La bibliothèque de musique William et Gayle Cook de l'université de l'Indiana
La bibliothèque musicale William et Gayle Cook de l’université de l’Indiana fut créée en 1918, mais le premier bibliothécaire ne fut nommé qu’en 1939. Elle figure aujourd’hui parmi les deux ou trois plus importantes bibliothèques universitaires de musique des États-Unis. Connue pour l’immensité de ses collections, elle est complétée à l’université de l’Indiana par d’autres collections de musique spécialisées tout aussi exceptionnelles. Les bibliothécaires du département reçoivent les étudiants de l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, et proposent un enseignement de bibliothéconomie musicale et des stages. Durant les dix dernières années, la bibliothèque a été l’une des premières à recourir à la technologie du numérique pour assurer un accès à ses collections. Elle continue de l’être au travers du « Digital Music Library Project ».
This music library was established in 1918, although the first music librarian was not appointed until 1939. It is now among the two or three largest academic music libraries in the U.S. Known for the breadth and depth of its collections, it is supplemented at Indiana University by other specialized music collections also eminent among their peers. In cooperation with the University’s School of Library and Information Science, the faculty librarians admit students to, and provide instruction and internships for two programs in music librarianship. During the last decade, the library has pioneered in using digital technology to provide access to its collections, and continues to do so through its current, nationally funded Digital Music Library Project.
Die William und Gayle Cook Musikbibliothek der Universität von Indiana wurde 1918 errichtet aber ein Bibliothekar wurde erst im Jahre 1939 ernannt. Die Bibliothek zählt heute zu den zwei oder drei wichtigsten Universitätsmusikbibliotheken in den Vereinigten Staaten. Ihre bekannt umfangreichen Sammlungen werden von anderen, ebenso aussergewöhnlichen Spezialmusiksammlungen der Universität von Indiana ergänzt. Die Fakultätsbibliothekare stellen sich den Studenten der Hochschule für Bibliotheks- und Informationswesen zur Verfügung und bieten einen Musikbibliotheksstudiengang und Praktika an. In den letzten zehn Jahren war die Bibliothek eine der ersten die mittels digitaler Technologie den Zugang zu ihren Sammlungen gewährleistet hat. Sie setzt diese Arbeit über das Projekt “Digitale Musikbibliotheken” (Digital Music Library Project) fort.
La biblioteca musical William & Gayle de la universidad de Indiana fue creada en 1918, pero el primer bibliotecario sólo fue nombrado en 1939. Esta biblioteca figura hoy en día entre las dos o tres más importantes bibliotecas universitarias de música de los Estados Unidos. Conocida por la inmensidad de sus colecciones, es complementada en la universidad de Indiana por otras colecciones de música especializada que son también excepcionales. Las bibliotecas del departamento reciben a los estudiantes de la Escuela de biblioteconomía y de las ciencias de la información, y proponen una enseñanza de biblioteconomía musical y prácticas. Durante los diez últimos años, la biblioteca ha sido una de las primeras en recurrir a la tecnología numérica para asegurar un acceso a sus colecciones. Y ésta sigue siéndola a través del “Digital Music Library Project”.
« Petit à petit, l’oiseau fait son nid », dit le dicton qui, une fois de plus, se vérifie à propos de la bibliothèque de musique William et Gayle Cook. Le nid, qui commença à s’ébaucher aux alentours de 1918, abrita d’abord un Victrola, un piano mécanique équipé d’une collection de bandes perforées (l’équipement de base pour la formation de l’oreille musicale), quelques livres et autant de partitions rassemblés dans ce que Charles Diven Campbell, le premier directeur du département de musique, nommait pompeusement « salle de lecture musicale 1 ». Trois ans plus tard, le doyen Winfred Merrill transporta ces premières richesses dans son bureau où il les exposa sous vitrine en confiant à sa secrétaire le soin de s’en occuper.
Complétées au fil des ans, les collections de la bibliothèque comprennent à l’heure actuelle un total de 560 809 documents : 83 140 livres et revues ; 100 620 partitions et 222 377 parties instrumentales ; 134 640 enregistrements sonores ; 1 956 cassettes ou disques vidéo ; 17 953 microformes et 123 objets « divers » (mais aucune bande perforée pour piano mécanique). Elles sont abritées dans un immeuble de quatre étages d’une superficie d’environ cinq mille mètres carrés, où elles occupent près de dix-sept kilomètres de rayonnages 2. La bibliothèque reçut le nom qu’elle porte aujourd’hui en 1996, lors de son inauguration dans ces locaux. Elle s’est bien sûr développée parallèlement à l’École de musique, dotée d’un fonctionnement propre en 1910 et devenue centre de formation en 1921.
