Musique et Internet
Le secteur de la musique est modifié de façon extrêmement profonde et durable par les nouvelles technologies et en particulier par le réseau Internet. Beaucoup d’aspects sont concernés : technique, économique, droit, nouvelles pratiques de consommation. Les bibliothèques musicales devront s’adapter à ce nouvel environnement.
The music sector is being changed in a fundamental and lasting way by new technologies, and in particular by the Internet. Many aspects are affected: technical, economic, legal, new behavioural patterns of consumers. Music libraries will have to adapt to this new environment.
Die neuen Technologien, und insbesondere das Internet, verändern den Musiksektor ausserordentlich tiefgreifend und langfristig. Viele Aspekte sind davon betroffen: technische, wirtschaftliche und gesetzliche sowie neue Konsumgewohnheiten. Die Musikbibliotheken werden sich an diese neuen Bedingungen anpassen müssen.
El sector de la música está modificado de manera extremadamente profunda y durable por las nuevas tecnologías y en particular por la red Internet. Muchos aspectos están concernidos: técnico, económico, derecho, nuevas prácticas de consumo. Las bibliotecas musicales deberán adaptarse a este nuevo entorno.
Lorsqu’on évoque Internet, on parle souvent de dématérialisation des supports. Il s’agit d’un abus de langage. Cette remarque est particulièrement vérifiée pour la musique. Qu’est-ce qu’Internet ? Un ensemble de réseaux interconnectés régi par le protocole TCP/ IP (Transmission Control Protocol / Internet Protocol) 1. Les informations (textes, images, vidéos, sons, etc.) circulant sur ce réseau sont numériques, c’est-à-dire exprimables sous forme d’une succession de chiffres, à charge pour un logiciel particulier de les reconvertir en informations audibles ou visibles donc sensibles.
Les sons et la musique dans cet univers possèdent un statut particulier. En effet, la fixation sur un support de l’interprétation d’une œuvre musicale est relativement récente 2. Avant cette possibilité, la musique n’était diffusée que sous forme de musique vivante et de partitions.
Le CPI (Code de la propriété intellectuelle) définit le phonogramme comme la fixation d’une séquence de sons 3. Le phonogramme n’est donc pas le support (CD, cassette, MiniDisc…) comme on le croit souvent, mais l’interprétation fixée sur un support. Ce qui circule dans les « tuyaux » du réseau Internet lors d’un téléchargement est donc un phonogramme. Chez le diffuseur et chez le récepteur (dans un réseau informatique, on dit plutôt serveur et client), le phonogramme existe bien sur un support, en général le disque dur de l’ordinateur. C’est ce qui permet de le reproduire à volonté sur de nouveaux supports (disque dur d’ordinateur, CD-R ou Compact Disc-Recordable, CD-Audio...). Ce que change Internet, ce n’est donc pas la dématérialisation des supports, mais la dématérialisation de l’échange. Le passage du phonogramme d’une machine à une autre se fait effectivement sans échange de supports. C’est la numérisation qui permet cette dématérialisation de l’échange. Elle rend également possible la reproduction parfaite de l’original (clone). Enfin, Internet multiplie les points de diffusion.
Ces possibilités modifient de façon extrêmement profonde et durable l’industrie du disque. Examinons quelques aspects : technique, économique, droit et nouveaux services. Nous proposerons ensuite quelques réflexions sur les perspectives des bibliothèques musicales dans ce nouvel environnement.
Les aspects techniques
Certaines données sont volontairement simplifiées.
Transmission
Internet est un ensemble de tuyaux. Le diamètre des tuyaux est appelé la bande passante. Cette bande passante peut être mesurée sur l’ordinateur de l’internaute (modem), sur l’ordinateur qui héberge des sites, sur les tuyaux eux-mêmes. C’est l’ensemble de ces bandes passantes qui va déterminer la vitesse de réception des fichiers sur un ordinateur. La connexion peut s’établir :
– par RTC (Réseau téléphonique commuté). C’est le téléphone classique qui est analogique ;
– par Numéris (nom commercial de RNIS – Réseau numérique à intégration de services) qui est évidemment numérique ;
– par le câble ou l’ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line). On parle alors de haut débit.
