Editorial
Anne-Marie Bertrand
Les mesures adoptées par le Conseil des ministres le 10 octobre 2001 pour le règlement de la question du droit de prêt montrent, s’il en était encore besoin, à quel point les bibliothèques sont partie prenante de la chaîne de l’économie du livre. Chaîne, partenariats, coopération, réseau(x), intercommunalité, pôles associés, bibliothèques associées : voilà quelques-uns des maîtres-mots d’aujourd’hui.
Pourtant, ce n’est pas exactement ce dossier que nous rouvrons aujourd’hui. Ici, il s’agirait plutôt d’un regard oblique – et parfois perplexe – sur les frontières des territoires des bibliothèques, frontières où s’organisent (explicitement ou non) de nouvelles alliances ou concurrences. Ce regard comporte forcément une interrogation sur la spécificité des bibliothèques, les limites de leurs compétences, de leurs champs d’action ou de leur légitimité. Où sont, par exemple, les frontières, les limites, entre la spécificité technique (des standards, des normes, des formats d’échange) et la fermeture (l’autarcie, l’enfermement, le ghetto) ? Entre le respect du droit des auteurs (et des producteurs) et l’exercice du libre accès à l’information ?
La spécificité des bibliothèques peut être réelle par rapport à leur environnement, par rapport aux autres institutions documentaires ou culturelles, aux outils utilisés, aux formations dispensées, aux actions menées, aux savoir-faire possédés, aux objectifs poursuivis, aux cultures professionnelles transmises… Ou, au contraire, cette spécificité peut se révéler ténue, absente ou effacée, au risque – disent certains des auteurs – de la banalisation.
Plus qu’au partage des territoires, des ressources et des compétences, ce dossier s’intéresse peut-être à ce qui contribue à faire l’identité des bibliothèques. Cette interrogation, on le sait, dépasse largement le champ de force du dialogue imprimé/électronique à quoi on voudrait trop souvent réduire les enjeux de l’évolution actuelle.
Et ce qui fait l’identité du BBF ? Deux nouvelles alliances font aujourd’hui leur apparition. Alliance (et non concurrence) entre la version papier et la version électronique, enrichie de nouvelles rubriques : après quelques semaines de test et de rodage, la gazette électronique est désormais disponible, avec des rubriques sur les ressources en ligne, des textes officiels et des débats électroniques. Alliance entre les lecteurs et la revue pour ouvrir un débat autour d’un article (ici, celui de Claude Poissenot, publié dans le n° 5 de 2001), d’un thème, d’un projet, d’un dossier… Alliance, enfin, entre tradition et modernité : la tradition d’une revue comme espace public de débat, la modernité des outils mis en œuvre.