Les moyens des bibliothèques françaises, 1990-2000

Un bilan nuancé

Dominique Arot

Lorsque l’on examine les moyens des bibliothèques françaises durant la dernière décennie du XXe siècle, un bilan nuancé s’impose. Certes, plus de 17 milliards de francs d’investissement en dix ans et des moyens de fonctionnement annuels supérieurs à 7 milliards de francs ne peuvent être considérés comme négligeables dans une période marquée par le souci de réduire fortement les dépenses publiques. Mais, dans un contexte de bouleversements technologiques et de montée des coûts documentaires, il reste encore beaucoup à faire pour répondre aux besoins des différents publics et pour rejoindre le niveau de performance d’autres réseaux européens. Pour répondre à ces impératifs, les bibliothèques doivent faire l’objet d’un véritable engagement politique des pouvoirs publics.

When the resources of French libraries during the last decade of the 20th century are examined, a qualified statement is called for. Obviously investment of more than 17 billion francs in ten years and annual running funds of more than 7 billion francs cannot be considered as negligible in a period marked by concern about the need to reduce public expenditure considerably. But in a context of technological upheaval and mounting documentary costs, there still remains much to be done to meet the needs of different clienteles, and to catch up with the level of performance of other European networks. To respond to these imperatives, libraries should aim for a truly political commitment on the part of the public authorities.

Will man die finanziellen Mittel der französischen Bibliotheken im letzten Jahrzehnt des 20. Jahrhunderts untersuchen, muss die Bilanz differenziert betrachtet werden. Zwar stimmt es, dass 17 Milliarden Francs an Investitionen während 10 Jahren sowie eine jährliche Summe von über 7 Milliarden Erhaltungskosten nicht unerheblich sind, vor allem in einer Zeit die von Bemühungen um eine Minderung öffentlicher Ausgaben gekennzeichnet ist. Betrachtet man sie jedoch vom Gesichtspunkt der tiefgreifenden technologischen Veränderungen und der Kostensteigerungen von Dokumenten, so bleibt noch viel zu tun um den Wünschen der Öffentlichkeit zu entsprechen und das Leistungsniveau anderer europäischer Netze zu erreichen. Um diesen Anforderungen nachzukommen ist es notwendig, dass die öffentliche Hand sich nachdrücklich politisch für die Bibliotheken einsetzt.

Cuando se examinan los medios de las bibliotecas francesas durante esta última década del siglo XX, un balance matizado se impone. Desde luego, más de 17 mil millones de francos de inversión en diez años y medios de funcionamiento anuales superiores a 7 mil millones de francos no pueden ser considerados como despreciables en un período marcado por la preocupación de reducir fuertemente los gastos públicos. Pero, en un contexto de trastornos tecnológicos y de alza de los costos documentales, aún queda mucho por hacer para responder a las necesidades de los diferentes públicos y para alcanzar el nivel de resultado de otras redes europeas. Para responder a estos imperativos, las bibliotecas deben ser objeto de un verdadero compromiso político de los poderes públicos.

Il y aurait certes de nombreuses manières de dresser le bilan de la dernière décennie du XXe siècle dans les bibliothèques françaises, d’inventorier réussites et occasions manquées. Dans son rapport 1, le sénateur Jean-Philippe Lachenaud parle, à propos des bibliothèques universitaires, d’un « temps des mutations ». Dans le même registre, il faut évoquer le cheminement, à partir de juillet 1988, de ce qui deviendra la Bibliothèque nationale de France (BnF).

La réouverture de la Bibliothèque publique d’information (BPI) en 2000 avec ses espaces plus que jamais remplis de documents, mais aussi désormais d’écrans d’accès aux ressources électroniques symbolise, elle aussi, une bibliothèque d’un genre nouveau, dont il est aujourd’hui difficile d’esquisser entièrement le visage futur. Qu’on ajoute à ce panorama rapide la floraison de médiathèques publiques et de bibliothèques spécialisées sur tout le territoire, et l’on aura une idée des faits saillants de ces dix dernières années. Idée qui serait incomplète et dépourvue de sens si l’on omettait d’intégrer à ce paysage son élément central : les 6,5 millions de Français inscrits dans une bibliothèque municipale et les 2 millions de jeunes qui poursuivent des études supérieures sous des formes variées. On ne peut enfin oublier que l’année 1990, qui ouvre la période que tentera de considérer cet article, fut celle de la publication du premier Rapport du tout nouveau Conseil supérieur des bibliothèques.

Pour saluer la fin du siècle

En matière d’investissement, le maître mot aura été « modernisation », avec le souci de rattraper le retard de la France sur d’autres pays mieux équipés en bibliothèques de tous types (bâtiments, personnels, moyens informatiques, outils collectifs) : c’est à l’évidence, avec une forte charge symbolique jusque dans sa traduction architecturale, la philosophie du projet de la BnF. C’est aussi le fondement des actions entreprises au bénéfice des bibliothèques des universités. Sur le mode des retards à combler et de l’aménagement équilibré du territoire, les bibliothèques relevant des collectivités locales ont aussi fait l’objet d’importants investissements. Mais en cette fin de siècle, plus encore que l’architecture, ce sont les équipements informatiques qui, de manière moins visible, apparaissent comme les outils et les indices de cette modernisation.

