Item, revista de biblioteconomia i documentació, n° 27, juil.-déc. 2000 et 28, janv.-juin 2001

par Laurence Tarin
Barcelona : Col-legi oficial de bibliotecaris-documentalistes de Catalunya. - ISSN 0214-0349 – Abt : 30 euros ; N° : 11,5 euros

Item, revue en langue catalane, est publiée par le Collège officiel des bibliothécaires-documentalistes catalans 1. Le numéro 27 (juillet-décembre 2000) rassemble des articles sur la lecture publique et l’état de la recherche dans le domaine du livre et de la lecture.

L’un d’entre eux, écrit par Anna Bröll i Nadal, du service des bibliothèques et du patrimoine bibliographique de la generalitat (communauté autonome) de Catalogne, particulièrement intéressant pour les bibliothécaires français, apporte de nombreuses informations sur le fonctionnement du système de lecture publique catalan. Intitulé « Projet de coopération et de coordination entre bibliothèques publiques », il présente les actions de coopération et de développement des bibliothèques publiques menées par le service des bibliothèques de la generalitat.

Le service des bibliothèques

L’auteur rappelle que l’organisation des bibliothèques en Catalogne a été fixée par la loi de 1993, votée par la generalitat, la législation en matière de culture faisant partie de ses compétences. Cette loi impose la création d’une bibliothèque dans les communes de plus de 5 000 habitants, qui reçoivent le soutien de la generalitat (au niveau régional) et des diputacions (ce qui correspondrait au niveau départemental en France). Il existe également des bibliothèques au niveau des comarcas (que l’on peut assimiler à un canton ou à un pays français).

Le service des bibliothèques de la generalitat intervient dans de nombreux domaines, parmi lesquels :

– un soutien technique (conseil) et financier à la construction et à l’aménagement de bibliothèques 2 ;

– un soutien à la mise en service de bibliobus dans les communes de moins de 3 000 habitants ;

– un soutien technique et financier à l’informatisation. Le service des bibliothèques héberge et gère également la base de données du catalogue collectif des bibliothèques publiques de Catalogne auquel participent 113 bibliothèques 3 ;

– la fourniture d’un service d’information bibliographique, qui aide les professionnels pour les acquisitions et réalise des bibliographies sélectives de nouveautés ;

– la gestion d’un service central de prêt entre bibliothèques qui joue également un rôle en matière de conservation ;

– la participation à l’acquisition et au catalogage de fonds. Le service des bibliothèques sélectionne et acquiert des fonds de base pour les bibliothèques qui se créent 4. Il offre également un service de catalogage centralisé, notamment pour les titres qu’il a choisi de faire apparaître dans la bibliographie sélective de nouveautés.

– la promotion des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Aujourd’hui en Catalogne, 194 bibliothèques publiques ont un accès à Internet.

Les bibliothèques en milieu rural

Le maillon faible du système des bibliothèques catalanes semble résider dans le service offert aux populations rurales. Le second article du numéro 27, rédigé par Maïté Comalat et Lourdes Reyes, aborde justement ce sujet puisqu’il s’agit du résumé d’un rapport intitulé Les services offerts par les bibliothèques en milieu rural : propositions d’actions. Cette étude avait pour objectif de proposer un modèle d’organisation pour un service de lecture destiné aux populations des communes de moins de 3 000 habitants. Trois éléments essentiels semblent devoir être retenus :

– l’existence d’un système de lecture publique qui fait que chaque composante de ce système doit pouvoir compter sur l’ensemble du réseau. Ainsi les services offerts par le bibliobus, forcément restreints, doivent pouvoir être complétés par les bibliothèques centrales comarcales ou par les bibliothèques urbaines les plus proches ;

– le développement de l’accès à l’information en milieu rural et la formation des usagers à la recherche de cette information, par la mise à disposition d’outils permettant aussi bien à des individus qu’à des associations ou des entreprises locales d’y accéder facilement. Pour ce faire, il conviendra de travailler en collaboration, les communes rurales n’ayant pas les moyens d’assumer seules un service de ce type (soit des services centraux soit des associations entre différentes collectivités territoriales) ;

– enfin, un appui sur les nouvelles technologies qui peuvent contribuer à réduire l’isolement des populations rurales.

Les auteurs de l’article concluent en affirmant que les bibliothécaires ont un rôle important à jouer auprès des populations rurales pour éviter leur marginalisation et favoriser leur intégration dans la société de l’information.

Histoire du livre et de la lecture

L’article rédigé par Anna Guyadol i Tosello aborde un tout autre sujet puisqu’elle présente une bibliographie des études menées sur l’histoire du livre et de la lecture en Catalogne entre 1985 et 1999, bibliographie publiée intégralement à la suite de sa présentation.

