Editorial

Anne-Marie Bertrand

Le partage du savoir est une des fonctions de la bibliothèque. Fonction d’essence des bibliothèques d’étude, fonction d’usage des bibliothèques publiques. Les bibliothèques créent un« espace public du savoir », affirme Patrick Bazin, tandis que, ici-même, Britt Marie Häggström écrit qu’elles sont « des préalables nécessaires, sinon suffisants, à la démocratisation du savoir ».

Reconnu dans le cadre du système scolaire et universitaire, ce rôle éducatif s’exerce aussi après la sortie de ce système : la bibliothèque est l’école de la deuxième chance, a-t-on pu dire. Elle est ainsi étroitement liée à ce que l’on nommait l’éducation populaire (Benigno Cacérès : « Il faut ôter de notre esprit l’idée que c’est seulement quand on est jeune que l’on peut bien apprendre. ») et qui s’est institutionnalisé progressivement pour déboucher sur l’éducation permanente, dont « l’éducation tout au long de la vie » est « la version post-moderne », dit Olivier Las Vergnas. Depuis plus de deux siècles, depuis Condorcet, est donc vivace cette idée de deuxième chance.

L’autodidaxie a été la version romantique de cet effort de formation. Elle est peut-être aujourd’hui le meilleur révélateur des difficultés propres à cet apprentissage prolongé, continu, permanent, notamment par les questions qu’elle pose sur l’accompagnement des apprenants ou sur l’accès aux ressources adaptées à leurs projets. Les bibliothèques comme lieux-ressources et les bibliothécaires comme personnes-ressources sont ainsi interpellés par cet usage spécifique : « Le livre-symbole et le savoir convoité sont quelque part parmi les milliers de livres classés dans des bibliothèques de toutes sortes », résume Christian Verrier. Livres, méthodes de langues, cédéroms, sites Internet : la difficulté de repérage augmente avec les outils disponibles et, selon un paradoxe aujourd’hui bien connu, la demande d’accompagnement croît en même temps que se multiplient les accès à l’information.

Les outils de la formation sont finalement peu de chose sans les acteurs de la formation – et l’autodidaxie elle-même est étroitement liée à des phases d’hétéroformation ou de formation mutuelle. Tutorats, échanges de savoir, formation « sur le tas », conseils de lecture, partage d’expériences sont autant d’interactions qui répondent au désir d’apprendre. À la soif d’apprendre.

« Je suis venu à la BPI comme on boit un verre d’eau », dit un habitué de la BPI. Il appartient aux bibliothèques d’être des fontaines qui proposent des verres d’eau, des bouteilles ou des barriques d’eau, mais non des océans hostiles, opaques, sans phares ni balises. Fontainier, un nouveau métier ?