Il faut souligner que, dans le prolongement du mouvement de décentralisation des années 1980, cette décennie 1990-2000 a été marquée par l’intervention croissante des collectivités locales dans des domaines qui, jusqu’alors, reposaient sur les seuls moyens de l’État. C’est, au cours de cette période, le sens des contrats de plan État-Région et des programmes Université 2000 2 et maintenant U3M, où l’on voit les régions s’associer au financement d’équipements universitaires qui relevaient auparavant du seul engagement financier de l’État.

D’une manière générale, de nombreuses opérations auront reposé sur des financements publics « croisés » : une réalisation exemplaire comme celle de la bibliothèque municipale à vocation régionale (BMVR) de Limoges aura ainsi bénéficié des financements réunis de l’État, de la région, du département, et de la ville.

On peut prévoir en ce début de XXIe siècle un retournement de perspective : à plus ou moins court terme, l’approfondissement de la décentralisation aussi bien que le constat que les collectivités locales sont globalement devenues plus riches que l’État, et que leur intervention budgétaire n’a de sens que si elles sont fortement impliquées dans les processus de décision, feront évoluer les dispositifs de financement et le partage des responsabilités politiques et administratives.

C’est aujourd’hui un lieu commun que d’opposer la réelle capacité d’investissement des collectivités publiques (y compris par le biais de l’emprunt) à leur difficulté à dégager les moyens de fonctionnement correspondants. Moyens qui, pris globalement, peuvent relever du débat parlementaire et de la négociation (budgets des ministères et des établissements publics, contrats État/universités), ou bien reposer sur un système indexé de reconduction automatique (le concours particulier), voire ne constituer que des interventions ponctuelles (mobilisation de crédits pour une acquisition patrimoniale exceptionnelle, par exemple). Cependant, une comptabilisation exhaustive de ces moyens de fonctionnement demeure malaisée, dans la mesure où certaines dépenses des bibliothèques peuvent être en quelque sorte noyées dans l’ensemble du budget de la collectivité.

Enfin, un tour d’horizon des moyens des bibliothèques françaises ne saurait être complet sans la mention d’autres circuits de financement qui, s’ils ne font pas l’objet de statistiques régulièrement publiées, sont bien réels, qu’il s’agisse de l’intervention des régions, par exemple dans le fonctionnement des agences de coopération, des politiques poursuivies par d’autres départements ministériels que ceux de l’Éducation et de la Culture, ou de programmes qui visent une cible plus large que les seules bibliothèques (les « espaces culture multimédia » du ministère de la Culture et de la Communication, par exemple).

Le présent article bornera son ambition, en examinant les moyens des seules bibliothèques relevant des pouvoirs publics, à tenter de discerner les tendances et les évolutions. Il serait bien entendu intéressant de procéder à une étude économique de la documentation dans le secteur privé pour être en mesure d’embrasser l’ensemble du paysage.

La notion de moyens

L’angle retenu pour envisager ces dix années est donc celui des moyens des bibliothèques françaises. Encore faut-il s’entendre sur le sens du mot. Il est au fond assez rare que la notion de « moyens » fasse l’objet d’une définition positive. Elle apparaît le plus souvent en creux à travers des expressions telles que « manque de moyen » ou « déperdition des moyens ». S’agissant de politiques publiques, dans le cas précis des bibliothèques, on s’accordera sur la définition des moyens comme d’un ensemble de ressources mobilisables pour la réalisation d’objectifs de service public ayant fait l’objet de définitions politiques préalables : moyens humains, moyens en locaux, infrastructures techniques et informatiques, ressources documentaires. Le point commun de ces ressources humaines et matérielles réside dans leur traduction budgétaire nationale et locale.

En fait, il n’est pas certain qu’on puisse fournir une définition de la notion de moyens en soi, tant ils ne prennent de sens que par leur usage et leur adéquation à des objectifs et des besoins. Mais, dans un contexte de pénurie et de retard, ils peuvent constituer en eux-mêmes un objectif politique, au point qu’on a pu parler en matière de développement universitaire de « réforme par les moyens ».

Des moyens pour quels objectifs ?

Le BBF avait publié en 1992 un numéro spécial intitulé Les bibliothèques en France : 1981-1991 3 qui se livrait au même exercice de réflexion décennale. Dès l’éditorial, Martine Poulain citait quelques lignes du Rapport Vandevoorde 4 rédigé en 1981 : « Ainsi de retards historiques en relances vite retombées, en est-on arrivé à une conjoncture de la dernière chance : c’est maintenant ou jamais, à deux décennies de la fin du siècle, qu’une politique soutenue des bibliothèques doit être lancée à tous les niveaux de responsabilité. » Ce texte s’inscrivait à l’évidence dans le prolongement du « Tout reste à faire ! » de Georges Pompidou en 1966 et fut complété, pour le compte des bibliothèques publiques, par les travaux de la commission Pingaud-Barreau en 1981. Pour les bibliothèques de l’université, il aura fallu attendre, après le Livre noir des bibliothèques universitaires publié par l’Association des bibliothécaires français en 1973, le Rapport Miquel de 1989 5, qui réunissait constats lucides et orientations concrètes : « Tout incite à ce constat que les bibliothèques constituent une des zones sinistrées de l’ensemble universitaire et, au-delà, du tissu national. » Ce qui caractérise donc la période 1970 -1989, c’est la constitution progressive d’un corps de doctrine qui, prenant acte du retard des bibliothèques françaises, leur fixe des objectifs concrets de développement. À la lumière de ces quelques rappels, on peut considérer que, si la période 1990-2000 constitue un objet d’examen cohérent dans le cas des bibliothèques des universités, c’est plutôt l’analyse des années 1980-2000 qui serait porteuse d’enseignements dans le cas des bibliothèques publiques.