Les débuts
Pendant les vingt premières années de son existence, la bibliothèque ne connut pas de changement notable. En 1938, année où elle fut installée dans le nouveau bâtiment de musique (devenu depuis le Merrill Hall), elle possédait en tout et pour tout 1 500 volumes « complétés par des collections de partitions et d’enregistrements ». 3 Dans le premier rapport annuel qu’il rédigea en juin 1939, le doyen Robert L. Sanders notait cependant que la bibliothèque « n’était guère plus qu’un bon point de départ et était dirigée sans beaucoup d’efficacité ». 4
Ethel Louise Lyman
Le 1er juillet de cette année-là, Ethel Louise Lyman (1893-1974), première bibliothécaire à y être nommée à plein temps, y prit ses fonctions après avoir travaillé dix-sept ans au département de musique de Smith College, à Northampton, dans le Massachusetts.
Tandis que, pendant la seconde guerre mondiale, Sanders doublait les capacités d’accueil de la faculté de musique, E. L. Lyman multipliait par presque dix les possessions de la bibliothèque, riche de 15 000 imprimés et de 3 000 enregistrements sonores cinq ans après son arrivée. Entre 1948 et 1959, année où elle prit sa retraite, la bibliothécaire en chef multiplia à nouveau par deux le volume de ces collections, où étaient désormais conservés 35 000 livres, 80 séries de périodiques, 12 000 enregistrements sonores et plus de 137 840 partitions diverses 5.
Le travail admirable accompli par E. L. Lyman tenait sans aucun doute à sa longue expérience dans ce domaine et à la curiosité qu’elle manifestait pour d’autres collections de musique prestigieuses, entre autres la bibliothèque de musique Sibley, annexée à l’École de musique d’Eastman à l’université de Rochester, qu’elle visita en 1923.
Lors d’un congé sabbatique dont elle bénéficia en 1936, E. L. Lyman entreprit d’étudier les fonds musicaux de cinquante-trois autres bibliothèques américaines, dont celle du Congrès, et elle poursuivit cette recherche au cours de l’année qui suivit son départ du Smith College. Dans l’intervalle, en 1937, elle avait visité la Bibliothèque nationale et celle de l’Opéra, à Paris, la Hofbibliothek et la Musik-Sammlung de Vienne, le Mozarteum de Salzburg et la bibliothèque municipale de Budapest 6.
Wilfred Bain
Au cours des dix années suivantes de sa carrière, elle fut sans doute influencée et soutenue par le légendaire Wilfred Bain, doyen de l’École de musique de 1947 à 1973. De l’avis de ce dernier, toute grande école de musique devait s’appuyer sur trois grands principes, ou « piliers » : un orchestre « splendide », un « bon » département théorique, et « une bonne bibliothèque, de partitions et d’enregistrements surtout » 7.
Très conscient de l’isolement de l’université du Midwest, distante de soixante-dix kilomètres de l’agglomération la plus proche (Indianapolis) et de quelque trois cents kilomètres de la première ville importante pouvant se prévaloir de posséder un grand orchestre et une compagnie d’opéra prestigieuse (Chicago, dans l’Illinois), Bain tablait sur la quantité pour assurer la qualité. « Il faut une effrayante quantité de lait pour obtenir de la crème » 8, répétait-il volontiers en citant son aphorisme préféré.
E. L. Lyman adopta une stratégie identique et s’appliqua à constituer les collections de la bibliothèque afin de faciliter la tâche du corps enseignant et des étudiants, toujours plus nombreux, en tenant compte des programmes d’études. En 1960, le nombre des étudiants de l’École de musique avait dépassé la barre des sept cents et continuait d’augmenter à un niveau sensiblement supérieur à celui enregistré dans l’ensemble de l’université 9.
