ABITechnik, année 2000, n° 1 à 4
À l’occasion du vingtième anniversaire de la revue, l’éditorial d’ABITechnik réaffirme son objectif principal dans le premier numéro de l’an 2000 : parler des bibliothèques, archives et centres d’information sous l’angle de la technologie et du bâtiment et mettre l’accent sur la pratique. La rédaction ne publie pas d’articles de recherche, mais elle offre toutefois des communications fort techniques sur des projets en cours qui cherchent à développer l’accès à l’information et à la documentation.
Quels thèmes ont occupé l’esprit des bibliothécaires, archivistes et documentalistes germanophones dans l’année qui vient de s’écouler ? Peuvent-ils également intéresser leurs collègues français ? Ce compte rendu écarte volontairement les articles d’intérêt local pour privilégier 1 les seuls articles de fonds.
Numérisation, outils de recherche
Quelles ont donc été les préoccupations outre-Rhin en 2000 selon ABITechnik ? Comme on pouvait s’y attendre, les sujets les plus traités sont la numérisation, ainsi que le développement d’outils de recherche capables d’interroger simultanément un grand nombre de bases de données bibliographiques hétérogènes. Joachim Lügger rend compte des expériences conduites avec un moteur de recherche « de bibliothécaire » 2, développé pour le Réseau coopératif des bibliothèques des Länder de Berlin et de Brandebourg (KOBV 3). Le nouveau réseau, qui remplace le catalogue central traditionnel installé auparavant sur l’ordinateur de l’ancien Institut allemand des bibliothèques (Deutsches Bibliotheksinstitut, DBI), a été mis en service en 1999. Il donne accès aux bases bibliographiques et à des catalogues en ligne de différentes bibliothèques de la région à travers les normes internationales Z39.50 et WWW. Ce moteur de recherche spécialisé a connu des modifications successives, notamment en vue de l’intégration d’informations autres que purement bibliographiques dans le réseau. Les problèmes qui pourraient se poser dans la construction des bibliothèques virtuelles spécialisées sont exposés en détail et illustrés par le fonctionnement de Math-Net, un service d’informations mathématiques qui fournit des données de laboratoires de recherche allemands. Depuis peu, l’Union internationale mathématique a lancé une initiative qui reprend et développe les activités du projet Math-Net. Des réflexions sur la création de portails d’information, ainsi que sur les moyens qui permettraient d’enrichir et d’accroître les catalogues de bibliothèques tout en garantissant la plus haute qualité des informations fournies, sont de plus en plus fréquemment présentes dans la littérature professionnelle. Une question intéressante se pose dans ce contexte : existe-t-il un réel échange sur ces sujets au-delà des frontières 4 ?
Les fonds d’images
La numérisation des fonds d’images fait l’objet de deux articles. L’un se penche sur la question de l’accès aux ressources iconographiques et explore les moyens qui donneraient aux historiens et aux historiens d’art la possibilité de rechercher simultanément textes et images. Un fonds historique de blasons 5 a été utilisé comme prototype pour les recherches menées dans le cadre du projet HERON, créé afin de développer et d’évaluer des outils de recherche performants. Le choix de l’héraldique s’imposait par la précision de la terminologie du domaine, qui favorise ainsi la création d’un thésaurus. Les auteurs se disent persuadés que les outils qu’ils ont élaborés peuvent servir à d’autres applications, en n’étant que très peu modifiés.
Le second article décrit le processus de numérisation et de catalogage d’un service d’archives photographiques 6 qui concerne quelque 50 000 images historiques prises dans les anciennes colonies allemandes en Afrique et dans le Pacifique entre 1870 et 1919 7.
Le dernier numéro de l’année 2000 met l’accent sur les bibliothèques numériques. Trois articles traitent de ce sujet sous différents points de vue. Helge Steenweg 8 examine les éventuels effets à long terme de l’évolution des bibliothèques sur les secteurs de l’édition et sur la fourniture d’informations scientifiques. L’un des thèmes centraux concerne la transformation du rôle de la bibliothèque, qui est de moins en moins un « lieu », et qui devient un « centre de services » de plus en plus « virtuel ». Cela devrait entraîner des conséquences décisives à plusieurs niveaux, de l’organisation du travail de la bibliothèque et des qualifications de son personnel jusqu’à l’administration des universités et des différents réseaux. Enfin, l’auteur décrit une bibliothèque numérique en pleine évolution, la « Digibib Hessen » (du Land de Hesse) qu’elle compare avec d’autres projets similaires en Allemagne 9.
En Autriche
De son côté, Bruno Bauer rend compte des activités autrichiennes dans un article « Bibliothèque numérique d’Autriche » 10. Il présente une évaluation comparative des sites des bibliothèques universitaires et de recherche actuellement disponibles sur Internet et décrit les composants potentiels nécessaires au développement d’une telle bibliothèque 11. L’auteur suisse Willi Treichler offre ses observations sur l’incertitude dans laquelle nous nous trouvons par rapport à l’archivage à long terme des documents numériques 12. Il exprime ses doutes concernant le stockage en format numérique du patrimoine écrit de l’humanité et suggère que, pour conserver efficacement le savoir « virtuel », nous aurons toujours besoin de dépôts « réels ».
Ce même sujet est abordé d’une autre manière par Berndt Dugall 13, qui rend compte des vicissitudes d’un projet d’agrandissement des magasins et de la création d’un dépôt pour la Bibliothèque municipale et universitaire de Frankfort. Au fil des années, la nature du discours a forcément changé, en raison de l’évolution rapide des moyens de création et de communication de documents en format numérique. Dernièrement, recommandation a été faite de la création d’un dépôt régional pour six bibliothèques universitaires du Land de Hesse. L’auteur soulève la question de la justification d’une bibliothèque de dépôt aujourd’hui et fournit des calculs comparatifs des coûts. Il ne propose pourtant pas que les documents imprimés soient remplacés par des documents numériques.
D’autre part, il observe que la réduction du volume des documents à stocker s’opère par des décisions déjà prises depuis quelque temps dans les bibliothèques universitaires en Allemagne : la réduction des ouvrages acceptés par don, legs ou en provenance des laboratoires et bibliothèques d’instituts ; une meilleure gestion des thèses au niveau régional ; un désherbage selon des critères précis et en collaboration avec d’autres bibliothèques de la région.
Enfin, la revue nous offre sa bibliographie annuelle spécialisée sur « l’architecture des bibliothèques » 14. Sur dix-neuf pages, on trouve 384 références réparties sous plusieurs rubriques et sous-classées selon la localité géographique. Un résumé d’introduction nous apprend que le principe de Sullivan (« Form follows function » – la forme découle de la fonction) paraît désormais dépassé ; au contraire, la fonction s’adapte aujourd’hui à l’espace, à la forme. Quelle que soit l’issue de ce débat parmi les architectes, le fait que les références de cette bibliographie ne comportent pas de résumés même succincts reste toujours à regretter.