Mais dans un contexte de décentralisation et de déconcentration croissantes, les grandes orientations nationales ne peuvent suffire. C’est à chaque collectivité de penser le développement de ses bibliothèques sur le long terme. Comme l’écrit Bernard Dizambourg 6 à propos des bibliothèques des universités, « leur développement quantitatif serait consolidé s’il s’appuyait sur une vision plus nette des orientations à échéance de plusieurs années. Il s’avère plus que jamais nécessaire que les universités françaises élaborent des plans de développement de leurs collections et de leurs services et formulent une politique documentaire à moyen terme. ».

Un contexte défavorable à la dépense publique

Le ralentissement de l’économie au début des années 1990, transformé en récession en 1993, les impératifs de la construction d’une Europe économique, auront constitué pour les gouvernements successifs, au cours d’une décennie marquée par les alternances politiques, autant de raisons de réduire les déficits publics et de maîtriser les dépenses. En outre, la prédominance d’une vision libérale de l’économie, avec des nuances selon les majorités, aura, au cours de la période considérée, renforcé le souci de réduire les prélèvements fiscaux et les dépenses publiques alors même que le chômage demeurait à un niveau élevé. Si l’on observe les dépenses du budget général de l’État telles qu’elles sont présentées en loi de finances initiale, on voit que la dépense publique est contenue (cf. tableau 1).

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Tableau 1. Hausse des dépenses publiques 1995-1999

Rappelons que, durant la période 1990-1999 7, la croissance du produit intérieur brut aura été de 1,6 % et l’inflation très faible.

Ce sont donc de tels éléments de conjoncture qui auront en quelque sorte encadré les demandes budgétaires des responsables des bibliothèques françaises, qu’ils négocient pour le compte d’une administration centrale ou qu’ils défendent directement les projets de leur établissement auprès d’une collectivité élue.

Investissements, grands projets et fonctionnement

En dépit de ces difficultés, le projet de Très grande bibliothèque (1988-1997) s’inscrit à peu près exactement dans ce calendrier et, à un moindre degré, le programme des BMVR ou la réalisation du système universitaire de documentation (Sudoc). L’émergence et la réalisation de tels projets 8 dans un contexte peu favorable à la dépense publique attestent d’au moins une réalité : les décisions budgétaires sont d’abord des décisions politiques qui s’accompagnent de la définition de priorités 9. Ce raccourci nous invite d’emblée à une vision nuancée de cette décennie.

Sur dix années (1990-2000), on peut évaluer approximativement l’effort d’investissement des pouvoirs publics (État et collectivités locales) dans le domaine des bibliothèques au minimum à 17 milliards de francs, soit autour d’1,7 milliard par an :

– 8 milliards pour la construction du nouveau bâtiment de la BnF, ainsi que pour la réalisation du système d’information (évaluée à 739 MF en 1998), le récolement, la conversion rétrospective des catalogues et la construction des bâtiments du site de Marne-la-Vallée ;

– 6 milliards pour les investissements des communes (cf. tableau 2) ;

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Tableau 2. Dépenses d’investissements des communes

– 3 milliards resteraient à répartir entre les constructions des bibliothèques universitaires, des réalisations telles que le système universitaire, le CTLes 10, les investissements des départements et ceux de la BPI.

Pour donner un ordre de grandeur des moyens de fonctionnement des bibliothèques françaises, en y incluant les dépenses de personnel, on peut les évaluer, en additionnant BnF, bibliothèques universitaires (BU) – y compris CTLes et Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES) –, bibliothèques municipales (BM), bibliothèques départementales de prêt (BDP), BPI à environ 7 milliards de francs pour la seule année 1998, les dépenses de personnel approchant, à l’intérieur de ce chiffre global, 5 milliards de francs. Si l’on voulait être exhaustif, il faudrait ajouter à ces chiffres les données éparses concernant de grands équipements tels que, par exemple, la médiathèque de la Cité des sciences et de l’industrie, les bibliothèques de grandes écoles, d’institutions de recherche et du réseau scolaire.

Les bibliothèques des universités : la théorie de l’asymptote

On peut considérer qu’au début de cette dernière décennie, les bibliothèques universitaires ont toutes atteint une stabilité statutaire en étant devenues, conformément aux textes de 1985, des « services communs de documentation ». De ce fait, elles ont amorcé à des rythmes divers leur intégration au sein de l’université. Elles se trouvent donc, en terme d’allocation de moyens, dans une position intermédiaire (et nécessairement provisoire) entre l’attribution normée étatique selon un modèle encore centralisé, le dialogue contractuel État/université et, selon un modèle que connaissent bien déjà les bibliothèques relevant des collectivités territoriales, les arbitrages internes à l’établissement universitaire.

Quelques indicateurs mis en regard permettent de mesurer l’évolution des moyens de ces bibliothèques et le degré de réalisation de leurs objectifs : d’une part, les objectifs toujours valides du Rapport Miquel (1989) qui, pour être réalistes, s’en tenaient à des chiffres minimaux dans le seul contexte de l’imprimé traditionnel, et, d’autre part, les indicateurs français les plus récents officiellement disponibles (cf. tableau 3).