Dominique-René de Lerma
Son successeur, Dominique-René de Lerma, fut nommé en 1963 pour un mandat dont la durée coïncida avec la fin de celui de Bain. De son propre aveu, de Lerma n’avait aucune expérience dans le domaine des bibliothèques de musique 10. À cette époque, la taille des collections commençait à poser des problèmes d’espace, mais le nouveau conservateur avait d’autres intérêts, plus dirigés vers la recherche, et il occupait également un poste de professeur associé à l’École de musique. Cinq ans plus tôt, il avait soutenu sa thèse à l’université de l’Indiana sur les premières œuvres de Mozart 11, et, du moins au début, il passa apparemment plus de temps à exploiter le fonds documentaire de la bibliothèque qu’à l’enrichir.
Il s’occupa cependant d’intégrer au catalogue de la bibliothèque de nombreuses bibliographies et des aides à la recherche sur des sujets très divers. Il mit également au point un « système de classification » pour les enregistrements sonores qui continue d’être utilisé aujourd’hui et qui, à l’instar des systèmes adoptés pour le classement des collections de musique de l’université Harvard, regroupe les œuvres par compositeur plutôt qu’en fonction d’une hiérarchie thématique. L’idée directrice était que les étudiants et les chercheurs consultent plus facilement les collections organisées sur ce principe, aussi bien à des fins d’étude que pour organiser un concert ou une audition, ou simplement pour se distraire. Le fonds de musique latino-américaine fut créé à la bibliothèque en 1961, en même temps que le compositeur et musicologue américano-chilien Juan Orrego Salas (né en 1919) créait le Centre de musique latino-américaine 12.
En 1968, dans les jours qui suivirent l’assassinat de Martin Luther King, l’École de musique institua une Commission sur la musique noire, chargée d’effectuer des recherches sur les compositeurs d’origine africaine, contemporains ou passés, ayant travaillé en Europe, en Afrique et en Amérique du Sud. Le Centre de musique noire fut créé en 1971, grâce au soutien apporté par la Fondation nationale pour les lettres et les sciences humaines. De Lerma fut chargé d’en assurer la direction, conjointement à celle de la bibliothèque de musique, mais lorsqu’il quitta l’université de l’Indiana, en 1975, le Centre fut fermé. Ses collections contenaient alors environ 3 250 livres, partitions et enregistrements sonores dont hérita la bibliothèque Cook, des mémoires et des travaux qui furent confiés aux Archives de la musique et de la culture afro-américaines (fondées en 1991 sous la direction du Pr Portia K. Maultsby) 13, ainsi qu’un nombre important d’essais, de bibliographies et de musiques sur ou par des compositeurs afro-américains que de Lerma s’était chargé de rédiger, de rassembler et de publier à partir de 1971.
David E. Fenske
Nommé en 1971 au poste de directeur adjoint de la bibliothèque de musique, David E. Fenske succéda à de Lerma en 1974. Titulaire d’une thèse de musicologie soutenue en 1973 (à l’université du Wisconsin à Madison), il était également formé aux techniques de la bibliothéconomie et les trois années qu’il venait de passer en tant qu’adjoint au directeur de la bibliothèque lui permettaient de bien cerner les besoins des chercheurs de l’université de l’Indiana eu égard aux sources documentaires primaires ou secondaires.
Sous sa gouverne, la bibliothèque connut à nouveau une période de rapide expansion qui profita non seulement aux collections générales mais également à celles des microfilms et s’accompagna de la création d’un petit fonds d’éditions originales. Ses propres intérêts et son inépuisable énergie conduisirent bientôt Fenske à élargir les activités et le domaine couvert par la bibliothèque de musique, tout en s’impliquant toujours davantage dans l’École de musique. C’est à son instigation que l’École de bibliothéconomie et de sciences de l’information conçut une spécialisation en bibliothéconomie musicale à laquelle participe désormais chacun des bibliothécaires de la bibliothèque de musique, tant au niveau des inscriptions et de l’enseignement que du tutorat, et qui a d’ores et déjà formé une soixantaine de diplômés. Au cours des années 1980 et 1990, Fenske s’imposa par ailleurs comme un précurseur parmi ses pairs en développant le rôle de la technologie au service de ces différents champs d’activité.
Sans toutefois poursuivre plus avant cette présentation historique sur l’évolution d’une bibliothèque de musique qui n’a cessé de s’étoffer et de se complexifier au fil des ans, et qui est associée à l’une des écoles de musique les plus importantes des États-Unis, nous allons maintenant décrire le fonctionnement actuel de cette institution qui atteste avec dynamisme de la justesse de la vision de Fenske et de son énergie 14.
