Les publics des bibliothèques musicales
Dans sept villes françaises, sur neuf sites différents, on a cherché à préciser les profils des publics des bibliothèques musicales : quelle est la place de la discothèque dans leurs pratiques d’écoute musicale ? Quel est leur rapport à la musique, aux professionnels, aux autres usagers ? Quelles sont leurs attentes ? Les lieux d’enquête restent grand public, puisqu’il s’agit de bibliothèques municipales et non par exemple de bibliothèques de conservatoires. Il n’en reste pas moins que les publics s’avèrent extrêmement typés. Parallèlement, on a recherché des études similaires en anglais et en allemand : quel que soit le pays (États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, Autriche), les enquêtes existent essentiellement grâce aux étudiants et aux professionnels en formation. Ne faut-il pas les dire trop rares ?
An attempt has been made to construct profiles for users of the music libraries on nine different sites in seven French towns. What place does the record collection hold in their music listening habits? What is their relationship with music, with the professionals, and with other users? What are their expectations? The places surveyed are for the general public, being municipal libraries, and not, for example, libraries of conservatoires. In fact the client groups appear to be extremely typical. At the same time surveys were being carried out in English and in German. In the countries involved (USA, Great Britain, Germany, Austria), thanks are due to the students and trainee professional staff who carried out the surveys.
Ein Versuch in sieben französischen Städten (und neun Bibliotheken) das Benutzerprofil von Musikbibliotheken durch Befragungen näher zu untersuchen. Welchen Platz nimmt die “MuBi” in den Gewohnheiten des Spielens und Hörens von Musik ihrer Benutzer ein? Wie verhalten sie sich zur Musik, berufstätigen Musikern oder anderen Bibliotheksbenutzern gegenüber? Welche Erwartungen haben sie? Die Befragung wurde nur in öffentlichen Bibliotheken durchgeführt und nicht in anderen Bibliotheken, zum Beispiel an Musikhochschulen. Dennoch weisen die Benutzer sehr typische Züge auf. Parallel dazu wurden ähnliche Studien in englischer und deutscher Sprache untersucht. In welchem Land auch immer (USA, Grossbritannien, Deutschland, Österreich) verdankt man diese vorhandenen Ermittlungen grösstenteils Studenten und Bibliothekaren in Ausbildung. Sollte das nicht etwas zu wenig sein?
En siete ciudades francesas, entre nueve sitios diferentes, se ha buscado precisar los perfiles de los públicos de las bibliotecas musicales. ¿ Cuál es el lugar de la discoteca en sus prácticas de escucha musical ? ¿ Cuál es su relación con la música, con los profesionales, con los otros usuarios ? ¿ Cuáles son sus expectativas ? Los lugares de investigación siguen siendo lugares de gran público, puesto que se trata de bibliotecas municipales y no por ejemplo de bibliotecas de conservatorios. Lo que no deja de significar que los públicos resultan extremadamente de un tipo acusado. Paralelamente, se buscaban estudios similares en inglés y alemán. Cualquiera que sea el país (Estados Unidos, Gran Bretaña, Alemania, Austria), las investigaciones existen esencialmente gracias a los estudiantes y a los profesionales en formacón. ¿ No hace falta decir que éstas son demasiado escasas ?
La musique fait partie des loisirs les plus pratiqués par les Français. C’est vrai bien entendu de l’écoute d’enregistrements, mais aussi de la fréquentation des festivals, de la pratique directe d’un instrument ou de la fréquentation de chorales 1. Les bibliothèques musicales sont une partie de l’offre d’accompagnement de cette pratique.
Cependant, les recherches concernant ces institutions ou services sont rares. Il y a notamment peu de données sur les attentes du public et ses modes de fréquentation. On pourrait certes s’interroger sur cette relative absence d’études. La musique est perçue parfois moins comme un secteur à part entière que comme un moyen d’attirer du public vers le livre, activité essentielle de la bibliothèque 2. Mais, plus généralement, les études de public sont moins fréquentes que les analyses plus orientées vers l’activité des professionnels. Elles demandent une démarche de type démarche qualité dont les bibliothèques ont moins l’habitude (ou peut-être les moyens). Enfin, les sections musicales des bibliothèques publiques constituent souvent un secteur à part, et les professionnels concernés ne reçoivent pas de formation spécifique. C’est sans doute la troisième raison de ce vide relatif des études : les occasions de formaliser les pratiques ne se trouvent alors que dans les associations professionnelles.