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Tableau 3. Objectifs du Rapport Miquel et indicateurs les plus récents

Dix ans plus tard, en dépit d’efforts réels (augmentation du nombre d’agents – 1 750 emplois créés en dix ans –, et des crédits documentaires, nouvelles surfaces construites dans le cadre d’Université 2000 et du XIe plan), aucun des objectifs du Rapport Miquel n’a été atteint. Dans le domaine des constructions, comme l’écrit Marie-Françoise Bisbrouck 11, « en dix ans, 350 000 m2 ont été mis au service des étudiants (...). Les besoins de construction sont considérables, et nous ne sommes même pas au milieu du gué. ».

Il y a donc lieu d’analyser les raisons de cet écart persistant, quasi asymptotique, entre les besoins documentaires de la communauté universitaire et les moyens publics dégagés pour les satisfaire. La raison majeure tient bien sûr à l’explosion des effectifs de la population étudiante dans cette même période (670 000 inscrits en BU en 1990, 1 210 000 en 1999), s’accompagnant d’une fréquentation encore plus forte et plus intensive de bibliothèques peu à peu modernisées (34 fois par an en 1990, 38 fois en 1998).

La décrue progressive des effectifs étudiants, plus sensible en province qu’à Paris, se trouve en quelque sorte équilibrée par l’allongement moyen de la durée des études supérieures et par l’intervention croissante des universités sur le terrain de la formation continue des adultes. Autant dire qu’il serait dépourvu de sens de relâcher l’effort public de mise à niveau de la documentation universitaire en tirant prétexte de la baisse des effectifs étudiants et des chimères du tout électronique. Si la volonté politique a besoin d’être réaffirmée dans ce domaine, c’est aussi toute la communauté universitaire qui doit être convaincue de l’urgence de la situation actuelle de la documentation au sein de l’université.

Les bibliothèques municipales : le goût de la pierre

Le déficit en bâtiments des bibliothèques municipales, la vétusté et l’inadéquation croissantes de nombreux édifices depuis la fin des années 1960 font dire au Rapport Vandevoorde 12 que « [la situation] est à proprement parler consternante tant en ce qui concerne les superficies dont disposent les bibliothèques que de par la nature et la qualité des locaux qu’elles occupent ».

Le tableau 4

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Tableau 4. Surfaces des BM (centrales et annexes confondues

montre qu’en trente ans les surfaces dédiées aux bibliothèques municipales ont sextuplé. Un tel résultat est le fruit de la rencontre d’un besoin criant et d’un dispositif d’aide de l’État dérogatoire, mais adapté et stimulant dans le contexte de la décentralisation : le concours particulier. Mécanisme qui présente le double avantage de la simplicité (la norme fameuse des 0,07 m2 par habitant et l’annonce rapide d’un taux de subvention par l’État) et de la proximité : ce sont les Directions régionales des affaires culturelles (et, plus précisément, leurs conseillers pour le livre et la lecture) qui instruisent les dossiers pour le compte des préfets de région, au plus près des élus et du terrain. Si l’on additionne les parts des dotations communales et départementales, ce sont près de 400 MF qui, chaque année, sont mis par l’État à la disposition des projets des communes et des départements (cf. tableau 5)

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Tableau 5. Montant des dotations des concours particuliers pour l’exercice 2000 en MF

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Ce dispositif ne constitue cependant pas un véritable outil d’aménagement équilibré du territoire. Par des effets mécaniques de répartition des enveloppes régionales, ce sont les régions les mieux équipées qui, par une sorte d’effet d’entraînement, construisent proportionnellement le plus. Il est nécessaire aujourd’hui – et la Direction du livre et de la lecture s’est attachée à ce chantier avec ses partenaires interministériels – à la fois d’abonder l’enveloppe globale et de rééquilibrer les enveloppes régionales.

Pour autant, il est impossible de procéder à une lecture linéaire des chiffres sur trente ans. En effet, les besoins d’équipement et les attentes des publics ont évolué au fil du temps. On pourrait citer quelques grandes tendances : l’émergence de la notion de « médiathèque », la fonction de forum et de soutien du lien social au cœur des villes, la diversification des supports et le recours croissant aux outils informatiques et télématiques, le besoin d’équipements structurants dans les quartiers. Et, tout en complétant la carte par de nouvelles bibliothèques et en modernisant celles qui existent, il faut doter notre pays des infrastructures techniques qui permettent le partage par tous des services offerts par la société de l’information et contribuer au développement de la coopération entre établissements. Les chantiers futurs sont nombreux et les besoins de financement demeurent élevés.

Si l’aide de l’État en matière d’investissement ne semble pas entièrement à la hauteur des besoins des communes, sa contribution aux dépenses de fonctionnement par le biais de la première part du concours particulier (113,7 MF en 2000) est devenue dérisoire. L’enveloppe globale n’évoluant pas – alors que le nombre des bénéficiaires potentiels a, comme on l’a vu, considérablement augmenté au fur et à mesure du développement des équipements –, le taux de concours a été en diminuant au long de la décennie (cf. tableau 6)

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Tableau 6. Evolution du taux de concours 1re part entre 1990 et 1999

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Diverses hypothèses, dont l’abondement de l’enveloppe globale, ont pu être envisagées pour rendre cette aide au fonctionnement plus significative et plus incitative. L’une d’elles consisterait, à partir de critères plus sélectifs, à diminuer le nombre de communes bénéficiaires (1 401 communes en 1999).

