Le livre grec des origines à la Renaissance
Jean Irigoin
Le Livre grec des origines à la Renaissance est l’un des volumes publiés suite au cycle des Conférences Léopold Delisle, organisé par la Bibliothèque nationale de France. L’auteur, Jean Irigoin – une autorité en la matière – présente, en un peu moins de cent pages, l’état d’avancement des recherches dans le domaine, et, à partir de « quelques étapes décisives », fait prendre conscience de l’interdépendance des matières, des formes, des graphies, mais aussi des textes et de l’histoire.
Athènes, Alexandrie
Le premier chapitre traite de la Grèce archaïque et classique. La naissance de l’alphabet grec est retracée. Des tablettes de bois recouvertes d’une fine couche de cire, on passe au papyrus, un nouveau support importé d’Égypte par des commerçants grecs. L’écriture est disposée en colonnes sur la face interne du rouleau de papyrus. Cette forme de livre va devenir courante dans l’ensemble du monde grec. Athènes en est le centre de production. Celle-ci se développe avec quelques contraintes matérielles : tout particulièrement la correspondance entre les parties d’une œuvre et le contenu d’un rouleau (composé de vingt feuilles de papyrus). Le commerce de librairie naît à Athènes. Des amateurs forment des collections et l’une des plus importantes est sans doute celle rassemblée par Aristote.
Au cours de la période hellénistique, Alexandrie va devenir la capitale du monde grec.
Ptolémée Ier y fonde le Musée où savants et érudits sont accueillis. Une importante documentation, sans cesse enrichie, est mise à leur disposition. Inventaire, classement, étude des variantes, établissement des textes de références et rédaction de commentaires font partie des tâches accomplies par le bibliothécaire et les érudits. La forme du livre ne connaît pas d’évolution, toutefois le tracé de l’écriture se simplifie et quelques innovations sont introduites comme esprits, accents ou tréma.
Rome, Constantinople
C’est au monde gréco-latin qu’est consacré le troisième chapitre. Des auteurs venus des parties orientales de l’Empire arrivent à Rome. Ils écrivent et publient dans leur langue maternelle. Les empereurs eux-mêmes apprécient la langue grecque et c’est dans celle-ci que Marc Aurèle rédige ses Écrits pour moi-même. Jean Irigoin signale l’importance du rôle de l’hellénisme dans la naissance de la littérature latine.
Jules César projette la construction de la première bibliothèque publique de la ville. Auguste crée la plus importante, à la fois grecque et latine et au IVe siècle, Rome compte vingt-huit bibliothèques publiques. Deux innovations de grande importance vont changer radicalement la forme du livre. Le parchemin remplaçant le papyrus va permettre l’utilisation des deux faces du support et on passe du rouleau au codex, c’est-à-dire au livre à pages d’un maniement plus simple. Celui-ci est protégé par des planchettes, les ais, qui vont conduire à la naissance de la reliure.
Constantin transfère la capitale de l’Empire romain sur les rives du Bosphore : la romanisation est politique mais l’hellénisme est partout présent. On reste fidèle au codex. Vers la fin du VIIIe siècle, l’écriture minuscule apparaît. Son adoption est très rapide et les textes grecs vont être retranscrits. Le papier, support moins cher, importé des pays arabes voisins, ne tarde pas à venir concurrencer le parchemin.
Plus de deux mille ans d’histoire du livre grec manuscrit se terminent. Avec l’invention de l’imprimerie, on voit naître les premiers incunables en grec à Rome, à Venise ou à Paris… et pour cela les graveurs de caractères s’inspirent des modèles de lettres manuscrites.
A priori, on pourrait penser qu’un ouvrage sur le livre grec n’est destiné qu’à un public d’érudits, mais la synthèse dynamique proposée ici, replacée dans son contexte historique et enrichie d’exemples précis, et une illustration abondante et bien choisie, font que même les profanes peuvent satisfaire leur curiosité en lisant cette somme d’informations présentée de façon agréable.