Le droit de l'édition appliqué

chroniques juridiques de Livres Hebdo

par Michel Sineux

Emmanuel Pierrat

Nantes : Cecofop ; Paris : Éd. du Cercle de la librairie, 2000. – 156 p. ; 28 cm. - ISBN 2-7654-0783-5 : 180 F/ 27,44 euro

La bibliographie d’Emmanuel Pierrat concernant le droit d’auteur, le droit de l’édition, sans oublier ses contributions à l’application de ces domaines de la chose juridique à l’activité des bibliothèques, fait de ce jeune avocat un « maître » déjà incontournable en ces matières. Son plus récent ouvrage, Le droit de l’édition appliqué, conçu et réalisé dans le cadre de la formation professionnelle à la chaîne économique du livre Pro-Libris XIII, décline pratiquement des problématiques exposées ailleurs théoriquement.

Un véritable manuel pratique

Ses lecteurs y retrouveront une cinquantaine des chroniques déjà publiées dans Livres Hebdo, qui constituent ici l’ossature d’un véritable manuel pratique, de cas d’espèce exposés, illustrés, commentés. Ces questions, qui figurent parmi les plus récurrentes de la pratique éditoriale, illustrent les principaux thèmes du droit de l’édition et sont regroupées, pour la clarté de l’interprétation et une accessibilité logique, en quatre grands chapitres. Chaque question fait l’objet d’une double page thématique présentant la chronique parue dans Livres Hebdo, une illustration sous la forme de conseils pratiques, modèles de clause, exemples de jurisprudence, tableaux synoptiques ; enfin, un commentaire qui rappelle les points importants du thème abordé, tout en faisant la liaison entre la chronique et son illustration. Un index, ainsi qu’un sommaire thématique des chroniques, permet une navigation aisée dans l’ouvrage, qui peut se lire en continu comme un manuel ou sélectivement comme un dictionnaire de jurisprudence.

Le premier chapitre est consacré au droit d’auteur, socle du droit de l’édition, dont le champ d’application est très vaste et ne cesse de s’étendre à des domaines inattendus (folklore, recettes de cuisine, bases de données…). D’évolution rapide, principalement jurisprudentielle et donc mouvante, le droit d’auteur est une donnée essentielle du droit d’éditeur. Cette première partie traite du champ extensif où s’expriment le droit d’auteur (correspondances littéraires, musées, droit des architectes…), aussi bien que des exceptions à ce droit (durée, citation, pastiche…), et du droit moral qui y est attaché (pseudonymes, « nègres », ayants droit…).

Avec le droit de l’information, qui forme la deuxième partie du recueil, c’est moins d’évolution que de révolution du droit et de la jurisprudence qu’il convient de parler, si l’on considère la prolifération du contentieux qui attaque les fictions aussi bien que les biographies, voire les autobiographies, en diffamation ou au nom de la protection de la vie privée, sans parler des nouveaux plaignants qui imposent une nouvelle forme du droit de l’image, parce que l’on a innocemment photographié « leur » immeuble, « leur » site naturel ou les poils de « leur » chien… Une dizaine de chroniques et d’exemples jurisprudentiels montrent l’étendue de cette dérive, abordant au passage des problématiques plus « sérieuses » sinon moins épineuses, comme celles des publications pour la jeunesse ou du droit des archives publiques.

Contrat d’édition, exploitation

Autre domaine où la modernité frappe également à la porte : celui du contrat d’édition, dont la rédaction et l’application peuvent engendrer entre l’éditeur et les auteurs (parmi lesquels il faut compter le traducteur, le directeur de collection et, occasionnellement, le salarié de la maison) des situations conflictuelles. D’autant que l’éditeur d’aujourd’hui « doit apprendre à gérer économiquement et juridiquement des sollicitations multiples et protéiformes, émanant, par exemple, de l’audiovisuel ». Les exemples retenus mettent en exergue les droits et devoirs, inégalement observés, des contractants et montrent le glissement qui s’opère souvent du droit à une sorte de coutume (avances, délais). Ils pointent aussi la spécificité des droits multimédias et des statuts particuliers, traducteur, directeur de collection, éditeur/producteur, salarié.

La quatrième et dernière partie illustre, à travers une dizaine d’exemples, l’évolution des problèmes liés à l’exploitation. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont bien sûr les principales responsables de cette expansion et de cette diversification du champ juridique et d’une forte prolifération jurisprudentielle. Sollicité tout en même temps par les start up qui veulent numériser son fonds, et freiné par ses auteurs de se lancer dans l’édition électronique, l’éditeur moderne et contemporain doit s’assurer de la validité et de la pérennité de ses droits face à une concurrence de plus en plus féroce qui le contraint à réagir juridiquement. Les deux dernières chroniques sur la « loi Lang et Internet » et « la librairie sur Internet » sont, à ce titre, emblématiques de contradictions qui apparaissent comme de nouveaux défis.

On l’aura compris, tout éditeur (et même tout bibliothécaire-entrepreneur) – sans parler de leurs partenaires contractants potentiels – aura intérêt à conserver à portée de main ce viatique du nouveau présent et du futur proche de l’édition en marche. Ce recueil d’exercices, ce « livre de maître », comme on disait au bon vieux temps de l’instruction publique, périssable parce que vivant, en prise directe sur l’actualité, appelle d’ores et déjà des compléments et des mises à jour, tant il est vrai, comme l’affirme Emmanuel Pierrat, oracle en la matière, que « la vie à Saint-Germain-des-Prés n’est plus de tout repos ».