaines du cinéma de fiction et de la chanson francophone 9 qui ont été diffusés à tous les postes.
Des pôles documentaires définis
La modestie relative des espaces et les contraintes budgétaires obligent les bibliothécaires à faire le choix parfois douloureux « d’avoir moins pour avoir mieux ». C’est-à-dire de proposer des collections multimédias plus réduites mais organisées en pôles documentaires clairement définis et correctement signalés, pour en faciliter la communication au public étranger.
La mise en réseau des ressources documentaires françaises à l’échelle d’un pays nécessite la mise à disposition des personnels d’outils communs ou compatibles. Mais c’est évidemment une excellente manière de pallier les difficultés que je viens de mentionner. Notre collègue de Rome, Alain Massuard, a ainsi proposé une cartographie qui permet d’identifier rapidement des points d’entrée thématiques pertinents pour le réseau français en Italie : l’architecture et le cinéma à Milan, les arts plastiques à Turin, l’histoire de l’art à Florence, l’histoire et les sciences religieuses à la bibliothèque du Centre Saint-Louis de Rome, l’actualité, les données économiques, politiques, culturelles et institutionnelles sur la France contemporaine au Centre de ressources de Rome, etc.
L’évaluation scientifique des fonds des bibliothèques françaises dans de vastes pays comme le Japon ou l’Inde, par exemple, a également permis de pointer les lignes-forces d’une politique documentaire concertée qui prend en compte la production de documents sur la France dans la langue du pays, voire en anglais. Anne Faure a ainsi répertorié une production annuelle d’environ 500 ouvrages de niveau universitaire et grand public sur la France et la francophonie en japonais. Un fonds de référence sur la France en langue anglaise a par ailleurs été analysé dans l’ouvrage Les 3 000 de l’an 2000. La Division de l’écrit prévoit la publication prochaine d’une liste de documents de référence en langue espagnole et en langue portugaise.
Le dépouillement des données recueillies au cours d’une enquête peut donner lieu à la publication d’un répertoire. Notre collègue de Moscou, Jean-Jacques Donard, a réalisé un Répertoire des fonds en français et en langues étrangères des bibliothèques de Russie, Agnès Dumont-Fillon, chargée de mission au service culturel de l’ambassade de France à Rabat, a proposé un Catalogue des revues dans les médiathèques du réseau des Instituts français : Info revues. Isabelle Niffenegger, quant à elle, a constitué le catalogue collectif en ligne des bibliothèques françaises en Inde.
Le développement d’un fonds en français sur le pays d’accueil, voire sur une zone géographique plus large, est une entreprise intéressante : fonds sur la Corée à l’Institut français de Séoul ; fonds sur le monde sinisé au Japon, etc., qui sert à la communauté française présente dans le pays d’accueil, mais aussi aux acteurs institutionnels de ce pays, auxquels elle offre une compétence qui n’a pas toujours son équivalent dans le réseau documentaire national.
Nos bibliothèques n’étant généralement pas liées à une activité de recherche, la conservation sur place de collections patrimoniales ne semble pas idéale et augmente les coûts de gestion. Deux exemples récents montrent la diversité des situations et des solutions.
L’Alliance française de Buenos Aires a pris le parti de faire cohabiter une médiathèque résolument moderne et un « salon littéraire », où sont regroupées les collections anciennes dans un mobilier d’époque.
Le fonds antérieur à 1975 de la bibliothèque de l’Institut français de Florence pourrait quant à lui faire l’objet, dans un avenir proche, d’un dépôt dans une grande institution de la ville. Ce fonds inclut des collections patrimoniales du plus grand intérêt (plaques de verre, photographies, manuscrits du XVIIIe siècle, fonds Genlis). Ce dépôt ferait alors l’objet d’une convention de partenariat entre les deux institutions.
Nos bibliothèques, pas plus que leurs homologues en France, ne peuvent faire l’économie d’opérations de désherbage. Opérations d’autant plus délicates, qu’elles sont souvent mal perçues par le public comme par les personnels et parfois même par la hiérarchie. Ces opérations s’accompagnent le plus souvent de campagnes de communication.
Dans certains pays, la pénurie de documents dans les bibliothèques locales – je pense e1n particulier aux pays de la zone de solidarité prioritaire – pourrait contraindre les médiathèques françaises à être des bibliothèques de substitution, ce qui n’est évidemment pas leur vocation. L’appui à la lecture passe par le soutien et le développement de bibliothèques françaises à l’étranger mais aussi par le soutien aux bibliothèques locales.