Où en sont les bibliothèques départementales de prêt ?

On dispose de données fiables recueillies par la Direction du livre et de la lecture depuis 1993 (cf. tableau 7)

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Tableau 7. Les moyens des BDP (en millions de francs)

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Créé par la loi en juillet 1992, le concours particulier départemental (environ 35 MF par an) permet à l’État de rembourser une partie des investissements consentis par les départements (en 1998 : environ 32 %). Il s’agit là d’un mécanisme fortement incitatif au bénéfice des plus petites communes et des zones rurales, les investissements des départements étant passés de 77 MF à 136 MF entre 1993 et 1998.

Au-delà de la nécessaire réflexion à mener en profondeur sur l’évolution des réseaux de lecture publique départementaux, il semble que les départements se soient pleinement appropriés les équipements et les services que leur avait transférés l’État en 1986 et qu’ils en aient fait les instruments de leur politique culturelle.

Les moyens humains

En 1990, la Bibliothèque nationale comptait 1 246 agents. En 1999, la BnF disposait, tant sur le budget de l’État que sur le budget de l’établissement (vacations incluses), de 2 811 agents. Le rapprochement de ces deux chiffres montre, s’il en était besoin, l’importance des moyens humains dans le déploiement d’un tel projet et, d’une manière générale, dans le fonctionnement du service public. Mais il s’agit dans le même temps de la ressource la plus fragile. Le poids des emplois dans les budgets de l’État et des collectivités locales est tel, en volume et en durée (les 37,5 années d’activité d’un fonctionnaire), que c’est sans aucun doute le poste qui fait l’objet des négociations budgétaires les plus âpres. En 1998, les dépenses en personnel pour les bibliothèques municipales représentaient plus de 3 milliards de francs, c’est-à-dire une dépense six fois supérieure aux dépenses d’acquisitions (513 millions de francs). Pour les bibliothèques des universités, toujours en 1998, le budget consacré au personnel sur emplois d’État s’élevait à plus de 894 millions de francs pour 395,3 millions de francs consacrés aux dépenses documentaires. On voit donc bien que le poste personnel constitue l’élément budgétaire le plus important dans tous les cas.

Il s’agit là d’un problème dont la solution ne peut s’accommoder de recettes trop évidentes : d’éventuels gains de productivité se trouvent réduits à rien par la demande croissante de médiation auprès des usagers (allongement d’horaires d’ouverture encore insuffisants), par la complexité croissante des tâches scientifiques et techniques et la multiplication des missions dévolues aux bibliothèques. Dans le contexte de constructions statutaires récentes et inégalement adaptées, il est sans doute nécessaire de créer un plus grand nombre d’emplois (mesure difficile à défendre en ces temps de réduction des dépenses publiques), et de repenser les répartitions entre emplois au sein d’établissements oscillant entre le sous-encadrement (c’est le cas de nombreuses bibliothèques publiques) et le déséquilibre entre types de personnel (dans certaines bibliothèques universitaires). Encore faut-il définir besoins et profils au sein d’une profession traversée par de très rapides bouleversements.

Il demeure que l’effort d’investissement des pouvoirs publics perdrait tout son sens s’il revenait à agrandir des équipements, à inaugurer de nouveaux bâtiments ou à proposer de nouveaux services sans en tirer les conséquences en termes d’emplois qualifiés.

Les ressources documentaires

Les ressources documentaires sont l’élément central de l’activité des bibliothèques, au point qu’au-delà de l’intérêt de leur contenu, on tente parfois d’en traduire la valeur économique. Dans le même esprit, il est possible d’analyser le poids des achats des bibliothèques à l’intérieur de l’économie du livre (autour de 4,5 %).

C’est sans doute le domaine qui est le plus affecté par les tensions budgétaires. Plusieurs éléments sont ici déterminants :

– l’inflation de la production éditoriale ;

– la diversification des attentes du public ;

– la hausse exponentielle des coûts des abonnements de périodiques ;

– l’irruption des ressources documentaires électroniques ;

– l’insuffisance de la coopération documentaire, aggravée durant la période qui nous occupe par l’inachèvement des catalogues collectifs indispensables à toute coopération.

Un point doit être particulièrement souligné : on ne peut qu’être préoccupé par l’érosion progressive des moyens consacrés aux achats de livres. Pour les bibliothèques des universités, c’est le résultat d’un arbitrage entre monographies et périodiques (y compris sous leur forme électronique) du fait même de la hausse des coûts des abonnements. Pour les bibliothèques de lecture publique, le livre est concurrencé par les budgets d’achat des documents audiovisuels.

Les dispositifs de soutien au développement des collections, qu’il s’agisse des aides allouées par le Centre national du livre (CNL ; cf. tableau 8)

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Tableau 8. Un bilan des aides du CNL aux bibliothèques (en MF)

ou des budgets des centres d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique (CADIST ; cf. tableau 9)

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Tableau 9. Evolution du budget des CADIST (en MF)

, demeurent globalement modestes, compte tenu des besoins.