Les bibliothèques musicales nous installent ainsi au croisement de questions partagées par tous les professionnels des bibliothèques. Elles renvoient aux enjeux qui sous-tendent leur action : sont-elles des lieux de démocratisation des pratiques culturelles ? Elles renvoient également aux moyens dont elles disposent et qu’elles estiment nécessaires : les études d’usages sont-elles indispensables à la construction de leurs politiques ? Elles renvoient enfin à l’image du corps professionnel, toujours pris entre l’unité de ses missions et la particularisation en fonction des supports auxquels elles donnent accès.
L’enquête française
Une enquête a donc été menée en 1999 par trois conservateurs stagiaires de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib)sur le thème suivant : qui sont les usagers des bibliothèques musicales publiques ? Quels sont leurs profils, leurs besoins, leurs pratiques, leurs représentations de la musique ? Mais aussi, comment le public perçoit-il ces lieux ? Se sent-il bien accueilli ? La discothèque ou bibliothèque musicale est-elle un lieu de convivialité et d’échange ? Les documents sont-ils bien présentés, facilement accessibles, en quantité suffisante et peuvent-ils satisfaire un public large ? Enfin, les professionnels jouent-ils bien leur rôle de médiation ? Remplissent- ils correctement leur rôle de prescripteur, de formateur, de guide et de conseiller ? [cf tableau]
Un questionnaire a été diffusé sur neuf sites dans sept villes différentes : la Médiathèque musicale de Paris (Forum des Halles), la bibliothèque musicale d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), la médiathèque de l’Arche-Guédon à Torcy et de la Ferme du Buisson à Noisiel (Marne-La-Vallée), la médiathèque de Fontenay-sous-Bois (Val-de- Marne), la discothèque du centre-ville et la bibliothèque musicale de Grand-Place à Grenoble (Isère), la médiathèque Max-Pol Fouchet à Givors (Rhône), la médiathèque de Nice (Alpes-Maritimes). Un enquêteur était systématiquement présent sur le terrain pour recueillir les réponses des usagers.
Deux démarches ont été associées : l’une, quantitative, par questionnaire fermé dans les neuf sites, destinée à déterminer le profil et les principaux usages; l’autre, qualitative, par entretiens semi-directifs dans trois sites (Paris, Nice et Givors) pour affiner la connaissance des usages, des motivations du public et de leur représentation de la musique. L’échantillon total est de 200 personnes pour l’enquête quantitative et de 43 personnes pour l’enquête qualitative.
Les questionnaires – passés dans tous les cas par un enquêteur – comportaient trois blocs de questions : le profil des usagers, les usages des services offerts par les discothèques, les pratiques culturelles. Dans les trois villes précédemment citées, un entretien complétait le questionnaire afin d’aborder d’autres thèmes : la place de la discothèque dans les pratiques d’écoute musicale, le rapport à la musique, la relation aux professionnels et aux autres usagers, les attentes. Questions que l’entretien qualitatif permettait d’approcher plus efficacement.
La liste des sites où l’enquête devait être menée a été proposée par l’association Écouter Voir 3, et a été établie suivant des critères définis avec l’équipe de recherche : banlieue ouvrière, ville nouvelle, ville de cadres… Mais l’appartenance à l’association est déjà une forme de sélection des établissements, et nous avons eu affaire à des discothèques actives, phénomène perceptible notamment lors des entretiens qualitatifs : dans les trois sites d’enquêtes par entretien, les indicateurs de collections sont très supérieurs aux moyennes nationales.