Coopération et partenariat : rester soi-même en accueillant l’autre
Des programmes de coopération mis en place par la France dans le cadre de l’assistance technique permettent d’aider les pays d’accueil à développer, au niveau national, des projets de lecture publique sur plusieurs années. Ces projets sont le plus souvent rattachés au ministère de la Culture du pays d’accueil et animés par un assistant technique. Un partenariat original se met en place actuellement au Maroc. Ce projet d’aide à la lecture publique est mené sous l’égide d’un chef de projet marocain à la Direction du livre, des bibliothèques et des archives du ministère de la Culture et de la Communication, avec le soutien du service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France (Bureau du livre et coordination des bibliothèques). Ces programmes comprennent différents volets d’aide et sont réalisés en liaison avec différents partenaires français (Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, Direction du livre et de la lecture, Association des bibliothécaires français).
Certaines médiathèques sont, par ailleurs, à l’origine de colloques ou symposiums organisés en liaison avec des organismes locaux et avec le soutien de partenaires français. Le colloque de Moscou organisé en octobre 2000 a réuni près de 300 bibliothécaires russes et une délégation d’experts français, celui de Saint-Pétersbourg de mai 2002 a également été très suivi 10.
D’autres médiathèques accompagnent une rencontre internationale organisée par le pays d’accueil. La médiathèque de l’Ifal (Institut français d’Amérique latine) a participé activement à la Première rencontre internationale sur les bibliothèques publiques organisée à Mexico en 2001. Cette rencontre a fait l’objet d’une publication, tout comme le colloque de Vienne qui a permis en 2000 de réunir une vingtaine de spécialistes et plus de 150 participants.
La participation aux salons du livre – Lire en français et en musique à Beyrouth ; Youth festival à Londres – est pour les bibliothécaires, Cécile Robert et Jacqueline Palot-Vergnaud et leurs collègues du service culturel, l’occasion d’inscrire le livre français dans ce moment fort de la vie culturelle locale.
Le premier des partenariats est celui qui s’exerce au niveau du réseau français. Le conservateur de la médiathèque du Fiaf (French Institute Alliance française) de New York, Katharine Branning, a conçu un projet de partenariat pour le réseau des alliances françaises aux États-Unis : la médiathèque de l’Institut français/Alliance française de New York est ainsi depuis un an le gestionnaire et le cœur d’un réseau de desserte, assurant la présence de documents français sur le territoire ainsi qu’un service de renseignements : création d’un service documentaire (SVP) virtuel via Internet, d’un service de prêt entre bibliothèques, d’un service de conseils et de missions. Sylvie Biet, de l’Institut français de Madrid, a, quant à elle, proposé la mise en réseau des cinq médiathèques des instituts français et des 22 bibliothèques des alliances françaises en Espagne ainsi que la signature d’une charte par les différents établissements et le service culturel de l’ambassade.
La formation professionnelle tient évidemment une place centrale dans ces programmes. La professionnalisation des équipes en charge des médiathèques est, pour le MAE, un objectif de premier plan.
La formation professionnelle : une priorité
Le début des années 1990 a vu la création de postes de médiathécaires détachés et la création d’un bureau des bibliothèques, rebaptisé « Bureau des médiathèques, centres d’information et documents ». Aujourd’hui au nombre de 38, les professionnels détachés ont une mission élargie. Basés le plus souvent dans l’établissement culturel de la capitale du pays d’accueil, ils dirigent et animent la médiathèque. Ils coordonnent également l’action des bibliothèques des établissements français du pays auprès desquels ils ont un rôle d’expert, de conseil et d’appui. Réunis une fois par an au cours d’un séminaire organisé à l’occasion du Salon du livre de Paris, ils confrontent leur expérience de terrain et débattent autour d’un thème avec l’aide de personnalités du monde des bibliothèques en France, spécialistes des questions traitées. « Information et communication : quelle politique ? » ; « Coopération et réseau : moyens et enjeux » ; « médiathèques-centres d’information et démarche qualité » sont les thèmes qui ont été abordés au cours des dernières rencontres.
L’essentiel de nos personnels en charge des bibliothèques sont des recrutés locaux, qui ne possèdent parfois pas de formation initiale en bibliothéconomie.
