La description de la musique

Isabelle Gauchet

Le rappel des principales possibilités de description de la musique offertes par les formats normalisés Unimarc et Intermarc permet de cerner rapidement leurs limites. Pour pallier les lacunes de la norme, trois organismes musicaux parisiens ont élaboré conjointement une solution originale pour décrire le contenu de leurs documents musicaux. Cette solution utilise le bloc des champs 9XX, prévu dans la norme Unimarc pour les « données locales » (besoins spécifiques de chaque bibliothèque). Depuis, de nouvelles perspectives se dessinent pour la description de la musique : une double réflexion s’est en effet engagée au sein des comités Unimarc français et italien en vue de faire évoluer le format. Un des résultats essentiels de ce travail est la proposition faite par le groupe italien de création d’une nouvelle zone de données codées pour décrire le contenu instrumental et vocal des documents musicaux.

Re-thinking the principal possibilities for the description of music offered by standardised Unimarc and Intermarc formats allows their limits to be rapidly determined. In order to compensate for the gaps in the standard, three Parisian musical institutions have worked jointly on an original solution for describing the content of their music documents. This solution uses the block of 9XX fields, anticipated in the Unimarc standard for “local data” (needs specific to each library). Now, new approaches are being tried for the description of music: a joint consideration has in effect led to a commitment within the French and Italian Unimarc committees to development of the format. One of the essential outcomes of this work is the suggestion made by the Italian group for the creation of a new zone of coded data for describing the instrumental and vocal content of music documents.

Wenn man sich die üblichsten Arten der Berschreibung von Musik in Erinnerung ruft die Unimarc und Intermarc anbieten so erkennt man sehr schnell ihre Grenzen. Um die Lücken der Norm auszufüllen haben drei Musikeinrichtungen in Paris zusammen eine originelle Lösung ausgearbeitet um den Inhalt ihrer Musikdokumente zu beschreiben. Diese Lösung benützt den Abschnitt der Zonen 9XX die die Norm Unimarc für “Lokaldaten” (spezieller Bedarf einzelner Bibliotheken) vorsieht. Seither werden neue Perspektiven für die Beschreibung von Musik sichtbar. Untersuchungen das Format weiterzuentwickeln werden an zwei Fronten durchgeführt, nämlich innerhalb der französischen und italienischen Unimarc-Komitees. Eines der wichtigsten Resultate dieser Arbeit ist der Vorschlag der italienischen Gruppe ein neues Feld für chiffrierte Daten zu schaffen die den Inhalt von Musikdokumenten (instrumental und vokal) beschreibt.

El recuerdo de las principales posibilidades de descripción de la música ofrecidas por los formatos normalizados Unimarc et Intermarc permite ubicar rápidamente sus límites. Para paliar las lagunas de la norma, tres organismos musicales parisienses han elaborado conjuntamente una solución original para describir el contenido de sus documentos musicales. Esta solución utiliza el bloque de los campos 9XX, previsto en la norma Unimarc para los “datos locales” (necesidades específicas de cada biblioteca). Desde entonces, nuevas perspectivas se diseñan para la descripción de la música: en efecto una reflexión doble se ha entablado en el seno de los comités Unimarc francés e italiano con miras a hacer evolucionar el formato. Uno de los resultados esenciales de este trabajo es la proposición hecha por el grupo italiano de creación de una nueva zona de datos codificados para describir el contenido instrumental y vocal de los documentos musicales.

Cet article n’a pas pour ambition de dresser un panorama exhaustif des différentes manières de décrire le contenu des documents musicaux dans les bibliothèques et centres de documentation, les pratiques locales pouvant varier à l’infini.

Son objet est de montrer en quoi les structures proposées par les formats normalisés à ce jour ne sont pas satisfaisantes et de présenter un exemple de solution mise en œuvre par trois organismes, qui concerne essentiellement la description instrumentale et vocale. L’analyse de leurs pratiques conduira ensuite à envisager quelques perspectives nouvelles, liées en particulier à l’évolution du format international Unimarc.

Les principaux formats normalisés

Rappelons, tout d’abord, quelles sont les principales possibilités de description de la musique offertes par deux formats normalisés utilisés couramment dans les bibliothèques et centres de documentation en France : Unimarc et Intermarc.

Le format international Unimarc propose la zone de données codées 125 pour décrire, notamment, la nature de la musique imprimée 1 ; cette information, qui concerne plutôt la forme du document, peut donner en même temps une information sur son contenu et la nature de la musique elle-même, puisque certains codes permettent d’indiquer s’il s’agit d’une partition d’orchestre, d’une partition de chant avec accompagnement réduit pour le piano, d’une partition vocale ou chorale sans accompagnement...