Les 376 notices réunies dans cette bibliographie non exhaustive sont classées en 4 grandes rubriques : ouvrages généraux, le livre et la lecture, la presse, les bibliothèques. L’auteur note un regain d’intérêt pour l’histoire du livre et de la lecture en Espagne au milieu des années 1980, mais souligne cependant que les travaux de recherche sur ce sujet émanent essentiellement des facultés des lettres et des sciences de l’information et relativement peu des écoles de bibliothéconomie. Ce thème semble en effet y avoir été relégué au second plan.

En ce qui concerne les ouvrages généraux, peu de chose existe en Catalogne. La première recherche sur le livre catalan a été réalisée en France et éditée par l’Institut d’études ibériques de Bordeaux. Le relais a ensuite été pris par l’université autonome de Barcelone.

Les ouvrages portant sur des sujets plus précis relevant de l’histoire du livre et de la lecture sont plus nombreux. Plusieurs analysent des incunables, et d’autres abordent l’histoire de l’édition en Catalogne. En revanche, Anna Guyadol remarque que peu d’études ont été réalisées sur des imprimeurs ou des libraires. Sur la diffusion de la lecture et les usages du livre, plusieurs travaux ont été réalisés à partir d’inventaires notariés, qui portent sur différentes époques (Moyen Âge, XVIIe siècle). Est recensé également ce qui touche aux supports matériels de l’écrit (encre, papier…), mais aussi aux arts du livre (typographie, illustration et reliure) et à la bibliophilie.

Il reste en revanche beaucoup à faire dans le domaine de l’histoire des bibliothèques catalanes. Peu de travaux en présentent une vision globale, si ce n’est le chapitre sur la Catalogne de « L’histoire de la lecture publique en Espagne » et quelques contributions publiées dans Item. Des articles présentant des bibliothèques particulières ont cependant été publiés mais pratiquement rien sur les bibliothécaires – si ce n’est une thèse sur la création de l’école des bibliothécaires de Barcelone, première école de bibliothéconomie d’Europe créée en 1915. L’auteur mentionne en outre la publication de certains catalogues de fonds anciens et de catalogues d’expositions.

Anna Guyadol termine la présentation de sa bibliographie en déplorant le manque de publications sur le développement de l’imprimerie dans certaines villes, et en regrettant que les biographies de professionnels du livre soient si peu nombreuses.

Un numéro d’Item utile donc aux bibliothécaires français car, bien que composé d’articles éclectiques, il dresse un panorama des bibliothèques catalanes à travers les présentations du système de lecture publique de cette région et de l’état de la recherche sur le livre.

L’externalisation

Le numéro 28 (janvier-juin 2001) est plus homogène puisqu’il est constitué d’articles portant tous sur le même thème : l’externalisation. Ce terme est pris au sens large puisqu’il est question aussi bien d’entreprises privées auprès desquelles les bibliothèques sous-traitent certaines tâches que d’associations sans but lucratif qui offrent des services aux bibliothèques ou même de services publics qui relèvent plutôt de la coopération entre bibliothèques.

Point de vue théorique

Le premier article, de Nuria Balagué Mola, du service des bibliothèques de l’université autonome de Barcelone, aborde la question d’un point de vue théorique. Il ne s’agit pas d’une nouveauté : le nettoyage des locaux d’une bibliothèque est, par exemple, très souvent assuré par une société extérieure, et la restauration et la reliure d’ouvrages sont couramment confiées à des ateliers extérieurs. Le recours à la sous-traitance est en revanche moins évident et, en tout cas, beaucoup plus récent lorsqu’il s’agit de tâches qui constituent le noyau dur des activités du bibliothécaire.

Nuria Balagué indique ensuite les écueils à éviter lorsque l’on souhaite procéder à une externalisation 5. Elle s’interroge sur ce qui doit être sous-traité – des tâches relevant du long terme ou, au contraire, du court terme pour des travaux ponctuels tels qu’une rétroconversion de catalogue –, et propose une liste d’activités susceptibles d’être externalisées 6. Elle insiste enfin sur les qualités que doit posséder un fournisseur, sur l’importance de veiller à l’établissement d’un contrat fiable et sur l’utilité du recours à des consortiums de bibliothèques pour de meilleures négociations. Elle souligne également que si les tâches sous-traitées sont souvent liées à une évolution technologique (comme la numérisation par exemple), il ne faut surtout pas faire l’impasse sur la formation permanente des personnels qui doivent être capables de comprendre et de contrôler l’activité des sous-traitants.