Dès 1996, un programme spécifique de formation a été mis en œuvre avec l’aide de l’Institut de formation des bibliothécaires (IFB). Ce programme s’est considérablement enrichi depuis, grâce à la mise en place de conventions pour des collaborations privilégiées avec des organismes spécialisés comme Médiadix 11 ou l’Enssib, et avec des réseaux de bibliothèques comme celui de la ville de Paris.
La collaboration avec la BPI (par le biais de son service des relations internationales, dirigé par Souad Hubert), qui, dès la mise en place du programme, a accepté de devenir pour l’ensemble du réseau un organisme-ressource (service questions réponses, expertise, formation de base et formation de formateurs, etc.) est extrêmement fructueuse et ne cesse de se développer.
La prise en charge par le service des relations internationales de l’Enssib, animé par Françoise Lerouge, de l’organisation des stages autrefois mis en place par l’IFB – stages qui se déroulent désormais sur le site de la Doua – a été l’occasion de repenser leur contenu – cours renforcés, atelier conduite de projet complètement revu, nouveau module comme celui concernant les politiques culturelles – et de proposer un deuxième niveau de formation utilisant les nouvelles technologies éducatives (NTE), cours à distance alternant distanciel tutoré et présentiel sur le thème de l’évaluation des services d’information.
Des séminaires thématiques de formation sont organisés in situ par les conservateurs en poste avec l’aide du Bureau. Pour ne citer qu’un exemple, le centre de ressources de Rome a organisé récemment un stage intitulé « Internet et service au public » destiné à l’ensemble du réseau.
La demande en formation est immense. La collaboration avec les organismes cités plus haut, déjà riche et active, devrait se renforcer encore à l’avenir pour déboucher sur un programme global incluant nos différents partenaires. Un certificat de compétence est attribué aux lauréats de la formation Médiadix à l’issue de leur stage pratique. Un certificat est délivré aux stagiaires à l’issue des stages BPI et Enssib. Nos personnels souhaitent vivement qu’une formation diplômante leur soit proposée. Le véritable enjeu de ces formations serait la délivrance d’un diplôme de niveau universitaire par l’Enssib ou Médiadix, en collaboration avec d’autres instances de formation.
L’accueil de stagiaires est intéressant à plus d’un titre. Les médiathèques du réseau – en particulier celles dirigées par un conservateur détaché – accueillent des étudiants des écoles de bibliothéconomie de leur pays de résidence pour des stages pratiques de plus ou moins longue durée.
Il n’est pas rare, par ailleurs, que des étudiants des filières bibliothèque et documentation des universités ou des élèves de l’Enssib souhaitent effectuer leur stage d’étude en bibliothèque dans une médiathèque du réseau. Un système de convention 12 permet de centraliser les demandes au niveau du Bureau des médiathèques, lequel se charge également de l’orientation des demandes spontanées des élèves.
Des échanges de personnels sont également mis en place, de manière extrêmement positive. Des bibliothécaires en poste dans nos établissements culturels viennent exercer pendant trois mois dans des bibliothèques françaises, alors que leurs homologues français les remplacent pendant une même période dans leurs établissements français à l’étranger. Une convention de partenariat entre le service culturel de l’ambassade de France au Maroc et la ville de Paris prévoit ce type d’échanges.
Afin d’aider les collègues dans leurs tâches, le Bureau des médiathèques réalise différents dossiers publiés par l’ADPF 13. L’ouvrage Mémothèque : mémento pratique à l’usage du personnel des médiathèques-centres de ressources, vite épuisé, a fait l’objet, au mois de mars dernier, d’une nouvelle édition mise à jour sur cédérom ; occasion pour le Bureau de proposer une partie iconographique intitulée « Images de réseau ». Un certain nombre de numéros hors série comme Démarche d’informatisation et choix d’un logiciel, ou encore une sélection de 500 sites web : Internet signets sur la France contemporaine ont également vu le jour. Enfin, certains ouvrages hors collection sont édités en coopération avec des organismes extérieurs comme la BPI ou l’Enssib 14. De nombreuses personnalités du monde des bibliothèques en France ont prêté leur généreux concours à cette entreprise.
Une liste de diffusion a été créée en 2001 pour faciliter la communication interne des bibliothécaires.
Différentes publications locales comme la revue Éclairage 15, la réalisation d’expositions avec catalogues 16, le développement de sites web attrayants proposant des Faq (Frequently Asked Questions – service de questions/réponses) et le catalogue en ligne de la médiathèque donnent une plus grande visibilité à notre action.