La zone 500 du titre uniforme possède, quant à elle, quelques sous-zones spécifiques à la description de la musique : la sous-zone $r où est indiqué le mode d’interprétation, c’est-à-dire l’instrumentation ; la tonalité est indiquée dans la sous-zone $u ; la sous-zone $w permet d’indiquer s’il s’agit d’un arrangement.

Le bloc 6XX de l’indexation matière offre de grandes libertés d’indexation pour la musique, notamment par l’utilisation de la zone 606, nom commun – vedette matière, qui doit cependant respecter un système d’indexation donné, que ce soit un thésaurus ou une liste d’autorité, Rameau (Répertoire d’autorité-matière encyclopédique et alphabétique unifié) par exemple.

La seule zone prévue spécifiquement par Unimarc pour décrire le contenu de la musique est, en fait, la zone de données codées 128, interprétations musicales et partitions : elle décrit la forme de la composition musicale et l’instrumentation et/ou la vocalisation. Elle comprend trois sous-zones : la première sous-zone (128 $a), répétable, reçoit sous la forme d’un code de deux caractères la forme de la composition, co pour concerto ou or pour oratorio par exemple. La liste comprend actuellement quelque soixante-dix codes.

Les deux autres sous-zones ($b et $c), répétables, qui servent à décrire les instruments et les voix, se construisent de la même façon et utilisent les mêmes codes, chacune étant codée sur deux caractères, suivis éventuellement de deux caractères numériques pour préciser le nombre d’instruments ou de voix : la sous-zone $b s’applique aux instruments ou voix dans un ensemble, la sous-zone $c aux instruments ou voix pour solistes. Une liste de quatre-vingt-huit codes est spécifiée pour ces deux sous-zones, répartis entre dix catégories. Une pièce pour deux guitares sera ainsi codée en $b tb02 ; un concerto pour flûte et orchestre de chambre : $b ob $c wa01.

Le nouveau format Intermarc de la BnF, s’il diffère du précédent de par les étiquettes de ses zones (144 pour le titre uniforme musical, par exemple), offre cependant des possibilités voisines, notamment si l’on considère la zone de données codées 048 : cette zone, prévue pour décrire l’effectif vocal et instrumental de l’œuvre, comprend deux sous-zones répétables, $a pour un exécutant ou un ensemble, $b pour un soliste ; elles sont de longueur fixe (4 positions), les positions 0 et 1 recevant un code à deux caractères d’instrument ou de voix, les positions 2 et 3 recevant un nombre de deux caractères. Ainsi une sonate pour violon et piano se verra codée $a sa01 $a ka01.

Les zones de données codées existantes posent divers problèmes et sont finalement peu utilisées dans la pratique. Les listes de codes sont le reflet des travaux effectués jusqu’à une période récente (début du XXe siècle) sur la tradition musicale savante. Outre leur caractère relativement sibyllin au premier abord, elles ne sont donc pas suffisamment précises et étendues, en particulier lorsqu’il s’agit de décrire des musiques autres que la musique classique occidentale (musique contemporaine, musique traditionnelle, musique extra-européenne...). Ainsi il existe un code unique pour toutes les guitares (tb), et aucun pour l’accordéon. Par ailleurs, aucune sous-zone n’est prévue pour recevoir les nombres d’instruments et de voix, qu’il s’agisse des nombres par famille ou des nombres totaux.

Une pratique actuelle : les champs 9XX

Trois organismes musicaux, le Centre de documentation de la musique contemporaine (Cdmc), la Médiathèque pédagogique de la Cité de la musique et la Médiathèque de l’Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/musique) ont souhaité convertir leur catalogue au format Unimarc à peu près au même moment. Leur objectif était bien sûr d’uniformiser les méthodes de description instrumentale des documents musicaux (partitions, enregistrements sonores, etc.), en vue de permettre l’échange de notices.

Mais il s’agissait aussi d’offrir à l’utilisateur des possibilités de recherches performantes sur l’instrumentation, avec des réponses claires, lisibles, et immédiatement compréhensibles. Les trois centres, rencontrant les mêmes difficultés pour trouver un système de description de leurs documents musicaux suffisamment précis et performant, ont constitué un groupe de travail et ont élaboré, à partir d’un logiciel documentaire au format Unimarc 2, une solution originale. La logique du système Unimarc a été prise comme point de départ ; elle consiste à détailler et structurer au maximum l’information dans des champs et sous-champs spécifiques. C’est le bloc 9XX, prévu par Unimarc pour les « données locales » et les besoins spécifiques de chaque bibliothèque, qui abrite la description de la nomenclature musicale.