Il n’a pas été facile d’articuler les rythmes de la scolarité avec les exigences de l’enquête. Nous avons dû notamment effectuer l’enquête à la Médiathèque musicale de Paris au tout début des vacances scolaires de la zone, ce qui nous oblige à nuancer les résultats présentés. Cependant, la diversité des sites et le nombre de personnes interrogées permettent d’élaborer un profil assez sûr des utilisateurs des discothèques et d’élaborer des hypothèses intéressantes quant à la diversité des motivations et de la satisfaction des usagers selon les sites. Et ceci d’autant plus que les résultats de nos travaux ont conforté – et ont été confortés par – les quelques travaux antérieurs recensés.
Qui sont les publics des bibliothèques musicales?
L’enquête de la Bibliothèque publique d’information (BPI) en 1982, comme celle de la Discothèque des Halles en 1987, mettaient en évidence un public aux deux tiers masculin, diplômé et jeune. Dans les bibliothèques interrogées, les hommes représentent 60 % en moyenne des personnes interrogées, ce qui confirme les chiffres antérieurs. Cependant, même s’il faut être prudent étant donné que notre échantillon est inférieur à trente individus dans quelques établissements, cette majorité semble bien varier suivant les lieux. Elle est de 56 % à la Médiathèque musicale de Paris, 57 % à Grenoble, mais de 80 % à Marne-Torcy ou à Fontenay.
Le public est-il aussi particulièrement jeune 4 ? Il peut être classé en trois grands ensembles pratiquement égaux de 27 à 30 % chacun : les moins de 25 ans, les 25-34 ans et les 35-54 ans. Ces chiffres sont là encore relativement concordants avec ce que l’on savait antérieurement : les bibliothèques musicales sont un lieu où l’on rencontre des gens jeunes, mais pas forcément des adolescents. Enfin, quant à leur situation familiale, il est assez logique que 40 % seulement des personnes interrogées aient des enfants, étant donné que 60 % ont moins de 35 ans.
La proportion d’étudiants varie de 3 % à Givors à 26 % à Noisiel. La dispersion des réponses données est remarquable. Ainsi, à Nice, ceux qui se disent artistes sont majoritaires (17 % environ); à Givors, ce sont les employés, les lycéens et les collégiens ; à Noisiel, à la Médiathèque de Paris et à Issy, les cadres et les étudiants ; à Fontenay, tous ceux qui sont en cours d’études (collégiens, lycéens, étudiants) ; à Marne-Torcy, toutes les catégories socioprofessionnelles et tous les niveaux scolaires; à Grenoble, les demandeurs d’emploi sont particulièrement présents, mais aussi les cadres et les étudiants.
20 à 30 % de la population – suivant les lieux – possèdent au moins une licence. 60 % environ des répondants de Nice, Grenoble ou Noisiel ont au moins deux années d’étude après le baccalauréat. On atteint 66 % environ à la Médiathèque musicale de Paris, contre 50 % à Fontenay ou Marne-Torcy et seulement 30 % à Givors.
Un recrutement diversifié
À Givors, Marne-Torcy, Grenoble et Fontenay, le recrutement est du quartier pour 30 % à 40 % . En revanche, la bibliothèque musicale de Nice recrute ses usagers à 80 % dans toute la ville, bien avant le quartier (11 %). Enfin, 60 % des usagers de Noisiel et 40 % de ceux de Marne-Torcy viennent de l’extérieur de la commune, contre 4 % à Issy-les-Moulineaux et 5 % à Nice. Ces différences sont sans doute liées à des configurations de transport ou d’équipements.
La discothèque-bibliothèque musicale n’est directement sur l’itinéraire de déplacement que de 40 % des usagers. Les usagers de Nice, Paris et Noisiel sont ceux qui se déroutent le plus (de 65 à 75 % d’entre eux).
Ainsi, les publics des bibliothèques interrogées apparaissent-ils profondément différents. Givors ou Marne-Torcy sont vraisemblablement des bibliothèques de proximité qui jouent pleinement un rôle de mise à disposition du disque comme du livre. Sans doute celles de Paris ou de Nice jouent-elles un rôle plus spécialisé, plus orienté vers les professionnels du domaine. Grenoble tiendrait un rôle intermédiaire, attirant des publics plus hétérogènes. Peut-on confirmer cette première appréhension à travers les pratiques ?
