Images et droit
Isabelle Masse
Nombreux sont ceux qui manipulent des images dans leur travail quotidien, et grande est leur perplexité face à des questions juridiques de plus en plus diverses et difficiles. C’est donc un point de vue pratique face à des situations complexes que l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS) avait souhaité présenter aux gestionnaires de collections et utilisateurs d’images. Au Forum des images, à Paris, s’est déroulée le 13 novembre 2001 une journée d’étude intitulée « Images et droit : droit d’auteur, droit à l’image, à l’usage des producteurs, des gestionnaires de collections et des utilisateurs d’images ». Devant une assistance particulièrement nombreuse, attentive et réactive, se sont succédé trois intervenants, professeur, avocat, juriste.
Michel Vivant, professeur à l’université de Montpellier, expert auprès des autorités nationales et européennes, rappela que le droit d’auteur naît avec la simple création d’une œuvre reconnue comme originale. Quels sont les droits d’auteur sur une image ? Le droit moral, c’est-à-dire le droit au respect du nom et de l’œuvre, et les droits patrimoniaux, au nombre de deux : le droit de reproduction (qui autorise la fixation matérielle de l’œuvre sur quelque support que ce soit), et le droit de représentation (qui autorise toute communication de l’œuvre au public : projection de films, expositions, télédiffusion, écran d’ordinateur…). Deux des exceptions prévues au droit de reproduction sont le droit de citation et la copie privée à l’usage personnel du copiste.
La gestion des images
En ce qui concerne la gestion juridique des images, Michel Vivant décompte quatre points à prendre en compte : le droit à l’image, la protection de la vie privée, l’image des biens, la liberté d’information. Propos repris et illustrés par Édith Dubreuil, vice-présidente au tribunal de grande instance de Paris (Chambre de la presse), qui, tout au long d’un exposé clair et ponctué d’exemples concrets, présenta l’utilisation et l’évolution de la jurisprudence. Comme aucun texte de loi ne reconnaît le droit à l’image, les juridictions usent d’articles plus ou moins adaptés tirés du Code civil (art. 9, 544 et 1382 1) ou du nouveau Code pénal (art. 226-1 2).
Le droit à l’image – à distinguer du droit au respect de la vie privée – est le droit que toute personne a sur son image, une image qui ne peut être reproduite sans consentement sur un support non choisi, ni republiée sans autorisation ; une image qui par conséquent peut être objet de contrôle, de vérification, de contentieux, d’envoi devant les tribunaux. Mais face au droit à l’image, existe une tolérance : la liberté d’information. Dès lors qu’une image vient illustrer de manière pertinente un fait d’actualité ou un événement historique, elle est considérée comme devant entrer dans le champ d’application de la liberté d’expression, la limite étant la notion d’atteinte à la dignité de la personne humaine. 3
Un autre droit à l’image, le droit à l’image des biens, peut être revendiqué par tout propriétaire. Ce dernier détient tous les droits attachés à ce qu’il possède, donc le droit de reproduction. Il peut s’opposer à la prise d’images de ce bien s’il y a exploitation commerciale qui lui causerait un préjudice en raison du bénéfice résultant de ladite exploitation (images, cartes postales, reproductions de photos sur des objets divers, tee-shirts, briquets…). Le droit à l’image ne peut pas s’exercer s’il s’agit par exemple d’un dessin à visée pédagogique. De même, quand il s’agit d’œuvre architecturale, il est nécessaire d’analyser la manière dont elle est appréhendée – si elle est le sujet central de l’image ou seulement un élément secondaire –, et le type d’exploitation – commerciale ou informative – en cause.
Le contrat
Concrètement, comment se prémunir ? Caroline Bironne, avocate à la Cour, recommanda fortement l’établissement d’un contrat. De la commande de photographies à la cession des droits, à sa rémunération, sa durée et son étendue, il doit être le plus précis possible. 4
En fin de journée, Michel Vivant aborda la Directive du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information 5. Ayant pour objectif d’instaurer un marché unique, elle adapte et complète le cadre juridique actuel, notamment en ce qui concerne les nouveaux produits et services proposés en ligne ou sur des supports tels que cédéroms, CD ou vidéodisques. Elle contient une longue liste d’exceptions et limitations au droit de reproduction et de représentation. Les États de l’Union européenne sont tenus de s’aligner sur cette directive d’ici le 22 décembre 2002.
Le grand nombre de questions posées par un public visiblement préoccupé a bien montré le besoin d’information des professionnels dans un domaine difficile à aborder, mais auquel il faudra de plus en plus prêter une grande attention.