Quatorze champs, de 940 à 953, ont été définis pour recevoir les voix solistes, les chœurs, les instruments solistes, les différentes familles d’instruments non solistes, d’autres informations relatives à la gestique (danseurs, acteurs...) ou à la direction. Chacun d’eux contient trois sous-champs, qui reçoivent respectivement les voix ou instruments requis, le nombre de voix/d’instruments pour le champ en question, et une note destinée à fournir si nécessaire des précisions supplémentaires. Le champ 954 a été structuré en trois sous-champs pour les effectifs totaux de voix, d’instruments non solistes et de tous les instruments. Le champ 956, conçu sur le même modèle que les champs 940 à 953, et dédié au type d’ensemble ou d’orchestre, permet une description à un niveau plus global. Pour les zones 940 à 953 et 956, la saisie des sous-champs $a est assistée grâce à des listes établies par familles d’instruments ou de voix et adaptées à chaque zone. Chaque sous-champ $a est répétable et possède une structure composite (cf. Capture d’écran

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Capture d’écran. Exemple de sous-champ $a à structure composite

)qui permet la concaténation du type d’instrument (ou voix) et de son nombre. La sélection de ces sous-champs composites donne accès à une fenêtre, sous laquelle apparaît la liste des instruments (ou voix) correspondant au champ en question, comme le montre la capture d’écran ci-jointe.

Après sélection et validation d’un terme de la liste, il suffit de préciser le nombre (la valeur 1 étant la valeur par défaut). Dans le sous-champ suivant ($t), est saisi le nombre de voix ou d’instruments de la famille décrite. Une fois toute l’instrumentation saisie, les nombres totaux de voix et d’instruments pour l’œuvre contenue dans le document catalogué sont indiqués dans le champ 954. L’assistance sur liste permet d’éviter les erreurs lors de la saisie. Ces listes, établies en commun par les trois centres afin de permettre éventuellement l’échange de notices, doivent demeurer absolument identiques et ne peuvent donc être modifiées sans l’accord de chacun d’eux. Un champ « candidat instrument » a été en outre prévu pour pouvoir saisir un instrument non encore disponible sur ces listes. Cependant, dans la pratique, il est peu utilisé, l’enrichissement coordonné des listes entre les trois organismes se faisant avec beaucoup de souplesse et de rapidité.

Le tableau ci-contre

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Tableau. Description instrumentale et vocale – Structure des champs

détaille la structure des champs utilisés pour la description instrumentale et vocale, ainsi que deux champs complémentaires définis au sein du même bloc 9XX pour les informations concernant la composition et la création de l’œuvre.

Tous les sous-champs de la description instrumentale et vocale étant indexables dans le système, divers types de recherche sont possibles, de la recherche monocritère (œuvres avec flûte par exemple) à des recherches multicritères complexes combinant les opérateurs booléens « et », « ou », « sauf ». On peut ainsi chercher les œuvres pour soprano ou haute-contre avec cinq à dix instruments ; les œuvres pour chœur de femmes et orchestre ; les œuvres pour cinq instruments sauf la harpe... avec un taux de pertinence des réponses excellent.

Les recherches sur la description instrumentale et vocale sont également possibles via l’Internet grâce à une interface 3, l’objectif des trois centres étant de trouver un compromis entre une palette de critères suffisamment large et une utilisation relativement simple pour tout utilisateur.

Évolutions possibles d’Unimarc

Des perspectives d’évolution importante dans la description de la musique sont actuellement à l’ordre du jour. Une double réflexion s’est en effet engagée au sein de deux groupes de travail respectivement français et italien : le groupe « documents sonores » mis en place par le Comité français Unimarc (cf. l’encadré de Jean-Paul Gaschignard

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Le groupe « documents sonores » du Comité français Unimarc

), et le sous-groupe Musique du comité italien Unimarc. Les comités nationaux soumettent ensuite leurs propositions au Permanent Unimarc Committee (PUC) de l’Ifla dans le but de faire évoluer le format Unimarc pour mieux répondre aux besoins.

Plusieurs des propositions italiennes concernant la description de la musique sont étudiées avec attention par le CFU (Comité français Unimarc). Parmi celles-ci, citons brièvement la création d’une zone 136 pour l’incipit musical, qui recevrait sous forme codée les premières mesures de l’œuvre musicale et, si nécessaire, les premiers mots du texte mis en musique ; la création d’une zone 621, Informations sur l’exécution, qui recevrait les informations concernant l’exécution de l’œuvre (lieu, date, ...).

La description du contenu musical est le point le plus complexe, sur lequel le groupe français porte une attention particulière. Il a fait l’objet d’une étude approfondie de la part du groupe italien Unimarc, qui a relevé lui aussi le manque de précision et les lacunes de la norme existante. Après avoir étudié avec intérêt le système des zones 9XX mis en place par le Cdmc, l’Ircam et la Cité de la musique, il a élaboré une première proposition destinée à pallier les lacunes de la zone de données codées 128 : réserver celle-ci à la description de la forme (ou du genre) de la composition avec suppression des sous-zones $b et $c ; créer une nouvelle zone de données codées pour décrire la distribution d’exécution, c’est-à-dire le contenu instrumental et vocal des documents musicaux. Le groupe français a émis un avis favorable sur le principe : il lui semblait effectivement utile de séparer ces deux types de données et de mieux les structurer pour qu’elles puissent être utilisées plus efficacement.