Le public actuel
Les cursus proposés par l’École de musique de l’université de l’Indiana sont beaucoup plus vastes et plus complets que ceux des autres écoles de musique américaines.
Au cours de l’année universitaire 2000-2001, elle a accueilli au total 1 500 étudiants environ, dont 53 % inscrits au niveau de la licence. Les ateliers proposés par le Bureau des programmes spéciaux et pré-universitaires – notamment ses stages d’été – attirent un nombre important de participants qui utilisent les ressources de la bibliothèque de musique Cook. Le corps enseignant compte quelque cent cinquante membres, soit un pour dix étudiants en moyenne.
Les diplômes, décernés au niveau de la licence, de la maîtrise et du doctorat, sanctionnent des formations concernant vingt-deux instruments de musique, le chant, la musique ancienne (instruments et voix), la musique d’église, la musicologie, la théorie, l’enseignement musical, la direction d’orchestre et la composition, ainsi que la direction de ballet, les techniques de prise de son, la scénographie des œuvres musicales pour le théâtre et la mise en scène théâtrale. L’école dispense des diplômes d’assistant aux arts de la scène dans les domaines de la construction des instruments à cordes, de la prise de son, des costumes, des décors, ainsi que des diplômes d’interprète-exécutant et d’artiste. Elle propose aussi des cursus en association avec d’autres départements de l’université, en ethnomusicologie, par exemple, ou en théorie musicale cognitive.
L’université a ouvert en son sein plusieurs centres (de musique électronique et par ordinateur, d’histoire de la théorie et de la littérature musicales, de musique latino-américaine), ainsi que l’EMI (Early Music Institute), spécialisé dans la musique antérieure au XIXe siècle et directement rattaché à l’École (les cours y sont assurés par les enseignants de cette dernière). Elle entretient sur une base permanente 7 ensembles vocaux, 5 orchestres, 4 fanfares, 3 ensembles de jazz et 6 ensembles de musique de chambre, tous dirigés par des enseignants en poste, auxquels s’ajoute un certain nombre d’autres placés sous la direction de maîtres assistants.
L’Opéra de l’École de musique est célèbre aux États-Unis pour ses prestations hors du commun ; il présente tous les ans six spectacles entièrement produits et montés sur place, qui sont, chacun, programmés quatre fois dans l’année pour une durée de quinze jours. Dirigés par l’un des trois répétiteurs de l’École et accompagnés par l’un de ses 5 orchestres, ils ont généralement lieu dans la grande salle du Centre des arts musicaux, qui peut accueillir jusqu’à 1 446 spectateurs.
Le budget de fonctionnement de l’université lui étant pour une partie substantielle alloué par l’État de l’Indiana, ses bibliothèques sont ouvertes à tous les citoyens de cet État. Cependant, étant donné son éloignement géographique et la nature très spécialisée des fonds de la bibliothèque de musique, celle-ci est essentiellement fréquentée, en dehors des étudiants et des enseignants, par des chercheurs ou des musiciens venus parfois de très loin.
Les collections aujourd’hui
Les fonds conservés à la bibliothèque reflètent la diversité et l’ampleur des programmes proposés à l’École de musique, en particulier en ce qui concerne la musique occidentale, et le champ ainsi couvert constitue son plus grand atout.
Si l’enveloppe budgétaire destinée à ces collections a permis de les maintenir et de les compléter au fil des ans, elles se sont également enrichies grâce à des dons ou des legs, généralement modestes, dont le plus important reste à ce jour celui des héritiers d’Ethel Louise Lyman. La politique d’acquisition de la bibliothèque n’ayant jamais été soumise à un système d’approbation de la part des autorités de tutelle, les bibliothécaires sélectionnent les titres sur les nombreuses listes disponibles, et les requêtes des utilisateurs – enseignants, chercheurs ou étudiants – sont immédiatement satisfaites.
De manière générale, les achats sont limités à la musique des compositeurs jouissant d’une certaine réputation, mais le personnel s’attache à constituer des fonds aussi complets que possible, et, lorsque les œuvres sont dans le domaine public, à rassembler la quasi-totalité des éditions publiées. Il arrive par ailleurs qu’ils se procurent un même document en plusieurs exemplaires afin de répondre à la demande ou d’anticiper sur les besoins.