Des séjours fréquents et courts
La fréquentation des bibliothèques correspond pour un tiers à la durée du prêt : 30 à 45 % des usagers viennent une à deux fois par mois. Il n’y a qu’à Fontenay que la fréquentation est plus souvent hebdomadaire (47 %) que mensuelle ou bimensuelle (31 %). Mais si l’on cumule les usagers venant une ou plusieurs fois par semaine d’un côté, et ceux qui viennent une fois par quinzaine ou moins de l’autre, on distinguera trois ensembles de bibliothèques :
– celles où le public vient plus souvent une à deux fois par mois (Nice, la Médiathèque musicale de Paris);
– celles où le public vient autant une ou deux fois par mois qu’une fois au moins par semaine (Givors, Torcy);
– celles où le public vient plus souvent au moins une fois par semaine (Noisiel, Issy, Fontenay, Grenoble).
Rappelons que Nice et Paris sont aussi les bibliothèques musicales qui attirent le plus un public éloigné de leur lieu d’implantation. Il est donc possible que ces différences soient simplement liées à l’éloignement de l’équipement. Mais par ailleurs, la fréquentation de la bibliothèque pour les livres n’est que partiellement concomitante. Certes, la fréquentation de la discothèque suit d’assez près celle de la bibliothèque lorsque les deux sont dans les mêmes locaux. On visite également l’une et l’autre une à deux fois par mois. Mais si 33 % des usagers de Nice fréquentent la bibliothèque une fois par semaine, ils sont 52 % à le faire pour la discothèque. À Grenoble, ils sont même 68 % à revenir au moins une fois par semaine à la discothèque, alors qu’ils ne le font qu’à 53 % pour la bibliothèque. On peut donc dire que la discothèque entraîne une fréquentation plus importante que la bibliothèque. Seuls deux établissements (Issy et Givors) ont une fréquentation de la discothèque égale ou inférieure à celle de la bibliothèque.
En moyenne, les utilisateurs plus récents (moins d’un an et moins de cinq ans) représentent presque exactement la moitié des utilisateurs, les utilisateurs anciens (plus de cinq ans, plus de dix ans) représentant l’autre moitié. Mais on notera surtout la forte disparité des comportements. À Nice ou à Givors, les utilisateurs sont plus nombreux à fréquenter la médiathèque depuis plus de dix ans que les utilisateurs de moins d’un an. À l’inverse, à Paris comme à Grenoble, le renouvellement des utilisateurs est particulièrement important. À la Médiathèque musicale des Halles, le public inscrit depuis moins d’un an représente même 40 % de l’échantillon.
Les deux tiers des usagers restent en discothèque ou bibliothèque musicale moins de trente minutes, c’est-à-dire le temps de chercher des titres et de les emprunter. Un sur quatre reste plus longtemps, et même 4 % des répondants déclarent rester plus d’une heure. Cette durée correspond exactement, dans quatre bibliothèques, au nombre de personnes déclarant écouter des disques sur place. L’usager venant pour la musique reste moins longtemps, mais vient plus fréquemment que lorsqu’il vient pour le livre. Au-delà de cette constatation qui, somme toute, est logique, quels sont plus précisément ses pratiques, ses motivations, ses plaisirs, ses regrets ?
Le prêt de disques compacts
La discothèque ou la bibliothèque musicale est pour 70 % des utilisateurs interrogés (tous sites réunis), un service appréciable et apprécié dans ses fonctionnement et organisation actuels. La médiathèque de Givors, avec 93 % de taux de satisfaction générale, détient un très beau record que lui envient les établissements de Nice et de Paris, satisfaction générale liée à l’existence même d’un espace ouvert, où l’on circule librement et où la musique est omniprésente.
En règle générale, le nombre important de documents en libre accès, la sélection intéressante et variée de différents types de langages musicaux sont en soi fondamentaux et suffisants pour combler les désirs de publics aussi éclectiques que les goûts musicaux qu’ils affichent.
