Les collections photographiques
guide de conservation préventive
Bertrand Lavédrine
Bertrand Lavédrine est directeur du Centre de recherches sur la conservation des documents graphiques (CRCDG) depuis 1998, une unité mixte de recherche associant le CNRS, le ministère de la Culture et de la Communication et le Muséum national d’histoire naturelle. La mission du CRCDG, telle que définie dans l’arrêté ministériel de création, porte sur l’exécution, la promotion ou la coordination de toutes les recherches « tendant à la protection des documents graphiques » ; ce champ d’action s’est récemment élargi aux documents numériques et au développement de méthodes de conservation préventives et non plus uniquement curatives.
C’est là le sujet de ce guide de conservation préventive des collections photographiques 1. Pour conserver, il faut d’abord connaître. Et pour assumer correctement ses fonctions de responsable de collections, on se doit de protéger, exposer et diffuser les œuvres dont on a la charge : c’est selon ce plan que l’auteur a organisé une information dense mais synthétique sur l’épineux problème de la conservation des photographies, documents assez mal connus en général dans le monde des bibliothèques mais néanmoins présents dans les collections.
Ne pas commettre l’erreur d’ignorance
Les procédés photographiques étant variés, chaque type de photographie est décrit d’après les altérations chimiques, physiques ou biologiques portant soit sur l’image, soit sur le liant 2, soit sur le support, avec à l’appui l’explication du processus de la dégradation, de la fabrication du support et des méthodes scientifiques qui en permettent l’analyse. En effet, tous ces critères ont leur importance lorsqu’il s’agit de conserver un fonds photographique à longue échéance. En outre, il est utile de savoir comment travaillent les scientifiques et sur quelles bases ils fondent leurs recommandations : cela permet de comprendre la portée et les limites des tests et de mieux interpréter les résultats d’analyses.
Les normes qui font référence dans ce domaine sont décrites et font chacune l’objet d’un résumé. Sont particulièrement mises en valeur celles qui portent sur l’évaluation de la stabilité des matériaux, et en particulier sur l’évaluation de leur espérance de vie, de leur stabilité à la lumière, et l’évaluation de la qualité des contenants utilisés pour l’archivage.
Conditionner pour protéger, oui mais...
La prévention en matière de conservation des collections passe par la protection des œuvres : trois niveaux de protection du document sont décrits en détail depuis le conditionnement – ce qui implique le choix dudit conditionnement – jusqu’aux locaux en passant par le mobilier dans lequel les documents sont rangés. Ces conditions de stockage sont étudiées à la loupe, peut-être devrais-je dire, au microscope électronique : pour les conditionnements, la qualité des matériaux, les encres, les colles employées sont primordiales et doivent faire l’objet d’attentions particulières. Le mobilier a son importance, qui facilite ou gêne la manipulation, qui peut être néfaste aux collections selon le vieillissement du matériau qui le compose. Les locaux doivent être analysés finement, de façon à connaître leurs qualités et leurs défauts et pouvoir éventuellement corriger ces derniers : la qualité de l’air est le facteur premier de la conservation préventive ; trente-quatre pages sont consacrées uniquement à cette question, pages rédigées pour les documents photographiques, mais qui, de par l’information technique qu’elles contiennent, valent pour tout type de collections patrimoniales. De même, les critères d’évaluation d’un local d’archivage qui sont listés ainsi que les recommandations pour la conception de ce type de locaux bien particuliers peuvent trouver une application élargie à d’autres types de collections.
Les mesures de sécurité, partie non moins importante de la prévention en matière de conservation de collections patrimoniales, font l’objet d’une étude technique ; les différents systèmes de détection ainsi que les dispositifs d’extinction d’incendie sont décortiqués. Pour éviter un sinistre quel qu’il soit, incendie, inondation, infestation de moisissures ou d’insectes, la règle en la matière est la surveillance régulière et le suivi des collections. Parce que les budgets ne sont jamais à la hauteur, il est indispensable d’établir des plans d’actions et des priorités et de les réaliser au fur et à mesure selon un calendrier défini. L’important est, bien sûr, d’éviter le sinistre, mais aussi de savoir réagir quand il se produit : par exemple, de nombreuses recommandations et des conseils pratiques pour le séchage des documents sont émis. Même si l’ouvrage est très orienté vers la prévention, les traitements et les précautions qui les entourent ne sont absolument pas occultés.
À la fin de cette partie, tout lecteur a compris qu’en conservation préventive, il doit avoir une stratégie adaptée et basée sur le bon sens commun, qu’il doit établir ses priorités d’intervention et surtout, que, dans ce domaine comme dans quelques autres, il n’y a pas d’absolu : le secret de la prévention réside dans le suivi régulier des collections et dans une bonne conception de l’environnement dans lequel les collections seront gardées.
Exposer à la lumière sous conditions
Un chapitre consacré à l’exposition des œuvres fournit l’occasion d’une leçon sur la lumière, l’un des facteurs majeurs de dégradation des documents photographiques. Des notions comme l’indice de rendu des couleurs, la quantification de la lumière sont explicitées. Les différents types de lumières artificielles sont décrits, ainsi que des recommandations sur le choix de l’éclairage et la façon de le disposer par rapport à une photographie exposée. Le montage des œuvres est abordé un peu succinctement, l’aspect étant traité plutôt d’un point de vue scientifique, à savoir sous l’angle de la qualité des matériaux. L’aspect technique de l’encadrement est mis de côté.
Enfin, la diffusion des œuvres sous-tend la question du transfert de support, la technique la plus fiable à l’heure actuelle pour protéger le document « original ». D’une façon générale, on oppose les supports traditionnels (reproduction photographique, restitution et micrographie) aux supports numériques. C’est ce plan qui est suivi ici : la micrographie demeure la technique de conservation et de sauvegarde par excellence, du fait du recul dont on dispose par rapport à la durée de vie du support et donc de sa qualité, et de la technique qui évoluera désormais assez peu. En outre, elle paraît la moins difficile à mettre en œuvre.
L’étude du numérique permet d’apporter quelques éléments techniques pour aborder la réflexion sur le sujet : description détaillée de la variété des supports, de leur fabrication, de leurs qualités et de leurs défauts, des techniques de sauvegarde de l’information. Le support numérique n’est pas le support de substitution pour la conservation à long terme, mais demeure bel et bien un outil de diffusion et de valorisation des œuvres. Il faut savoir alors que le coût de la numérisation s’ajoute à celui du stockage traditionnel et de la conservation des documents graphiques.
Et pour finir...
L’ouvrage comprend enfin des informations techniques et pratiques portant sur le traitement des photographies pour un archivage de longue durée, les photographies couleur, les impressions à partir de périphérique d’ordinateur, et différentes annexes sur le traitement de l’eau ainsi que des éléments à inclure dans un plan d’urgence en cas de sinistre.