Les partitions et enregistrements d’opéra
Certains secteurs sont particulièrement bien couverts, notamment les partitions et les enregistrements d’opéra (plus de 6 500 pour les premiers, près de 15 000 pour les seconds), ainsi que la littérature sur le domaine.
Dans les années 1980, la bibliothèque a reçu plusieurs dons émanant de collectionneurs avertis, notamment l’ensemble à ce jour présumé le plus complet des enregistrements du ténor Jussi Björling (quelque 3 000, au total) ; il s’agit pour la plupart d’enregistrements effectués par des personnes privées, ou commercialisés en exemplaires limités (cas surtout de ceux réalisés en Europe de l’Est pendant la « guerre froide » ou portant sur des œuvres de musique contemporaine). Grâce au patient travail effectué plusieurs années durant par un spécialiste de la musique russe du XXe siècle, la bibliothèque a systématiquement cherché à acquérir ces documents dans la mesure où ils étaient disponibles.
La musique ancienne
Ses collections de musique de chambre sont particulièrement impressionnantes, de même que les parties pour ensembles symphoniques plus importants qui constituent le fonds « Performing Ensembles ». Bien qu’il soit difficile de se faire une idée du nombre de titres rassemblés sans se reporter à la liste traditionnelle qui préside à leur rangement dans la bibliothèque, on est frappé, lorsqu’on consulte ces classifications, de constater combien le critère de la réputation des compositeurs permet des choix judicieux et très complets.
Les œuvres de musique ancienne sont particulièrement bien représentées, grâce à l’existence de l’EMI, fondé en 1979 par le musicologue et joueur de luth Thomas Binkley (1931-1995), qui avant d’intégrer l’université de l’Indiana avait exercé au Studio der Frühen Musik et à la Schola Cantorum Basiliensis.
En sus de pouvoir travailler sur les nombreuses éditions, modernes ou en fac-similé, de musique baroque qui ont vu le jour ces dernières années, les étudiants de l’EMI ont également largement recours à des publications monumentales et aux œuvres complètes de différents compositeurs (elles aussi au centre d’une politique d’acquisitions très suivie), à des microfilms de manuscrits et d’éditions originales conservés dans des bibliothèques européennes.
Les Archives de musique ancienne (désormais baptisées Thomas Binkley Early Music Recordings Archive), qui existent depuis 1989 grâce au soutien de la Fondation Andrew W. Mellon et de plusieurs maisons de disques, comprennent aujourd’hui 5 600 titres environ.
La bibliothèque Lilly
Bien que la bibliothèque de musique Cook s’enorgueillisse de posséder quelques éditions rares, l’essentiel des collections de partitions et de livrets manuscrits ou publiés avant 1 800 se trouvent à la bibliothèque Lilly 15.
Les partitions d’opéra (manuscrites ou imprimées) y sont particulièrement bien représentées, à côté d’éditions originales ou anciennes achetées au compositeur et critique musical Everett Burton Helm (1913-1999) en même temps que ses écrits. Parmi les premières éditions, figure notamment un important ensemble d’œuvres du Groupe des Six (Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre). Le volumineux fonds de partitions et de documents relatifs aux compositions de Georg Friedrich Haendel (1685-1759) comprend essentiellement des duplicata qui firent leur apparition sur le marché après le rachat, en 1963, de la bibliothèque de William C. Smith (1881-1972), bibliographe de Haendel, par le collectionneur Gerald Coke.
Il faut encore mentionner les papiers et partitions annotés par le chef d’orchestre Fritz Busch (1890-1951), à la tête de l’Opéra de Dresde de 1922 à 1933, puis directeur du festival d’opéra de Glyndebourne de 1934 à 1939 16. Avec près de 100 000 morceaux de musique de feuilles, la Starr Sheet Music Collection 17 représente un remarquable ensemble de musique populaire américaine, auquel viennent s’ajouter les quelque 20 000 cahiers de la collection Sam DeVincent 18, ainsi que les cahiers, les manuscrits, la correspondance et les souvenirs ayant trait à Hoagy Carmichael (1899-1981), chanteur-compositeur populaire natif de l’Indiana 19. Ses enregistrements sonores composent l’une des plus importantes collections ethnographiques des Archives de musique traditionnelle de l’université de l’Indiana 20.