L’attrait des documents est ainsi le motif de fréquentation le plus souvent cité par les usagers. La musique enregistrée sur disque compact est toujours « le vecteur principal » de la médiathèque musicale. 100 % des usagers interrogés à Nice et à Givors en empruntent. On emprunte des disques pour soi, ses proches, ses enfants (notamment à Fontenay, qui se révèle ainsi comme la bibliothèque musicale la plus familiale, suivie par Givors). C’est à Nice, et ensuite à la Médiathèque musicale de Paris, qu’on vient le plus souvent uniquement pour soi.
Les utilisateurs sont encore 30 à 40 % à emprunter des livres sur la musique, et ceci de manière égale dans tous les lieux. Il s’agit essentiellement de biographies et d’ouvrages d’histoire de la musique (ces derniers ouvrages surtout à Paris et à Fontenay). Les revues musicales sont peu empruntées, sauf à Nice, Noisiel, Fontenay, Torcy et dans une moindre mesure, à Grenoble (10 à 25 % des usagers en empruntent). L’emprunt de partitions est en revanche plus important, puisqu’il concerne plus de 50 % des usagers de la Médiathèque musicale, 40 % des répondants de Nice ou de Fontenay, près de 30 % à Givors et à Grenoble. Les partitions de pop, de rock, de jazz, de blues et de chanson française sont les plus empruntées. Mais ce hit-parade cache de très fortes disparités suivant les lieux. À Nice, pop, rock, jazz et blues représentent 40 % des emprunts. À Givors, on emprunte moins souvent du pop ou du rock que de la chanson française. À Issy, le classique contemporain concurrence le jazz et le rock, et la chanson étrangère concurrence la chanson française. À la Médiathèque musicale de Paris, un tiers des usagers repart avec des partitions classiques.
Les méthodes d’apprentissage d’un instrument sont empruntées par à peine 9 % des usagers, surtout ceux de Paris et de Nice. Les vidéo-cassettes musicales sont regardées par seulement 5 % des utilisateurs. On retrouve encore l’opposition entre Paris, où les usagers viennent pour tous les supports (y compris les partitions), et Givors, où le public s’intéresse presque exclusivement aux CD.
Nécessité économique et plaisir de la découverte
24 % de l’effectif global se déclarent motivés par des facteurs d’ordre économique. Si l’accès gratuit ou presque à la production musicale représente un intérêt évident, ce n’est manifestement pas un des éléments des plus déterminants. Nuançons cependant ce constat. Les résultats varient en effet selon les villes. À Nice et à Paris, les résultats sont très sensiblement identiques alors qu’à Givors, le critère économique est beaucoup plus important : il a été cité par 43 % des usagers. Sans doute la situation socio-économique difficile de cette ville ouvrière peut-elle expliquer cette différence.
Mais la découverte, la surprise sont aussi des motifs de satisfaction très souvent mentionnés. 100 % des usagers interrogés à la médiathèque Lamartine de Nice déclarent avoir eu leur premier contact avec tel ou tel artiste ou genre musical dans les locaux de la discothèque.
Furetage, hasard sont des techniques de « recherche » largement répandues, puisque 50 % des lecteurs se dirigent spontanément vers les bacs à disques ou les rayonnages. On s’aperçoit rapidement que le véritable bonheur des usagers, dès leur entrée dans les lieux, réside surtout dans ce foisonnement musical.
Des lieux de médiation
40 % des utilisateurs de bibliothèques musicales jouent d’un instrument, et 15 % de plus en ont joué dans le passé. C’est encore à Nice et à la Médiathèque musicale de Paris que l’on trouve le plus de pratiquants (50 à 60 %), alors qu’à Noisiel, c’est le cas seulement d’un usager sur quatre. Cette utilisation d’un instrument est même assez systématique, puisqu’un tiers des personnes interrogées est dans un conservatoire ou une école de musique ; un quart prend des leçons à domicile. La Médiathèque musicale de Paris se détache nettement du lot, avec 43 % d’élèves de conservatoire ou d’école de musique, suivie par Fontenay.