Une connexion RTC permet une vitesse maximale de transmission des données (débit) de 56 kb/s (kilo-bits par seconde). Numéris permet d’obtenir un débit de 64 kb/s. Avec le haut débit, on peut atteindre 512 kb/s. Le bit est l’unité élémentaire d’information en informatique. Il ne peut prendre que 2 valeurs : 0 ou 1. Les bits sont regroupés par groupe de 8 appelé octet. Une conversion de bits en octet donne donc :
– connexion RTC, 56 kb/s soit 7,2 ko/s (kilo-octet par seconde) . Il s’agit d’une valeur maximale jamais atteinte en pratique, la moyenne est 4 ko/s ;
– connexion Numéris, 64 kb/s soit 8 ko/s. C’est une valeur réellement atteinte ;
– connexion haut débit, 512 kb/s soit 64 ko/s. Il s’agit d’une valeur maximale.
Le problème du son sur Internet est simple : comment écouter de la musique de qualité CD-Audio dont la norme définit un débit de 172 ko/s 4 dans des tuyaux qui ont des diamètres de 4, 8 ou 64 ko/s ? C’est évidemment impossible. Dès lors, deux possibilités sont utilisées pour diffuser de la musique sur Internet : le « streaming » et le téléchargement. Un CD-Audio a une capacité de stockage de 650 Mo (1 Mo, méga-octet = 1 024 ko). Une minute de son stéréo équivaut environ à 10 Mo.
Lors de l’écoute d’un CD, l’intégralité des données ne parvient pas à l’auditeur en une seule fois. Elles sont transmises, petit à petit, pendant l’écoute à la vitesse de 172 ko/s. Cette temporalité est une des caractéristiques de la musique. En fait, l’écoute d’un CD est du streaming ; l’auditeur prend connaissance des données (le son) au fur et à mesure de leur écoulement (la lecture) entre le lecteur CD et l’amplificateur, puis les enceintes.
Dans le téléchargement, l’internaute n’écoute pas les données pendant le transfert. La vitesse de transmission n’a donc plus d’importance (hormis le temps passé au téléchargement). Une fois toutes les données téléchargées sur le disque dur, l’internaute peut les écouter car les limitations liées au réseau n’existent pas sur son ordinateur. Il serait parfaitement possible, de cette manière, de télécharger sur Internet l’intégralité du contenu d’un CD avec la même qualité de son, mais le temps de transfert serait prohibitif. À titre d’exemple, il faudrait plus de 3 h pour télécharger un morceau de 5 min avec une connexion RTC.
Dans les deux cas (streaming et téléchargement), il est donc nécessaire d’effectuer une compression des données pour les diffuser sur Internet. Compression des données signifie réduction de la taille des fichiers. Cette compression s’accompagne toujours d’une perte d’une partie des données et donc d’une baisse de la qualité du son. Le problème est de trouver un compromis entre le moyen de diffusion, la qualité du son et la taille du fichier.
Streaming
Real Audio 5 et WMA (Windows Media Audio) 6 sont deux des solutions permettant de diffuser du son en streaming sur Internet. Elles sont devenues des standards de fait. Les logiciels permettant de convertir du son CD dans ces formats s’appellent des encodeurs. Ils permettent de choisir, entre autres, le débit de la diffusion. Un débit de 16 kb/s soit 2 ko/s permettra l’écoute au fur et à mesure de sa diffusion sur une connexion RTC, puisque celle-ci autorise 4 ko/s. Le taux de compression est alors de 172/2 = 86. Cela signifie que les données compressées prennent 86 fois moins de place que celles non compressées. Elles sont donc transmises 86 fois plus vite. C’est énorme. La qualité du son s’en ressent. Pour écouter ces fichiers compressés, un logiciel appelé « player » (lecteur) est nécessaire. Une véritable guerre économique se déroule autour et entre ces solutions qui sont en général incompatibles.
Téléchargement
Deux solutions dominent le marché : mp3 7 et WMA. Elles utilisent également une compression. Le débit du format mp3 est en général 128 kb/s soit 16 ko/s. C’est le double de ce que permet Numéris. Il est donc impossible d’écouter en streaming du son mp3 en RTC et Numéris, mais c’est théoriquement possible en ADSL et sur le câble. Le taux de compression est alors de 172/16 = 10,75. Avec cette compression, un morceau de 5 min serait téléchargé en environ 20 min avec une liaison RTC. Le fichier ainsi téléchargé peut être reconverti pour être gravé sur un CD et être écouté sur n’importe quelle chaîne hi-fi. Il peut également être gravé sur un CD-R au format mp3. Il est alors possible d’avoir 10 heures d’écoute sur le même CD-R. Quelques platines CD récentes permettent la lecture des CD-Audio et des CD-R mp3. Ces formats sont un bon compromis entre la taille des fichiers et la qualité. Le mp3 a connu un grand succès car il n’est pas lié à une solution propriétaire comme celle de Microsoft.