L’accès aux collections
La plus grande partie des collections de la bibliothèque de musique Cook sont recensées dans les différents formats disponibles sur le catalogue en ligne des bibliothèques universitaires qui, outre une recherche par nom d’auteur, titre, matière et mot clef, permet une interrogation à partir d’un des noms de domaine de la classification de la Library of Congress 21.
Au cours des années 1980, Fenske fit entrer la bibliothèque Cook dans le Groupe des bibliothèques de musique, ce qui lui permit de bénéficier du financement fédéral accordé pour la conversion rétrospective de l’ensemble des titres (à l’exception d’un petit nombre de cassettes de concerts de musique ancienne donnés localement), conformément à un projet de coopération conçu pour élargir la base de données, jusqu’alors très pauvre, des fonds musicaux de l’OCLC 22.
Parallèlement, Fenske trouva des subventions pour le catalogage des collections de musique vocale enregistrée récemment acquises par la bibliothèque. Les bibliothécaires chargés de cette tâche ont systématiquement entré dans une rubrique ad hoc les documents déjà catalogués dans une des collections spéciales, de telle sorte qu’un fonds donné, la Musique noire, par exemple, figure intégralement dans le catalogue en ligne 23.
Il est fréquent que les bibliothèques achètent plus de documents qu’elles n’ont les moyens d’en cataloguer, et la bibliothèque de musique Cook ne fait pas exception à cette tendance qui va en s’affirmant. Pour pallier cette situation, le personnel des acquisitions entre tout de suite dans le catalogue en ligne les articles commandés ou les dons reçus ; les notices peuvent se présenter de trois façons différentes :
– notice brève (créée par le personnel en l’absence d’une signalisation de l’OCLC) ;
– notice détaillée (à partir de ce que le personnel juge être la « meilleure » notice de l’OCLC) ;
– notice conforme au descriptif de la Library of Congress.
À quelques exceptions près (réservations en vue de cours, autres demandes, usuels), les documents entrés selon les deux premières formules font l’objet d’un traitement minimal, mais ils peuvent être réclamés et mis en circulation dès leur arrivée dans les rayonnages ; ceux qui sont présentés selon la troisième formule passent directement au service du catalogage. Le plus gros du travail des acquisitions incombe au bibliothécaire chargé du développement des collections, aidé dans sa tâche par un assistant à mi-temps. Quant aux services techniques – qui, à l’arrivée de Fenske, comptaient en tout et pour tout une personne chargée du catalogage –, après avoir été considérablement étoffés pendant plusieurs années pour mener à bien la conversion rétrospective, ils ne comprennent plus désormais que deux bibliothécaires et deux agents techniques, assistés par des étudiants.
Un service de références bibliographiques
Son public étant avant tout composé d’étudiants et d’universitaires, la bibliothèque de musique Cook a toujours eu un service de références bibliographiques actif et efficace, assuré sur place, par téléphone, par fax et, depuis quelque temps, par courrier électronique.
Du temps de Fenske, elle fut l’une des premières à recourir à la technologie pour transformer les modalités de consultation, en s’équipant dès le début des années 1990 d’un parc de micro-ordinateurs qui permirent de mettre en place des travaux pratiques dirigés destinés à former les étudiants aux pratiques de la bibliographie des œuvres musicales 24.
À peu près à l’époque où le terme « World Wide Web » faisait son entrée dans les bibliothèques (1993-1994), Fenske avait déjà entrepris de créer la page « Worldwide Internet Music Resources » de la bibliothèque, dans l’idée de permettre aux étudiants et aux enseignants de procéder de façon plus autonome (et interactive) à leurs demandes d’information 25. Il confia en 1994 au service de références bibliographiques le soin de travailler à l’élargissement de ce projet, et deux ans plus tard, un bibliothécaire spécialiste des ressources électroniques fut engagé pour, entre autres, superviser les activités liées au World Wide Web (organisation de l’information sur la bibliothèque, élaboration de formats en ligne à des fins diverses, etc.) 26. Désormais en lien avec la page des ressources Web de la plupart des bibliothèques de musique américaines, le site « Worldwide Internet Music Resources » leur sert parfois de substitut.
Le projet Variations
Le projet le plus novateur, et le plus connu, mis en place par la bibliothèque de musique Cook en vue de l’accès électronique à ses collections a été baptisé « Variations ». Ce nom, qui reprend celui d’un style de composition musicale, fut choisi pour « décrire un système intégrant une base de données d’objets d’information musicale (textes, images, partitions, sons, ainsi qu’un catalogue) à une interface hypermédia de conception graphique » 27.