Lorsque l’on interroge les lecteurs sur leurs représentations de l’univers musical, 41 % des réponses mentionnées sont liées à l’évocation de sentiments exclusivement positifs, et ce sur les trois sites. 40 % des réponses sont liées à des pratiques instrumentales ou vocales (son, mélodie, mains). 19 % des réponses mentionnent un genre musical précis, 9 % des noms de musiciens avec une grande diversité dans les références citées.
Si 60 % des usagers accordent à la musique une importance majeure, cette situation varie énormément selon les sites : 77 % de Niçois font ce type de remarque, mais seulement 14 % des Givordins. C’est le caractère existentiel de la musique dans leur vie que ceux-ci mettent en évidence. 24 % des usagers donnent plutôt une importance relative à la musique (50 % des Givordins et 23 % des Parisiens) et 9 % des répondants assignent à la musique un rôle d’accompagnement dans la vie quotidienne. « Au moins une fois par jour… j’écoute, je chante avec ma fille », déclare une lectrice givordine enfermée dans un univers quotidien monotone centré sur les travaux ménagers. Pour elle, l’écoute musicale lui apporte une évasion indispensable à son équilibre.
Cette relation forte, souvent quotidienne, à la musique explique la nécessité pour les usagers d’emprunter régulièrement et en quantité suffisante de la musique enregistrée.
L’offre et la demande
La satisfaction majoritairement exprimée (57 % des personnes interrogées dans le questionnaire ouvert) pour les politiques d’acquisitions mises en oeuvre dans les équipements concernés, ne masque pas une certaine frustration quant à la quantité de documents (manque de « nouveautés »), la qualité liée à des goûts personnels que l’on voudrait voir mieux ou davantage représentés. Il semble que plus le public est économiquement défavorisé, plus il est « consommateur de nouveautés » et influencé par les médias. C’est le cas par exemple à la médiathèque de Givors où certains utilisateurs déplorent « une sélection de disques trop élitiste » qui ne laisse pas suffisamment la place à la « variété », et présente une offre éditoriale « pas assez éclectique ».
D’autres points d’insatisfaction ont été soulignés, comme « le système de réservations » qui devrait être un peu plus efficace à Paris, ou le classement des CD à Nice. Enfin, à la médiathèque de Nice comme à celle de Paris, on déplore la taille trop restreinte du service. Les deux établissements, victimes de leur succès, sont les seules structures importantes de diffusion de documents musicaux et desservent les populations de véritables « mégapoles ».
La possibilité d’écouter individuellement sous casque les disques avant de les emprunter n’emporte pas l’adhésion des publics. Nous avons noté, en réponse à la question relative à ce service, qu’un nombre important d’usagers ignoraient même son existence ou, dans le cas contraire, ne l’utilisaient jamais. Parmi les sites qui offrent cette possibilité, seule la Médiathèque musicale de Paris enregistre un taux d’utilisation supérieure à 15 % (20 % plus précisément). Cela tient au fait que son public est plus professionnel que partout ailleurs, qu’il a sans doute une exigence de recherche plus pointue et qu’il prend moins souvent le risque d’emprunter une oeuvre musicale inadaptée.
Par ailleurs, le peu d’intérêt que les publics ont manifesté à l’égard du travail pourtant long et difficile d’animation constituera sûrement une grande déception pour les discothécaires : le public ne se sent pas vraiment concerné, et pour lui, ce n’est pas le rôle essentiel d’une telle structure. L’offre documentaire reste la préoccupation essentielle.
La médiation du personnel
Le rangement et le classement complexe des disques compacts échappent encore au public. La rivalité entre les valeurs des professionnels et celles des usagers est ici totalement mise en évidence, en raison, peut-être, du caractère subjectif de ce type de démarche. L’essentiel, en fin de compte, n’est-il pas de trouver la musique que l’on cherche, que l’on aime ou que l’on veut découvrir ? À condition que la signalétique soit efficace, que les catalogues en ligne des systèmes informatiques soient simples et agréables, et enfin, que le personnel soit lui aussi « simple », avenant et disponible, même si sa technique de classement est parfois contestée et contestable, chacun repartira muni de l’œuvre désirée ou d’une autre très proche.