Un conseil scientifique regroupant des personnalités du monde des bibliothèques en France a vu le jour il y a deux ans.
Les missions d’experts : aide et évaluation
La proposition d’un service cohérent, coordonné, performant dans un lieu accueillant ne peut se faire sans avoir recours à l’évaluation et l’expertise ponctuelle et régulière de professionnels.
Afin d’aider les établissements à élaborer leurs projets et à leur donner une forme opérationnelle, des missions d’expertise, de soutien et d’appui sont régulièrement mises en place par le Bureau, le plus souvent à la demande du personnel en poste. La contribution du milieu professionnel français, qui s’est mobilisé dès la mise en œuvre du programme, est évidemment un atout essentiel pour le réseau, qui doit beaucoup à ces contributions amicales, au premier rang desquelles, j’ai plaisir à saluer l’aide précieuse de Françoise Lenoir, du service des relations internationales de la BPI.
Une première évaluation du réseau a été effectuée par Anne Kupiec, de l’université de Paris X, à l’occasion de l’édition du Répertoire publié par le Bureau en 1998. La nouvelle édition du répertoire Médiathèques et centres de ressources français à l’étranger, paru en 2001, a permis à Martine Poulain, alors directrice de Médiadix, à qui a été confiée l’analyse, de « cerner les principales évolutions de la situation des bibliothèques françaises à l’étranger », à partir d’une nouvelle enquête et de l’étude de 240 questionnaires reçus. « L’accroissement et le renouvellement des collections, leur diversification, la modernisation et l’accroissement des services offerts, la conquête de nouveaux publics, la croissance du fonctionnement en réseau, de la formation des personnels, tels sont les points marquants – écrit Martine Poulain –, de l’évolution récente des bibliothèques-médiathèques françaises à l’étranger, et ce, grâce à l’énergie et à la conviction des personnels qui les animent, et aux nouveaux moyens dont elles sont dotées. Reste à faire atteindre à cette offre un point de non-retour, par la poursuite de la politique mise en œuvre et des efforts fournis, et par une conscience toujours plus grande – et partagée par tous les interlocuteurs avec lesquels travaillent les bibliothèques-médiathèques françaises à l’étranger – de l’importance stratégique d’un tel dispositif culturel, documentaire… et humain » 17.
Pour conclure, je dirai que notre offre documentaire, si elle n’est pas le volet le plus spectaculaire de notre action à l’étranger, représente cependant l’élément inscrit dans la durée et celui auquel les autres activités culturelles, artistiques, pédagogiques peuvent s’adosser pour que leur impact se prolonge et se fortifie. Cette réflexion sur le fonds, nous l’avons vu, se double d’une réflexion sur la forme : la proposition d’un service performant dans un lieu accueillant. Pour ce faire, le recours à l’expertise de professionnels (bibliothécaires et architectes) est déterminant.
Ce programme pour être pertinent et pérenne doit également se développer en étroite liaison avec les projets de coopération mis en place par le poste et pour lesquels nos médiathèques sont de précieux points d’ancrage et d’appui. Il doit également tenir compte des différentes aides françaises également opérationnelles dans le pays. La politique du livre et de l’écrit s’inscrit ainsi dans notre politique générale de coopération et d’aide au développement.
Notre réseau a évolué de manière très sensible ces dernières années. Cette évolution qualitative importante ne doit pas faire oublier les difficultés qui demeurent et le chemin qui reste à parcourir. Le soutien de l’administration centrale – qui en a fait une de ses priorités –, la mobilisation des différents acteurs sur le terrain (au niveau de l’ambassade et des établissements) sont des paramètres décisifs, faute de quoi ce projet encore jeune et qui requiert du temps, des moyens conséquents et des personnels compétents, serait fragilisé.
Le bibliothécaire dont une des tâches cardinales est, comme disait Perec, « penser, trier, classer », parle de désherbage – les Québécois préfèrent le terme d’élagage –, quand il s’agit de retirer du fonds les documents abîmés, obsolètes ou ne correspondant pas (plus) à la politique documentaire mise en œuvre… Xavier North 18, dans une contribution à la revue du Cerap 19, proposait, il y a quelques années, un portrait du diplomate en jardinier : les relations culturelles, c’est en effet un travail de longue haleine, c’est un travail de jardinier…
Juillet 2002