La participation des usagers et les ressources propres des établissements

On n’entrera pas ici dans les débats sur la gratuité des bibliothèques ni sur le niveau de participation des usagers à leur fonctionnement, pas plus que sur la facturation de certains services à valeur ajoutée. Débat que le titre du Congrès national de l’Association des bibliothécaires français à La Rochelle en 1999 résumait bien : « Bibliothèques et économie : entre politique de service public et économie marchande ». On se limitera à évaluer l’importance et la proportion de ces ressources, sans perdre de vue que ces mécanismes de perception engendrent des coûts de fonctionnement pour l’établissement lui-même, et que, dans le cas des bibliothèques municipales par exemple, le montant des droits d’inscription n’est pas automatiquement imputé en retour sur le budget propre alloué à la bibliothèque. En poussant un peu plus loin l’analyse en termes de rentabilité sociale des bibliothèques, il est des péages dont le coût n’est pas uniquement financier.

On dispose de données significatives pour les bibliothèques municipales, dont le tableau 10

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Tableau 10. Evolution des droits d’inscription dans les bibliothèques municipales

tente de restituer l’évolution.

En tout état de cause, lorsqu’un droit d’inscription est exigé dans les bibliothèques municipales, on sait que, dans de nombreux cas, il ne porte que sur l’emprunt des documents audiovisuels et que, lorsqu’il s’applique au livre, pratiquement 60 % des usagers, jeunes et adultes, en sont de fait exonérés. Il faut donc souligner que l’affirmation très répandue selon laquelle 80 % des bibliothèques publiques françaises feraient payer un droit d’inscription annuel masque en réalité une grande diversité de pratiques qui, globalement, sont favorables à la diffusion du livre à tous les publics.

Mais si l’on observe l’évolution des collections des bibliothèques municipales entre 1990 et 1998, on constate que les collections de livres ont été multipliées par 1,3, alors que pour la même période, les collections de phonogrammes étaient multipliées par 1,6 et celles de vidéogrammes par 8,5. On serait tenté d’en conclure que c’est l’extension de l’offre de documents audiovisuels, liée à la modernisation du réseau d’équipements, qui a induit cette augmentation constante du volume des droits d’inscription.

La situation d’un établissement public tel que la BnF est évidemment plus complexe (cf. le tableau 11 qui en donne un aperçu)

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Tableau 11. Situation de la Bibliothèque nationale de France

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Si l’on considère le montant des droits d’entrée des lecteurs collectés en 1999 et 2000, à savoir 9,8 et 7,53 millions de francs et qu’on le rapporte aux budgets primitifs 1999 et 2000, 757 et 754 millions de francs (hors personnel payé sur le budget de l’État), on arrive à des pourcentages de 1,2 % et de 0,9 %.

Pour 1999, les recettes propres de la BnF s’élevaient donc à 66,5 MF et pour 2000 à 59 MF, soit, une nouvelle fois rapportées au budget primitif, des pourcentages de 8,7 et 7,8 %, à l’intérieur desquels, on le voit, la participation des lecteurs pèse d’un poids fort modeste. Constatation qui pourrait venir conforter les arguments des partisans de la gratuité d’accès de toutes les salles de lecture ou d’une partie d’entre elles...

Dans le cas des services communs de documentation des universités, on sait que les droits de bibliothèques sont inclus dans le montant global des droits d’inscription à l’université. Il est possible d’en retracer l’évolution en masse sur les dix dernières années en en rapportant le montant, comme pour les bibliothèques municipales, aux dépenses documentaires (cf. tableau 12)

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Tableau 12. Evolution des droits de bibliothèques et des ressources propres dans les bibliothèques universitaires

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Quelques précautions doivent être prises dans l’interprétation des données de ce tableau :

– l’augmentation globale des droits de bibliothèques est liée tout à la fois à la hausse du tarif fixé chaque année et, bien plus encore, à l’explosion des effectifs étudiants ;

– la baisse enregistrée à partir de 1997 est liée à la baisse des effectifs étudiants ;

– le coût de la documentation a fortement augmenté au cours de la décennie ;

– les données recueillies dans le cadre de l’ESGBU (Enquête statistique générale auprès des bibliothèques universitaires) sont incomplètes en ce qui concerne les ressources propres.

Ceci posé, la diminution de la proportion des droits de bibliothèques par rapport aux dépenses documentaires pourrait constituer la traduction de la poursuite d’une politique volontariste de l’État en matière de mise à niveau des ressources documentaires.

En matière de ressources propres, le tableau 12 présente des données incomplètement transmises par les établissements. Les services payants développés en direction des juristes et des professionnels de la santé par la bibliothèque Cujas et la bibliothèque interuniversitaire de médecine à Paris 13 donnent un bon exemple de l’origine de ces ressources.

Par ailleurs, des établissements tels que l’ABES ou le CTLes sont appelés à faire payer leurs services aux bibliothèques et aux usagers qui y ont recours. Ainsi, à titre d’exemple, le CTLes a mis au point une tarification correspondant à la location d’espaces de stockage par les établissements déposants : en 2000, 20,73 F par mètre linéaire pour les petits formats et 37,32 F pour les grands formats, 5,80 F par mètre linéaire déménagé, 15 F par mètre linéaire dépoussiéré.

L’ABES affiche des recettes pour ses produits bibliographiques qui oscillent entre 3 et 5 MF par an depuis sa création, pour un budget global de 59 MF en 1999 (dont 35 MF pour la seule réalisation du Système universitaire de documentation).

