Bibliothèques hors les murs
Isabelle Masse
Toucher des enfants – mais aussi des adultes – qui n’ont pas de contact avec le livre…, donner une image positive de la lecture et de la bibliothèque 1… Voilà pourquoi, depuis deux ans, des bibliothèques de la ville de Paris mettent en place durant l’été des « bibliothèques hors les murs » (ou BHLM, un nouveau sigle…), conçues comme des lieux de rencontre et d’échange gratuits et libres 2. C’est un bilan de ces activités estivales qui fut présenté, en cette matinée du 31 janvier 2002, à la bibliothèque Buffon (5e arrondissement), à tous les bibliothécaires, médiateurs du livre et lecteurs parisiens ou franciliens. Échanges et discussions permirent aux participants de faire part de leurs observations et de leurs expériences et de réfléchir sur l’avenir. Catherine Éjarque, de la bibliothèque Vivienne (2e arrondissement), souligna les côtés positifs des expériences – les objectifs ont été atteints –, tout en rappelant les difficultés rencontrées et l’importance de l’élaboration d’un projet coordonné.
Description concrète
Qu’est-ce qu’une « bibliothèque hors les murs » ? Violaine Rialland, médiatrice, de la bibliothèque Saint-Éloi (12e arrondissement), et Sidonie Boudron, lectrice, en donnèrent une description très concrète. Une équipe de 7 à 8 médiateurs et lecteurs 3 venus de plusieurs bibliothèques installe sur un site sélectionné et de manière à être visibles – passage, jardin public, dalle… – de grandes nattes colorées, des parasols et, bien sûr, des livres dont le choix doit permettre de toucher tous les publics 4. Une séance dure environ deux heures. La lecture individuelle est la meilleure pratique pour ce type d’action : un adulte lit un livre choisi par l’enfant. Ce dernier écoute, assis, debout, en jouant, à son rythme. L’adulte respecte le texte, fait des pauses, passe le relais à d’autres lecteurs, mais ne se laisse pas accaparer par un seul enfant. Parents et adultes peuvent également faire la lecture. De manière générale, les actions hors les murs supposent un important travail de médiation : il s’agit d’aller vers un public potentiel, il ne s’agit pas d’attendre que ce dernier vienne de lui-même.
Après la bibliothèque hors les murs
Comment recevoir ce nouveau public dans la « bibliothèque dans les murs » ? L’accueil réservé à ces familles et enfants reste privilégié : retrouver les visages familiers des personnes présentes lors de la bibliothèque hors les murs permet d’assurer le relais avec les autres bibliothécaires. L’accompagnement est essentiel, et permet à l’enfant d’acquérir peu à peu une autonomie, d’apprendre à lire et à « se débrouiller » seul. Mais comme ce qui est autorisé « hors les murs » ne l’est pas forcément « dans les murs » – les règles à respecter dans la bibliothèque sont différentes de l’extérieur : ne pas parler trop fort, ne pas courir, ne pas manger… –, le travail se fait sur le long terme et les résultats ne sont jamais visibles immédiatement.
Pérennisation
La toute fin de la matinée fut consacrée à la pérennisation de ces actions, liée à celle des médiateurs, qui ont le statut d’emplois-jeunes. Pour Jean-Claude Utard, des bibliothèques de la ville de Paris, le dispositif emplois-jeunes, qui est à la fois une chance et un problème, a permis de consacrer beaucoup de temps à la médiation, activité qu’il faudra insérer à long terme. La ville de Paris réfléchit actuellement à leur transformation au moyen de divers dispositifs de sortie. Il restera à définir les complémentarités des rôles des médiateurs et des bibliothécaires, à affirmer les spécificités des uns et des autres et à valoriser la bibliothèque hors les murs.