Bibliothèques et bibliothécaires
Faire la différence à l'ère de la connaissance
Sarah Toulouse
Avec plus de 5 500 participants et plus de 250 interventions, communications, ateliers, visites et sessions en tous genres, le 67e congrès de l’IFLA, qui s’est déroulé du 16 au 25 août 2001, à Boston, au pays de Melvil Dewey, a été un succès. Comme l’a d’ailleurs rappelé sa présidente, Christine Deschamps, dans son rapport annuel, l’IFLA se porte bien (1 775 membres de plus de 150 pays et un nombre de participants aux congrès de plus en plus important). Elle a cependant attiré l’attention sur les difficultés que connaissent les activités fondamentales 1 de l’IFLA, dont pour des raisons financières, le fonctionnement est aujourd’hui remis en question 2.
Omniprésence du numérique et d’Internet
L’un des aspects frappants de ce 67e congrès était sans nul doute l’omniprésence du numérique et d’Internet dans le programme – même la section « Préservation et conservation » s’est intéressée aux métadonnées et à la numérisation.
Quel est le rôle du bibliothécaire à l’heure d’Internet ? L’intervention de Diane Kresh, de la Library of Congress, qui présentait le Collaborative Digital Reference Service 3, a bien démontré que ce rôle est en cours d’évolution : ce nouveau service, se fondant sur la constatation qu’aucun moteur de recherche ne couvre la totalité d’Internet, se propose de fournir à l’utilisateur des références accessibles, sélectionnées par un réseau de bibliothèques, donc chaque membre doit indiquer quels sont ses domaines d’excellence, et s’engager à répondre dans les 24 heures aux questions qui lui sont posées. Il peut cependant en limiter le nombre : la plupart des bibliothèques n’acceptent pas plus de 10 questions par semaine. La réponse doit comporter tout le processus de recherche, les pistes vérifiées, etc., mais elle n’indique que les références des documents : il ne s’agit pas de fourniture de documents, mais bien d’aide à la recherche. À l’heure actuelle, ce service n’est accessible qu’à des bibliothèques (la participation au réseau est gratuite), et non à l’utilisateur final, et il se heurte de plus en plus au problème des bases de données payantes.
Dans le même ordre d’idée, il faut signaler la création d’une nouvelle section au sein de l’IFLA, consacrée aux services de références, qui se propose d’explorer le rôle changeant des bibliothécaires dans un environnement électronique 4.
La bibliothèque publique de Richmond, Canada
Dans un tout autre domaine, celui des bibliothèques publiques, la présentation de la nouvelle annexe – Ironwood Branch – de la bibliothèque publique de Richmond, au Canada, fut des plus intéressantes. Ce bâtiment de 1 200 m2, conçu comme une librairie, propose 65 000 documents et réalise 750 000 prêts par an. Les techniques du marketing ont été employées pour répondre aux besoins et aux envies du public. Avec le développement des chaînes de librairies en Amérique du Nord, des librairies virtuelles, le public réclame des services plus étendus. La plupart des lecteurs sont d’ailleurs plus des « butineurs » que des « utilisateurs de catalogues » : la bibliothèque de Richmond est ouverte 7 jours sur 7, 74 heures par semaine (avec 34 équivalents temps plein), et offre des services en ligne accessibles 24 heures sur 24. Le public réclame une ambiance agréable : pourquoi ne pas autoriser la nourriture et la boisson, proposer du café, des espaces pour la discussion et d’autres pour le silence... ? Pour faire vivre la bibliothèque sont organisées des « heures du conte » quotidiennes, des rencontres avec des auteurs, des expositions, des animations... Plus de 50 % de sa surface sont orientés vers les nouvelles technologies, notamment une salle de formation équipée de 20 postes, des programmes de formation variés pour tous les âges, le prêt de livres électroniques...
D’une manière plus générale, les nouvelles technologies ont été utilisées au maximum, afin d’améliorer les services et d’encourager l’autonomie des usagers, qui réalisent eux-mêmes la majorité des prêts, via des automates. Rendu possible par l’utilisation de la RFID (Radio Frequency Identification), le succès de cette opération n’est pas le fruit du hasard : le personnel a progressivement formé le public, les emplacements et le design des appareils ont été bien étudiés, la signalétique adaptée (avec l’emploi de la formule « prêt rapide » plutôt que « prêt automatisé »), et les ouvrages réservés placés en accès direct sur des rayonnages proches des automates 5. Le personnel est donc plus disponible pour donner des informations et accompagner l’usager à l’intérieur du bâtiment 6.
Certes, d’autres aspects des techniques de marketing sont plus sujets à discussion, comme par exemple l’achat systématique des best-sellers en 30 exemplaires, ou la mise en avant des ouvrages dont on parle dans la presse ou à la télévision. Cependant cette bibliothèque, où les besoins mais aussi les envies des usagers ont été pris en compte, et le succès qu’elle remporte, amènent à réfléchir 7.
Il est impossible de rendre compte en détail d’un tel congrès 8, qui a aussi été l’occasion de faire le point sur les avancées technologiques : on l’a vu dans le cas de la bibliothèque de Richmond, avec la présentation de la RFID. Autre technologie de pointe dont la mise en œuvre débute, le « sans fil ». Certaines bibliothèques d’Harvard, qui figuraient dans le programme des visites, ont tenté cette expérience qui semble concluante : des émetteurs placés dans chaque salle permettent de se connecter, de n’importe quel point, au réseau et au système d’information sur des postes fixes ou sur des ordinateurs portables, à une vitesse satisfaisante. Les prochains congrès reviendront sûrement sur cette nouvelle technologie.
Pour terminer, on peut évoquer la publication du rapport IFLA/FAIFE sur les bibliothèques et la liberté d’expression, présenté lors du congrès, et rappeler ainsi l’importance de cette question, même à l’heure d’Internet.