Les organismes de formation perçoivent également des recettes en retour de leurs prestations de formation continue 14 : en 1999, à titre d’exemple, les centres de formation avaient ainsi perçu, pour Médiat (Grenoble/Lyon) 935 000 F et pour Médiadix (Ile-de-France) 1 466 000 F.

Les financements européens

Au cours de cette période, les bibliothèques françaises ont pu bénéficier de deux types d’interventions européennes :

– les fonds structurels de type FEDER relevant d’une logique d’aménagement régional ;

– les programmes de recherche-développement de la Direction générale XIII de la Commission européenne : 3e programme (1990-1993) et 4e programme (1994-1998).

Il est difficile de dresser un inventaire précis des aides obtenues durant la période que nous étudions par le biais des fonds structurels, d’autant plus que leur utilisation à des fins culturelles est très inégale suivant les régions. Tout au plus peut-on signaler que la future BMVR de Troyes en aura bénéficié à hauteur de 20 % de son projet de construction et que le projet Culture bleue conduit par la bibliothèque départementale de prêt de l’Ardèche aura ainsi bénéficié en 1996 d’une aide de 540 000 F.

Les retombées des 3e et 4e appels à projet de la DG XIII auront été bien modestes pour les bibliothèques françaises, d’une part du fait même des limites de l’enveloppe destinée à l’ensemble de ces programmes européens (autour de 4,5 MF), d’autre part en raison de la faible implication des bibliothèques françaises.

Le mécénat

En France, le financement des bibliothèques relevant de l’État et des collectivités locales relève quasi exclusivement des ressources publiques et de la participation des usagers à travers d’éventuels droits d’inscription. Contrairement à d’autres pays, les financements d’origine privée, pour ne pas être totalement absents, demeurent rares.

On sait qu’en 1998, le mécénat culturel avait concerné 1 100 entreprises pour un montant global de plus d’1 milliard de francs 15. La part revenant au secteur édition-littérature ne représentait que 6 % de cette somme, et les bibliothèques une part encore plus modeste. Ce sont, pour citer quelques exemples, les établissements bancaires (Crédit mutuel, Banque CIC, Centre national des Caisses d’épargne), les organismes de crédit et les entreprises tournées vers la communication et les nouveaux médias (Fondation Hachette, France Télécom, Hewlett-Packard) qui semblent avoir investi dans ces secteurs d’activité.

On sait que les bibliothèques universitaires ont bénéficié de crédits d’acquisitions en provenance de la Fondation CIC. La même Fondation a soutenu le projet de guide des bibliothèques patrimoniales piloté par la Direction du livre et de la lecture et publié en 10 volumes chez Payot 16.

Il est révélateur que, pour la première fois dans son rapport d’activité 2000, la BnF mentionne à l’intérieur de ses ressources propres un poste mécénats à hauteur de 4,34 MF. C’est par ce biais qu’a pu être acquis le manuscrit des Mémoires d’Outre-Tombe. La très forte montée des prix sur le marché du livre rare et précieux et des manuscrits 17 rend indispensables de tels montages financiers.

Un bilan nuancé

On retire de cet examen rapide des moyens mobilisés pour les bibliothèques françaises durant la dernière décennie un sentiment ambigu : de l’optimisme ou de la déception, rien ne l’emporte. C’était aussi le constat du Rapport 1998-1999 du Conseil supérieur des bibliothèques 18 : « Si la satisfaction est grande de mesurer le chemin parcouru, force est de constater que beaucoup reste encore à faire. ».

Le grand dessein de la BnF, qui aura été pour l’opinion comme le fil conducteur de cette période, a été poursuivi sans qu’on puisse encore affirmer qu’il ait été aujourd’hui entièrement mené à son terme : achèvement du système d’information, réorganisation et modernisation du site Richelieu, fonctionnement à plein régime des nouveaux équipements, édification de la bibliothèque numérique sont autant de chantiers toujours ouverts. La postérité et la fécondité de l’ensemble du projet, dont on sait qu’il ne saurait être limité aux seules tours de Tolbiac, ne pourront être jugées que sur une longue période.

Mais, à l’heure des réseaux et de la coopération obligée entre établissements, la BnF ne peut à elle seule modeler le paysage entier. On serait même tenté d’écrire que la difficulté des structures documentaires de l’université, enseignement et recherche confondus, à atteindre enfin un niveau de services et de performances digne des meilleurs réseaux européens prive dans une certaine mesure la Bibliothèque nationale de partenariats solides qu’elle ne peut édifier seule.

Du côté des bibliothèques des collectivités locales, si beaucoup a été fait, on est loin d’avoir atteint une couverture territoriale satisfaisante. Et l’écart constaté entre capacité d’investissement et qualité des moyens de fonctionnement des nouveaux équipements demeure préoccupant pour l’avenir.

Enfin, pour tous les types de bibliothèques, on ne peut passer sous silence le fait que c’est au moment même où la constitution des collections et des accès aux contenus ainsi que l’organisation technique de l’offre devraient mobiliser les compétences scientifiques et techniques les plus solides que le niveau de formation et de qualification des personnels semble marquer une forte tendance à la baisse.