Il existe des dizaines de players mp3 disponibles gratuitement sur Internet. Le plus connu est WinAmp 8. Le succès du mp3 a conduit à l’émergence d’un nouveau type de matériel, les baladeurs mp3 ; équivalent du baladeur cassette, mais avec une carte mémoire amovible qui stocke des fichiers mp3. Le premier a été le Rio 300.
Le mp3 a été utilisé dans de nombreux sites 9 qui ne respectaient pas les droits d’auteurs d’où son image sulfureuse. Ce n’est pourtant qu’un format technique. Récemment, Thomson a lancé un nouveau format MP3 Pro 10 destiné à contrer le mp3. Orbis 11 est également une nouvelle solution en « open source », c’est-à-dire entièrement libre de droits. On retrouve entre ces solutions la même bataille que pour le streaming 12.
Les services
Rappelons quelques caractéristiques d’Internet. C’est un réseau mondial, accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, de n’importe quel point du globe par toute personne possédant une connexion. Un réseau informatique partage des ressources. Par exemple, un réseau de dix ordinateurs dans des bureaux peut partager une seule imprimante. C’est ce qui passe sur Internet, les informations et les fichiers publiés sur un site web sont à la disposition du monde entier. C’est une des raisons de la puissance de cet outil.
Quels sont les services liés à la musique auxquels l’internaute peut avoir accès ? Le téléchargement peut être payant, gratuit ou limité dans le temps. Dans ce dernier cas, le fichier téléchargé contient des informations cachées (watermarking) qui vont rendre ce fichier inexploitable après un délai déterminé par le diffuseur. Cette possibilité est souvent utilisée dans le cadre d’opérations de promotion.
Universal Music France vient de lancer son site de téléchargement payant 13. L’internaute peut ainsi créer ses compilations personnalisées soit sur un baladeur mp3, soit gravées sur CD-R. Le faible coût de la mise en œuvre du téléchargement devrait permettre à terme d’acquérir des phonogrammes qui ne sont plus disponibles dans le commerce physique (fonds de catalogue).
L’écoute streaming « à la demande » est très présente sur Internet. « À la demande » signifie que c’est l’internaute qui déclenche, par son action volontaire (cliquer sur un bouton par exemple), la diffusion du fichier. Elle se différencie de l’écoute d’une radio qui propose un flux continu où la diffusion est prise « en cours ». Cette distinction est importante pour les droits. L’écoute peut être gratuite ou payante, sous forme d’extraits ou intégrale.
Napster 14, depuis ses démêlés avec les majors et son accord avec BMG, s’oriente vers une écoute d’œuvres intégrales par paiement d’un abonnement mensuel. D’autres services sont plus originaux. MyMp3.com proposait aux internautes de stocker sur son site une copie de leurs CD au format mp3 afin qu’ils puissent les réécouter à partir de n’importe quel ordinateur connecté. Il s’agit donc d’un juke-box ou d’une discothèque virtuelle. Ce service a connu des problèmes de droits, car il était difficile de démontrer que les internautes étaient bien propriétaires d’un CD. Amazon 15 propose depuis peu le même service pour tous les CD achetés sur son site. Ticketdisk 16 vend des tickets au format carte bancaire qui sont, en fait, des droits d’écoute d’œuvres stockées sur Internet. Le ticket s’achète dans un magasin physique (réseau Madison/Nuggets).
Beaucoup de radios émettent sur Internet, il ne s’agit alors pas d’écoute « à la demande ». Si les émissions sont diffusées uniquement sur Internet, on parle de webcasting. Si elles sont diffusées simultanément sur un récepteur radio et Internet, on parle de simulcasting. Un grand nombre d’émissions sont conservées en archives et donc consultables après leur diffusion en direct. Certaines radios sur Internet sont simulées, l’émission se déclenche « à la demande » de l’internaute, cela signifie que tous les internautes sur ce site n’entendent pas la même chose au même moment. Il ne s’agit pas d’une émission en direct, mais d’une liste de fichiers (play-list) enchaînés de façon ordonnée ou aléatoire incluant parfois des jingles.
Quelques sites utilisent les potentialités interactives du réseau Internet. Res Rocket 17 offre à ses membres la possibilité de jouer entre eux en direct ou en différé même s’ils sont séparés par des milliers de kilomètres. Les informations sont au format Midi (Musical Interface for Digital Instrument), ou au format mp3. Silophone 18 permet de diffuser un son stocké sur votre ordinateur dans un silo à céréales désaffecté au Canada et d’écouter le résultat avec la réverbération du lieu.
Certains artistes offrent à l’acheteur de leur CD des services supplémentaires sur Internet : morceaux inédits à télécharger, textes, vidéos, etc. (Daft Punk 19, MC Solaar 20, Gorillaz 21).