Les relations aux autres usagers
On vient rarement à la discothèque pour « parler musique ». Exception faite de la bibliothèque musicale de Nice qui totalise 47,2 % de réponses positives, converser autour d’une belle prestation de « Bird », d’une excellente interprétation d’un trio de Schubert, ou encore du dernier DJ en vogue, ne se fait pas souvent : la discothèque n’est pas considérée comme un lieu qui se prête à ce style de d’échange. Hormis Nice, seules trois villes ont des résultats supérieurs à 15 %: Fontenay, Noisiel, Grenoble (18 % à 25 %).
Pourquoi? Certains disent comme ce lecteur parisien que « c’est trop personnel », d’autres à Nice parlent plutôt « d’intimité », beaucoup se réfugient derrière le fameux « pas le temps, trop pressé ». Il semble d’ailleurs que la ville de Nice est, dans ce domaine précis, particulièrement favorisée, puisque les non-actifs y sont nombreux et ont donc tout loisir de pouvoir « discuter musique » dans les locaux de la discothèque.
Une médiation indirecte
L’activité de « médiation » s’exerce de ce fait plutôt de façon indirecte. Par exemple, à la question « Regardez-vous les documents exposés sur les présentoirs de la discothèque ? », 65% d’usagers répondent par l’affirmative. Dans certains sites comme Grenoble (93 %), Noisiel (87 %) ou encore Nice (86 %), cela frôle le « réflexe conditionné ».L’activité de conseils, d’information voire de prescription du personnel, est ici indirecte, mais très appréciée.
Mais c’est essentiellement dans le domaine de l’aide à la recherche documentaire que le rôle du personnel est le mieux et le plus efficacement perçu. Ainsi, et afin de tenter une comparaison entre la bibliothèque et la discothèque à travers les services d’accueil, d’orientation et d’information des lecteurs, nous avons posé la question suivante : « Pour rechercher un document, vous adressez-vous au personnel de la bibliothèque? de la discothèque ? » Nombre de professionnels des bibliothèques musicales estiment en effet que l’une des causes essentielles d’insatisfaction des usagers des bibliothèques publiques se situe au niveau d’une absence d’accueil organisé, de la complexité des outils de recherche documentaire, du manque de disponibilité du personnel, ou encore de son abord peu engageant, parfois même peu courtois.
Une personne sur trois ou quatre utilise le catalogue pour ses recherches. À Givors surtout, mais aussi à Grenoble, Torcy, Fontenay, Nice, et dans une moindre mesure, à Noisiel, on s’adresse facilement au personnel (de 20 à 40 % des usagers le font souvent ou toujours). Et même si l’on cumule ceux qui s’adressent seulement rarement aux discothécaires, on parvient à une moyenne de 68 %. Ce chiffre est supérieur de dix points, dans notre enquête, à ceux qui disent s’adresser au personnel de la bibliothèque pour leurs emprunts de livres (57 %). Le classement des disques est-il plus complexe que celui des ouvrages ? Les catalogues sont-ils plus simples à utiliser au niveau de la recherche des documents imprimés ? Le discothécaire est-il plus facilement abordable et la musique est-elle considérée comme moins élitiste que la littérature ? Est-ce l’âge des utilisateurs, la représentation qu’ils ont du discothécaire et du bibliothécaire? Il est difficile de déterminer les raisons précises de cette forte demande d’aide à la recherche documentaire mise en valeur dans les réponses.
Ceci est d’autant plus complexe que les résultats des questionnaires semi-directifs ont démontré que le personnel ne donne qu’une satisfaction très limitée au niveau du conseil direct et n’a qu’un rôle de prescripteur très marginal par rapport aux médias (Givors), ou aux relations personnelles et professionnelles (enseignants, amis ou collègues). 36 % des Niçois, quant à eux, réclament davantage de conseils de la part du personnel et 29 % d’entre eux souhaitent une amélioration de l’accueil. Le public considère les professionnels moins comme des diffuseurs que comme des médiateurs. Le manque d’intérêt pour la prescription directe a été également très symboliquement exprimé à travers le faible succès remporté auprès des utilisateurs par les animations et les discographies sélectives.