Certes, les bibliothèques participent, pour l’obtention de leurs moyens, du climat général de contrainte des dépenses publiques, mais sans que cela semble provoquer plus que des variations modestes autour d’une moyenne acquise. On serait fondé à en déduire qu’en France, les bibliothèques ne seraient plus considérées, autrement qu’en paroles, comme des enjeux politiques forts. Il apparaît donc indispensable, à l’entrée du XXIe siècle, de reconstruire et de redonner légitimité à un véritable projet politique qui tienne compte, autrement que sur la base du postulat absurde de la suppression des bibliothèques, des évolutions dans les modes de constitution et de transmission des connaissances.

Nul doute que la proportion et la nature des financements n’évoluent au cours des prochaines années : place croissante des collectivités locales, mutualisation des ressources entre établissements, recours au mécénat, maintien, voire extension du périmètre de la gratuité des services, mais développement parallèle d’offres à valeur ajoutée et sur profil répondant à des logiques commerciales, plus grande autonomie statutaire de certains établissements.

Dans ce contexte, reprenant dans une lettre ouverte 19 le thème du récent congrès des bibliothécaires allemands à Bielefeld, « Bibliothèques : portails du savoir global », le directeur de la bibliothèque de l’université de Bielefeld, Karl Wilhelm Neubauer, se livre à une analyse stimulante : prenant acte de l’impréparation et de la faiblesse de l’implication des bibliothèques allemandes dans ce qu’il nomme « l’âge de l’Internet », il considère qu’il serait contreproductif de se borner à demander toujours plus d’argent aux pouvoirs publics tant qu’un nouveau (et clair) concept de bibliothèque n’aura pas été imaginé par les bibliothécaires eux-mêmes. C’est dans cet effort de redéfinition que pourront être puisés les éléments d’une nouvelle ambition politique pour les bibliothèques françaises.

Dans cet esprit, on ne peut mieux faire pour conclure que de citer les dernières lignes du Rapport Miquel : « Il reste que les chiffres – et les moyens – ne sont rien, s’ils ne s’accompagnent de la définition d’une nouvelle politique et de l’avènement d’un nouvel esprit. ».

Juillet 2001

  1. (retour)↑  Bibliothèques universitaires : le temps des mutations, rapport d’information sur la situation des bibliothèques universitaires françaises par Jean-Philippe Lachenaud, Paris, Sénat, 1998, coll. « Les rapports du Sénat », n° 59.
  2. (retour)↑  Université 2000 (1990-1995) représentait un chiffrage initial de 32,2 milliards, dont 16 à la seule charge des collectivités locales pour l’ensemble des bâtiments universitaires, dont les bibliothèques.
  3. (retour)↑  Les bibliothèques en France : 1981-1991, BBF, 1992, t. 37, n° 4.
  4. (retour)↑  Pierre Vandevoorde, Les bibliothèques en France, Paris, Dalloz, 1982.
  5. (retour)↑  André Miquel, Les bibliothèques universitaires. Rapport au ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, Paris, La Documentation française, 1989, « Collection des rapports officiels ».
  6. (retour)↑  En préface à l’Annuaire des bibliothèques universitaires et de grands établissements 1994, Paris, La Documentation française, 1996.
  7. (retour)↑  Données empruntées à L’état de la France 2000, Paris, La Découverte, 2000.
  8. (retour)↑  Je ne peux que renvoyer pour mieux comprendre cette période à l’ouvrage collectif Les Bibliothèques en France 1991-1997, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 1998, coll. « Bibliothèques ».
  9. (retour)↑  Ceci paraît confirmer l’analyse de Vincent Dubois, « La vision économique de la culture : éléments pour une généalogie », BBF, 2001, t. 46, n° 2, p. 31-34, concluant à la nécessité de ne pas s’en tenir dans la description des dépenses culturelles à la seule explication économique et d’en discerner les composantes « sociales, symboliques et politiques ».
  10. (retour)↑  Le Centre technique du livre de l’enseignement supérieur (CTLes) a été créé comme l’ABES en octobre 1994, et ses bâtiments à Bussy-Saint-Georges (communs à ceux du centre technique de la Bibliothèque nationale de France) ont été achevés en mai 1996. Le coût supporté pour cette construction par le ministère chargé de l’Enseignement supérieur aura été de 49,5 MF auxquels il faut ajouter 13 MF pour l’équipement. Son budget annuel de fonctionnement s’élève à 4,5 MF (hors personnel).
  11. (retour)↑  Techniques et architecture, juin-juillet 2001, n° 454.
  12. (retour)↑  Pierre Vandevoorde, op. cit., p. 49 et suivantes.
  13. (retour)↑  Voir leur présentation dans le Bulletin d’informations de l’ABF, 1999, n° 184-185, p. 57-64.
  14. (retour)↑  Chiffres donnés dans le Rapport annuel 2000 de l’inspection générale des bibliothèques.
  15. (retour)↑  Source : Admical à l’adresse http://www.Admical.org [site consulté le 10-07-2001].
  16. (retour)↑  Patrimoine des bibliothèques de France : un guide des régions, Paris, Payot, 1995.
  17. (retour)↑  Le manuscrit du Voyage au bout de la nuit de L.-F. Céline a été récemment acquis par la BnF pour un montant de 12,2 MF !
  18. (retour)↑  Conseil supérieur des bibliothèques, Rapport du président pour les années 1998-1999, p. 13.
  19. (retour)↑  Karl Wilhelm Neubauer, Buch und Bibliothek, juin-juillet 2001.