La musique ne se limite pas sur Internet à ce qui est écoutable. De nombreux sites proposent des informations écrites ou visuelles, que ce soit sous forme d’actualités ou d’archives. Tous les services précédents sont souvent associés dans un site.
Droits
Lorsqu’on parle de droits à propos d’Internet et de musique, c’est le piratage qui vient en premier à l’esprit c’est-à-dire l’aspect propriété intellectuelle. Il n’est sans doute pas inutile de répéter qu’Internet n’est pas un espace de non-droit. De nombreux textes régissent la propriété intellectuelle : au niveau français, le Code de la propriété intellectuelle (CPI) 22, au niveau européen, la directive adoptée en 2001 23, au niveau mondial, les traités de l’OMPI 24 (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle). Ces textes s’appliquent également à Internet.
Pour résumer, toute exploitation d’une œuvre ou d’un phonogramme doit faire l’objet d’une autorisation auprès des ayants droit (auteurs, artistes-interprètes, producteurs). Il existe des exceptions dont celle de la copie privée : sont autorisées les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective 25. Il existe déjà une jurisprudence 26. Un phonogramme publié sur Internet est clairement destiné à une utilisation collective (Ordonnance de référé, TGI Paris, 14 août 1996). Le suivi (reporting) des œuvres et phonogrammes est essentiel pour percevoir et répartir les droits. Intertrust 27 s’est spécialisée dans la sécurisation et la gestion des droits (DRM – Digital Rights Management) sur Internet.
Pour faciliter l’identification des œuvres au niveau mondial, l’ISO (International Standard Organisation 28) a créé en octobre 2001 l’ISWC (International Standard Musical Works Code – ISO 15707) 29. Pour les phonogrammes, il existait déjà l’ISRC (International Standard Recording Code). Si la sécurisation des droits est légitime, trop de sécurité empêche la diffusion de la musique. L’accès au Daft Club de Daft Punk (cf. supra) nécessite le téléchargement de deux logiciels et toutes les opérations sur les phonogrammes téléchargés sont mémorisées et envoyées à Intertrust. Nous ne sommes pas loin de « Big Brother ».
Le piratage ne concerne pas qu’Internet ; 90 % des disques vendus en Chine sont piratés 30. Des technologies sont mises en place pour limiter ces problèmes sur Internet et hors Internet. Windows Media player impose le téléchargement d’une licence avant le téléchargement du titre. BMG a utilisé la technologie de la société Midbar Tech 31 pour protéger contre la copie le dernier CD de Natalie Imbruglia, White Lilies Island, paru en novembre 2001 32. Ce type de CD est lisible sur lecteur CD audio et seule la partie mp3 est lisible sur un ordinateur.
Mais le droit ne concerne pas seulement la propriété intellectuelle. Quelques exemples :
– un producteur américain signe un contrat exclusif de distribution avec un distributeur français, le producteur met en vente les CD sur son site web, il est en concurrence avec son distributeur ;
– un contrat d’artiste signé actuellement doit absolument intégrer l’exploitation sur Internet, mais qui doit gérer le nom de domaine de l’artiste ?
– en créant une filiale à l’étranger, une société française peut payer moins de droits d’auteurs sur les téléchargements de son site qu’en France. Sans accord mondial, les sociétés d’auteurs nationales pourraient entrer en concurrence.
Économie
Les cinq majors (BMG, EMI, Sony, Universal, Warner) représentent 80 % du marché mondial du disque, soit un chiffre d’affaires de 36,9 milliards de dollars en 2000 33. Que pèsera le marché de la musique sur Internet ? Quelle sera la ventilation entre la vente par correspondance (VPC) classique en ligne et le téléchargement ? Selon une étude de Jupiter 34, la part d’Internet sur le marché total de la musique devrait atteindre 12 % en Europe d’ici à 2005, et 25 % aux États-Unis. Ces chiffres sont à prendre avec une extrême prudence. Les dernières années ont démontré l’optimisme systématique de ce type d’étude. Les ventes physiques diminueront-elles d’autant ? Sans doute pas. Il est constant que l’augmentation du nombre de canaux de diffusion fait croître la consommation.