Le comité français avait également travaillé de son côté sur l’enrichissement des codes destinés à décrire la forme ou le genre de l’œuvre musicale en 128 $a, afin de créer des codes pour certaines formes spécifiques, et d’autres correspondant aux nouveaux types de musique. Cependant, la proposition italienne de création d’une nouvelle zone de données codées posait divers problèmes et n’était pas acceptable en l’état : un simple problème de nomenclature tout d’abord, la zone proposée initialement à la création étant la zone 129. Or, toute zone contenant un 9 est réservée à une utilisation nationale ou locale et n’est donc pas définie par le Comité Unimarc permanent.

D’autres problèmes ont également été soulignés par le groupe français : le codage des voix et des instruments sur seulement deux caractères, qui s’avère très vite insuffisant pour couvrir la diversité des termes ; l’absence de sous-zones numériques pour certaines catégories d’instruments ou pour le nombre total de voix et d’instruments. Des échanges fructueux ont eu lieu à ce sujet lors du 19e congrès de l’Association internationale des bibliothèques, archives et centres de documentation musicaux (AIBM) à Périgueux, en juillet 2001, entre membres des différents groupes 4.

Le groupe italien a, depuis, élaboré une nouvelle proposition, qu’il a récemment présentée au PUC (décembre 2001). Cette proposition apporte des évolutions importantes par rapport à la précédente. Tout d’abord, le problème de nomenclature a été réglé : la zone de données codées proposée à la création et intitulée dans la proposition originale « Medium of performance » est la zone 145. Elle est prévue pour décrire le contenu instrumental et vocal, aussi bien des partitions imprimées et manuscrites que des enregistrements audio et vidéo.

Les codes sont désormais sur trois caractères et dérivés des termes eux-mêmes, ce qui, outre l’accroissement important du nombre de combinaisons possibles, leur confère aussi une plus grande lisibilité et un caractère mnémotechnique (flu au lieu de wa par exemple pour la flûte, ou obo au lieu de wb pour le hautbois). Un système de suffixe permet en outre de donner des précisions sur les instruments et les voix (tessiture, instrument électrique ou électronique...). Des sous-zones ont été ajoutées : nombre de cordes frottées, de cordes pincées, d’instruments solistes...

En résumé, la structure finale de la zone proposée repose sur deux catégories de sous-zones. La première catégorie comporte sept caractères et concerne neuf sous-zones répétables, $a à $i. Les positions 0-1 reçoivent le nombre d’instruments ou de voix ; les positions 2-4 le type d’instrument ou de voix (codé sur trois caractères) ; les positions 5-6 permettent l’ajout éventuel d’un ou deux suffixes. Ces neuf sous-zones sont établies de la manière suivante : voix solo, instruments solo, voix chorales, instruments dans un ensemble, type de chœur, type d’ensemble, groupes instrumentaux dans un ensemble plus large, chefs, autres exécutants (mimes, danseurs, etc.) et dispositifs. Les listes de codes à utiliser sont réparties en familles de voix et d’instruments à des fins pratiques uniquement.

La seconde catégorie comporte trois caractères numériques et concerne douze sous-zones non répétables, $j à $u. Elles permettent de préciser les nombres de voix et d’instruments par famille et le nombre total d’instruments.

La zone 145 ainsi définie, permet différents niveaux de précision dans la description de la distribution d’exécution et peut donc s’adapter aux divers besoins locaux des agences de catalogage : d’un niveau global (description des ensembles instrumentaux ou vocaux) à un niveau analytique (détail des instruments et des voix). Malgré sa relative complexité, elle constitue certainement une voie à prendre en compte pour l’échange des données de description musicale.

Les pratiques dans la description de la musique semblent promises à de nombreux bouleversements, l’évolution d’Unimarc en constituant un volet important. En attendant l’avènement des métalangages (du type XML 5) qui devraient permettre de simplifier considérablement l’échange de données informatisé, l’évolution de la norme conditionnera la réussite des échanges de données à un niveau international. Il reste à souhaiter, si ces propositions sont avalisées par le Comité permanent Unimarc de l’Ifla, que les évolutions du format soient rapidement prises en compte par les fournisseurs de logiciels, de manière à proposer des systèmes permettant l’interrogation des données codées relatives à la description de la musique et leur « traduction » en clair pour l’utilisateur.

Décembre 2001