Document numérique

L'archivage

par Jean-Pascal Foucher
sous la direction de Jean-Michel Jolion. – Document numérique, vol. 4, n° 3-4/2000. -Paris : Hermès Science Publications. – 187 p. ; 24 cm. -ISBN 2-7462-0282-4 / ISSN 1279-5127 : 295,18 F – 45 euros

Le dernier numéro de la revue Document numérique propose un recueil d’articles consacrés à l’archivage à long terme des données numériques.

Formats de données, des supports et chaîne d’archivage

Si Frédérique Gaudin présente les différentes normes en usage ou en cours d’élaboration dans le domaine des formats de fichiers, en particulier XML et XTM (XML Topic Maps), Michel Thomas, quant à lui, brosse l’état des travaux en cours au niveau national (AFNOR) et international (ISO) dans le domaine de l’archivage des documents électroniques. Le comité TC 171 « Applications imagerie documentaire », dont l’objet est la normalisation des techniques applicables à la gestion des documents et des images sur microformes et autres supports optiques, a notamment vu son champ d’activité étendu à la normalisation de la gestion de l’information sur la durée (information life-cycle management). Au niveau national, le CG 171 de l’AFNOR a élaboré la norme NF 42-013 (Archivage électronique – Recommandations relatives à la conception et à l’exploitation de systèmes informatiques en vue d’assurer la conservation et l’intégrité des documents stockés dans ces systèmes).

La contribution de Claude Huc, consacrée au modèle de référence pour les systèmes ouverts d’archivage (OAIS), nous fait entrer dans l’analyse détaillée de la problématique de l’archivage à long terme des informations numériques, qui nécessite un élargissement des concepts de l’archivistique traditionnelle. Cette entreprise d’abstraction permet d’identifier un modèle d’information, qui se décompose en un objet de données et des informations de représentation, dont l’association constitue de l’information contenue, et un modèle fonctionnel, qui intègre les données relatives aux acteurs de l’archive (producteur, gestionnaire, consommateur) et aux fonctions archivistiques. La modélisation de la chaîne d’archivage a permis l’émergence d’une norme (en cours de rédaction à l’ISO) et donné lieu à la création au sein de l’association Aristote d’un groupe de travail « Pérennisation des informations numériques » qui réunit des communautés autrefois cloisonnées.

De leur côté, Stéphane Bortzmeyer et Olivier Perret apportent une expérience technique d’informaticiens à la problématique de la conservation de versions successives d’un document. Après avoir analysé les besoins de « versionnage », ils livrent une présentation critique des résultats obtenus par l’outil CVS (Concurrent Version System).

Conséquences organisationnelles

Louise Gagnon-Arguin livre une réflexion plus générale sur l’archivage de la production documentaire des organisations, que l’on peut décomposer en documents de gestion, documents de fonction et documents de référence. Le développement du numérique rend plus fugaces les informations contextuelles de la production du document, pourtant nécessaires à sa compréhension sur la durée. Chaque catégorie de documents doit donc obéir à des règles de gestion spécifiques élaborées dès la production. Dans ce contexte, l’évaluation de l’information à la source s’avère indispensable, ce qui conduit l’archiviste à se repositionner dans la chaîne archivistique.

Pour sa part, Terry Eastwood développe cette problématique à travers la présentation du travail de l’« Appraisal task force », créée au sein du projet interPARES. Ce groupe de travail s’est fixé pour buts de déterminer si l’évaluation des documents électroniques pour une conservation à long terme repose sur des critères théoriques différents de ceux utilisés pour les archives traditionnelles, et en quoi les technologies numériques affectent la méthodologie du tri. L’approche diplomatique traditionnelle (notamment la critique d’authenticité) reste opératoire pour déterminer les informations à conserver.

Au-delà du positionnement de l’archiviste, c’est son métier même, dans son ambition généraliste, qui est affecté par le développement des technologies numériques. Considérant les contraintes économiques contradictoires des producteurs et des utilisateurs d’archives et la mobilité des archives numériques, Michel Chabin développe le concept de dépôt numérique, dont la spécialisation romprait avec la logique territoriale et généraliste qui a présidé à la structuration du réseau archivistique français.

Retours d’expériences

L’ouvrage se termine par quatre comptes rendus d’expériences.

Présenté par les informaticiens David Jouve, Bertrand Chabbat, Youssef Amghar et Jean-Marie Pinon, l’archivage des textes réglementaires encadrant l’activité de la Caisse nationale des allocations familiales propose une solution pour la gestion d’informations complexes. Dominique Cotte, universitaire, rapporte l’expérience menée par les entreprises de presse dans le domaine de la numérisation. On relèvera que le travail documentaire est désormais effectué à la production du document et que ces données sont immédiatement partagées par les différentes entreprises associées, qui réalisent ainsi une économie d’échelle substantielle.

Pascal Rivière rend compte du processus de réhabilitation des archives scientifiques et techniques d’une entreprise comme le CNES (Centre national d’études spatiales), dans une démarche de constitution d’une mémoire d’entreprise, entre knowledge management et mémoire historique.

Enfin, la mise en place d’une GED (gestion électronique de documents) pour les archives des Restos du cœur, présentée par Hermine Diebolt, illustre l’intérêt de solutions numériques d’archivage pour le partage de l’information et la conservation à long terme d’archives à valeur historique dans des structures où les contraintes humaines et financières sont très fortes.

Ce recueil de contributions a priori disparates ne propose pas à l’archiviste de solutions toutes faites. Il illustre en réalité, dans un langage parfois très technique, parfois très libre, la diversité des métiers concernés par l’archivage des documents numériques, la diversité des besoins et des réponses et l’intérêt des démarches transversales et unificatrices pour la recherche de solutions intellectuelles et techniques.