Les nouvelles technologies en général et Internet en particulier pèsent fortement sur les stratégies des majors. Ainsi en 1998, Polygram et Universal, toutes deux alors propriété du Canadien Seagram, ont fusionné pour créer UMG (Universal Music Group). L’année 2000 aura été une année charnière : vente de UMG à Vivendi, fusion entre AOL et Time Warner, tentative de fusion entre AOL-Time Warner et EMI, accord de licence entre BMG et Napster. La stratégie est simple et consiste à contrôler les tuyaux (opérateurs de télécommunications) et les contenus (groupes de communication, maisons de disques). Dans cette recomposition, les majors sont tentés par une intégration verticale : de la production à la vente directe au consommateur par tous les canaux qu’elles contrôlent – sites web, téléphone mobile 35, câble, etc. « Nos fournisseurs sont en train de devenir nos concurrents », résume Jean-Noël Reinhardt, président du directoire de Virgin Store et patron du Syndicat des détaillants spécialistes du disque.
Les indépendants ont été les premiers à investir Internet espérant contourner le filtre de la distribution physique. En France, 42,9 % des disques vendus l’ont été dans la grande distribution 36. En moyenne, une grande surface possède 5 000 références contre 100 000 dans une grande Fnac. Internet permet aux indépendants et aux artistes auto-produits de diffuser leurs phonogrammes dans le monde entier. Mais ils sont maintenant confrontés à un problème d’exposition. Comment faire savoir que j’existe parmi des millions de sites ? Les sites fédérateurs sont une partie de la réponse.
Les majors étaient préoccupés par la sécurisation des droits. C’est ce qui explique leur retard à investir Internet. En 2001, deux plates-formes technologiques sont annoncées par les majors : Pressplay (Universal et Sony) et MusicNet (AOL Time Warner, BMG et EMI). Les majors autoriseront-ils la vente de leur catalogue hors de leurs solutions propriétaires ? Ce n’est pas sûr et c’est un vrai danger. Certains indépendants luttent pour éviter cette situation de monopole. Peter Gabriel est à l’origine du projet OD2 (On Demand Distribution 37) qui se présente comme une plate-forme alternative à celles des majors.
Si la musique est classée dans les produits culturels comme les livres, sa consommation sur Internet l’en éloigne de plus en plus pour la rapprocher de celle de la radio ou de la télévision. Ce sont d’ailleurs les mêmes technologies qui sont mises en œuvre.
Perspectives pour les bibliothèques musicales
Le prêt physique et la banalisation des graveurs de CD-R facilitent le piratage. Pour réduire ce risque, des tests sont en cours pour valider des solutions de protection contre la copie 38 sur CD-Audio, DVD-Audio (Digital Versatile Disc) et SACD (Super Audio CD) 39. Les producteurs pourraient également être tentés de faire rémunérer le prêt 40. Pour autant, il est peu probable que le prêt physique disparaisse. Le support physique possède d’autres atouts que les phonogrammes : pochette, photos, textes, etc…
Objectivement, les bibliothèques musicales sont déjà en concurrence avec Internet en particulier sur leur mission de diffusion. L’internaute a ou aura accès sur Internet à un nombre d’informations supérieur à ce qu’il peut obtenir dans UNE bibliothèque. Alors que l’accès à l’information est une conquête démocratique, nous arrivons à un trop plein d’informations. « Je cherche une voie dans cet océan d’informations » dit Peter Gabriel 41. De plus, l’information n’est pas hiérarchisée car distribuée en réseau, tous les nœuds du réseau sont au même niveau physiquement. Une recherche sur un mot-clef peut aussi bien amener sur les pages d’une université ou sur une page personnelle. Comment trouver l’information ? Comment hiérarchiser et valider l’information ? Voilà des questions auxquelles les bibliothèques devront répondre pour conseiller leur public.
À partir des éléments de cet article, voici une proposition de modélisation en 3 cercles concentriques :
– 1er cercle intérieur : la bibliothèque physique, missions et prêt traditionnels, public traditionnel de proximité ;
– 2e cercle intermédiaire : numérisation des ressources de la bibliothèque, possibilité de mutualisation des ressources des bibliothèques sous forme d’extranet 42. Possibilité de services sur l’extranet pour un public de proximité. Lieu de consultation : la bibliothèque ou chez l’usager ;
– 3e cercle extérieur : accès au réseau Internet et toutes ses ressources. Conseil à la recherche d’informations, hiérarchisation de l’information pour un public de proximité. Mise à disposition des ressources pour un public distant. Possibilité d’abonnement en ligne.
Il est difficile de prévoir ce que sera l’avenir, ce sont rarement les solutions technologiques qui imposent leurs contraintes. Le réseau Internet étant mondial, les acteurs sont nombreux et leurs intérêts divergents. Une appropriation de cet outil est indispensable pour pouvoir s’adapter rapidement aux nouvelles formes que vont prendre les missions des bibliothèques musicales.
Décembre 2001