Les cahiers du numérique

La publication en ligne

par Jean-Michel Salaün
sous la direction de Charlotte Nikitenko et Peter Stockinger. – Les cahiers du numérique, vol. 1, n° 5/2000. - Paris : Hermès Science Publications, 2000. – 222 p. ; 24 cm. ISBN 2-7462-0201-8 : 242,70 F – 37 euro

Dans un contexte explosif, il est toujours périlleux de publier : une vérité d’un jour pourra être contredite le lendemain. C’est le risque de tout texte actuel sur la publication numérique. Le reproche fait à ce document ne sera pas celui de son obsolescence rapide, inévitable, mais plutôt celui de son positionnement incertain.

Panorama

On peut se demander, en effet, quel est vraiment le statut de ce numéro de la revue Les cahiers du numérique, intitulé La publication en ligne et qui manifeste une volonté de balayer très large : y sont évoqués les changements organisationnels entre édition traditionnelle et édition numérique, la crise de l’édition des sciences humaines et sociales (SHS), les relations auteurs-éditeurs-libraires, l’encyclopédie, le journalisme, la librairie, la littérature, les droits d’auteur, l’organisation technique d’un site, l’information spécialisée et scientifique, les bibliothèques…

Chaque sujet aurait pu faire l’objet d’un numéro à lui tout seul. L’objectif était sans doute de dresser un panorama, utile pour une première initiation ou pour un état de l’art rapide pour des étudiants découvrant le domaine. Il manque cependant un point de vue, disciplinaire ou politique, le sujet est maintenant suffisamment documenté – sinon en France, au moins dans la littérature internationale souvent accessible en ligne ! – pour qu’une revue scientifique fasse l’effort d’aller plus loin.

Des analyses superficielles

On ne peut reprocher aux auteurs leur argumentation ou leur présentation, mais les analyses restent souvent superficielles – certaines sont malgré tout contestables, notamment les analyses économiques ou gestionnaires. Pour la plupart, les articles rendent compte des impressions ou de l’expérience de l’auteur sans enquête rigoureuse ou analyse nouvelle ; parfois, il s’agit d’une promotion à peine déguisée du service mis en place par l’auteur de l’article ; certains articles sont directement issus de thèses universitaires, mais leur auteur a déjà publié ses travaux – y compris dans le BBF – et ne propose ici aucune réelle valeur ajoutée. Sur le sujet, le lecteur du BBF a déjà tout sous la main… d’autant plus qu’il a accès à ses articles en ligne, lui !

Sauvons néanmoins l’analyse de R. Figuier sur l’édition SHS, en deux parties. La première propose une réflexion sur la crise du secteur (que les responsables de la revue pourraient méditer...) : « La crise, c’est tout à la fois une crise de la médiation (éditeur) de la mise en texte (auteur-livre), de la production du savoir, des modes de pensées et d’expression, des procédures logiques, et, enfin, des cadres sociaux par lesquels tous ces échanges sont possibles » (p. 52). Après un constat aussi sévère, R. Figuier montre dans la seconde partie combien le changement de support transforme la relation au texte et l’interdépendance auteur-éditeur-lecteur. Des pans entiers de l’organisation classique du savoir pourraient être remis en cause. « Il est légitime de se demander si nous ne basculons pas, tout simplement, dans un autre monde. Quoi qu’il en soit, il est passionnant de vivre ce moment », conclut-il, non sans laisser poindre une certaine nostalgie.