Fenske et un collaborateur d’IBM présentèrent l’idée à l’occasion d’une conférence donnée en 1990 28 ; parallèlement, Fenske entreprit avec Jon Dunn d’élaborer le prototype à l’université de l’Indiana en même temps qu’apparaissait sur le marché du matériel hi-fi très fiable, que les serveurs multimédias se multipliaient, que les systèmes de traitement hiérarchisé de l’information faisaient leur apparition et que le World Wide Web connaissait un succès foudroyant.
Bien que « Variations » ait au départ été envisagé à titre expérimental, comme un système de stockage d’enregistrements sonores destiné à devenir opérationnel en 1995, ses concepteurs imaginèrent d’emblée, ainsi que le suggère le nom choisi, d’assurer à terme un accès numérique à des textes (livrets, pochettes de disques), des images graphiques (partitions, illustrations des pochettes), et même à des fichiers vidéo. Cette entreprise coïncida avec l’agrandissement et la rénovation de la bibliothèque, travaux qui, pour la première fois depuis trente ans, permirent de rassembler des collections jusque-là dispersées dans une contiguïté à la fois verticale et horizontale. Peu après l’inauguration des nouveaux locaux, en janvier 1996, « Variations » fut mis en service à tous les niveaux d’enseignement.
À l’heure actuelle, plus de 7 000 enregistrements peuvent être consultés à partir d’un des 140 postes de travail installés dans la bibliothèque de musique Cook, à quoi s’en ajoutent deux autres dans la bibliothèque universitaire, et un autre dans une salle de classe de l’École de musique. Une soixantaine de partitions (d’opéra, essentiellement, ou de chansons tombées dans le domaine public) ont été numérisées dans le cadre d’un projet pilote et sont maintenant accessibles dans le monde entier.
Loin de simplement représenter une collection supplémentaire pour les étudiants et les enseignants, ces objets numériques forment à eux tous le noyau de départ d’une véritable bibliothèque électronique. Une fois numérisés, ils peuvent être identifiés par l’intermédiaire du catalogue en ligne et être directement consultés à partir d’un même poste de travail.
Une bibliothèque numérique de musique
Au mois de septembre 2000, au titre de la deuxième phase de son programme « Digital Libraries Initiative », la Fondation nationale des sciences a alloué à l’université une subvention de trois millions de dollars payable en quatre ans, afin de créer, avec une aide ponctuelle de la Fondation nationale des lettres et sciences humaines, une « bibliothèque numérique de musique » (DML : Digital Music Library) 29.
Étant donné les attentes de l’institution de financement, l’accent, ici, est mis sur la recherche, la conception et l’expérimentation, plutôt que sur des ajustements opérés en fonction de cours précis ou de réalisations propres à la bibliothèque. Alors que les métadonnées de « Variations » sont accessibles via le catalogue en ligne, la DML créera directement les siennes grâce à l’extraordinaire complexité du réseau d’associations tissé entre les œuvres musicales et leurs créateurs, interprètes, éditeurs, arrangeurs, ainsi que leurs différentes présentations multimédias (partitions intégrales ou de poche, livrets, parties instrumentales, arrangements, fac-similés, enregistrements, etc…).
La conception même du système est bien sûr un sérieux coup de pouce à la recherche, qui profite également de la possibilité de l’utiliser à des fins d’expérimentation et de retour de l’information, pour enseigner la musique, préciser le copyright des œuvres ou travailler en réseau avec les différents sites satellites indiqués dans la proposition.
L’équipement de la bibliothèque de musique William et Gayle Cook la place aujourd’hui très loin de ce qu’elle était en 1918, à l’époque du Victrola et du piano mécanique, mais ses priorités sont restées les mêmes : mettre à la disposition de son public les meilleures collections de musique possible, lui proposer des services et un enseignement de qualité en exploitant les atouts de la technologie multimédia de pointe et, ce faisant, le familiariser avec cette technologie de façon à stimuler aussi bien l’enseignement que l’acquisition des connaissances, l’érudition et la sensibilité musicales des chercheurs, des étudiants, des enseignants de l’École de musique de l’université de l’Indiana et d’ailleurs.
Janvier 2002