Les fournisseurs

L’article rédigé par Xavier Sardà Bosch et Andreu Sulé Duesa, professeurs à la faculté de bibliothéconomie et de documentation de l’université de Barcelone, fait un état des lieux des fournisseurs qui proposent catalogage et traitement matériel des ouvrages sur le territoire catalan. Les auteurs font d’abord un historique du catalogage commercial aux États-Unis et évoquent la fourniture de notices par la Bibliothèque du congrès et le travail réalisé par OCLC. Ils énumèrent les avantages et les inconvénients de la sous-traitance de cette activité, et abordent ensuite les expériences réalisées dans ce domaine par deux réseaux de bibliothèques catalanes : le consortium des bibliothèques universitaires de Catalogne et le service des bibliothèques de la diputació de Barcelone (réseau des bibliothèques populaires). La particularité de ces réseaux est qu’ils lient fourniture de notices et acquisitions, ce qui est encore rare en France (mais aussi en Espagne où seules les communautés autonomes de Catalogne et de Galice semblent concernées). Le même fournisseur leur livre en effet un document et sa notice bibliographique.

En ce qui concerne les bibliothèques populaires, suite à un appel d’offres concernant la fourniture de documents pour la création de nouveaux établissements, ce sont les fournisseurs qui proposaient le catalogage comme valeur ajoutée qui ont été retenus. Ces fournisseurs réalisent directement dans le catalogue des bibliothèques un catalogage original validé ensuite par les catalogueurs des bibliothèques. Le délai de livraison est de 2 mois.

Le consortium des bibliothèques universitaires (BU) quant à lui utilise les services de sociétés privées depuis 1998. Dans ce cas aussi, les fournisseurs cataloguent directement dans le catalogue collectif des BU, le personnel rapatrie ensuite dans son catalogue local des notices créées au niveau central par les fournisseurs. La plupart de ces derniers ne possèdent pas de base propre et ne réalisent qu’en partie des copies à partir des grands réservoirs (Bibliothèque du congrès et bibliothèque nationale espagnole en particulier) 7.

Les sociétés de service, dont une liste a été établie par les auteurs, sont des libraires espagnols et catalans, mais aussi des sociétés internationales comme Puvill ou encore de grands éditeurs espagnols (Espasa Calpe, Playa y Janès). Chose surprenante, ces services offerts par les fournisseurs d’ouvrages sont gratuits (pour l’instant). Les auteurs s’inquiètent en conclusion du fait que cette expérience ne semble pas rentable pour les fournisseurs, surtout pour les petits libraires.

Le travail d’une association

L’un des articles présente le travail réalisé pour des bibliothèques scolaires par une association « L’Amic de paper » (L’ami du papier), qui s’est donnée comme objectif de pallier certains manques des bibliothèques scolaires (peu de personnels formés, des budgets réduits). Elle organise des sessions de formation, a une activité de conseil, mais propose aussi des sélections d’ouvrages. Il est même possible de commander des ouvrages par son intermédiaire et de les recevoir déjà couverts et catalogués.

Ce numéro d’Item se termine bien sûr comme toujours par une liste de nouveautés dans le domaine de la bibliothéconomie et par une analyse critique d’une petite sélection d’ouvrages (dont une traduction de l’ouvrage de Dominique Wolton sur Internet). Au total, un numéro très intéressant qui génère de nombreuses questions et suscite l’envie d’en savoir plus sur le fonctionnement des bibliothèques catalanes.

  1. (retour)↑  Item a été présentée dans les BBF, 2000, t. 45, n° 6, p. 106-109, et 2001, t. 46, n° 6, p. 134-136.
  2. (retour)↑  Sur les 25 bibliothèques inaugurées en 1999/2000, la generalitat en a subventionné 11. La priorité est donnée aux bibliothèques comarcales et aux bibliothèques situées en milieu urbain.
  3. (retour)↑  Ce catalogue qui contient 206 000 notices bibliographiques est consultable sur Internet : http://www.gencat.es/slp/vtls/catalan À noter l’existence d’un autre catalogue collectif en Catalogne, celui du réseau de la diputació de Barcelone.
  4. (retour)↑  Ainsi en 1999, la generalitat a acquis des ouvrages pour 300 millions de pesetes, la diputació de Barcelone en a dépensé 381 pour l’achat de documents, celle de Girona en a dépensé 12 et celle de Tarragona 13.
  5. (retour)↑  Prévoir une planification efficace, organiser une information adéquate des personnels en particulier de ceux qui effectuaient en partie les tâches à sous-traiter, mettre en place des moyens de communication adéquate avec la société de sous-traitance et un processus de suivi et de contrôle du travail de cette société.
  6. (retour)↑  On y trouve des tâches que l’on a aussi l’habitude de sous-traiter en France comme la gestion des abonnements, la numérisation de collections ou la maintenance de pages web, mais aussi, plus surprenant, des tâches comme l’animation et la promotion de la lecture ou les acquisitions (mais il est probable en ce qui concerne les acquisitions qu’il s’agit plutôt du travail effectué par des services centraux pour un réseau).
  7. (retour)↑  Ils respectent les normes suivantes : ISBD et AACR, liste matière catalane, CDU, CATMARC (format MARC catalan) et USMARC.