Les bibliothèques musicales à l’étranger
Cette enquête sur les usagers et les usages des bibliothèques musicales en France a donné lieu à une réflexion sur l’état de l’art à l’étranger, plus précisément dans des pays où la musique est traditionnellement un élément important dans la majorité des bibliothèques. Ceci pour deux raisons : en premier lieu, pour donner un aperçu de la situation au-delà des frontières et ainsi permettre une évaluation comparative; en second lieu, étant donné la pénurie des données nationales à ce sujet, pour fournir quelques informations sur les méthodes et résultats d’enquêtes étrangères, qui pourraient aider à réfléchir sur la préparation des questionnaires et des entretiens.
Nous avons cherché des données concernant les usagers et usages des bibliothèques musicales dans les pays suivants : les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. L’hypothèse de départ était la suivante : dans les pays où la musique est bien établie dans le paysage des bibliothèques, où les « bibliothécaires musicaux » reçoivent une formation spécialisée (du moins élémentaire), et où l’on s’intéresse depuis longtemps aux profils et aux opinions des usagers, les institutions concernées doivent forcément mener des enquêtes de public. Cette supposition n’a cependant pas été validée, car, paradoxalement, les études sur ce sujet dans les pays examinés sont presque aussi rares qu’en France.
La méthode de travail consista essentiellement dans l’analyse de la littérature professionnelle récupérée sur les bases de données de Information Science Abstracts (ISA) et de Library Literature. Une collègue américaine a mené une recherche bibliographique de « contrôle » sur le Répertoire international de la littérature musicale (RILM). Ces études ont été complétées par un balayage de sites Internet. Les pages web des associations professionnelles nationales (par exemple Music Libraries Association-MLA aux États-Unis) ou internationales (notamment de l’Association internationale des bibliothèques musicales-IAML/AIBM) n’ont malheureusement pas rapporté d’informations très pertinentes pour le sujet, mais ont permis de suivre quelques liens intéressants, par exemple vers le projet européen Harmonica 5.
Le résultat global n’étant pas très satisfaisant, nous avons envoyé une série de lettres et de courriers électroniques à l’adresse de plusieurs établissements réputés pour leurs collections musicales, ainsi que d’associations professionnelles concernées. Par ce moyen, nous avons obtenu des informations supplémentaires, dont trois documents sur des enquêtes récentes menées en Allemagne, un rapport succinct des statistiques britanniques, et plusieurs courriers exprimant les opinions et idées des bibliothécaires musicaux, surtout en provenance des États-Unis.
Les informations arrivées depuis l’Autriche et la Suisse indiquent que les enquêtes auprès des usagers de bibliothèques musicales sont inexistantes ou non diffusées. Parmi les articles américains recensés, un seul est assez récent et pertinent pour être retenu. Les données proposées par la Grande-Bretagne sont uniquement quantitatives et nous laissent sur notre faim en ce qui concerne les besoins et les souhaits des usagers. Enfin, en Allemagne, plusieurs bibliothèques musicales ont entrepris des enquêtes plus détaillées auprès de leurs usagers, mais depuis la dernière décennie seulement. C’est donc dans ce pays que des rapports permettraient une comparaison éventuelle des usagers et des services rendus. Il reste à se demander si l’on peut vraiment comparer les discothèques françaises aux bibliothèques publiques allemandes, car la structure de l’offre musicale dans les bibliothèques des deux pays est très différente.
Deux enquêtes (Hambourg, 1995 6 ; Stuttgart, 1998 7) et une étude comparative (Düsseldorf/Francfort/Nüremberg, 1997 8) indiquent des profils d’usagers similaires à ceux qui sont relevés en France : le public est en majorité de sexe masculin (de 55 à 62 % 9) et jeune (entre 19 et 35 ans). Parmi eux, la plupart ont une formation universitaire et pratiquent la musique (65 à 80 %). La bibliothèque est utilisée principalement pour faire des emprunts et pour consulter le catalogue 10. La majorité des usagers viennent à la bibliothèque régulièrement pour une visite de trente minutes en moyenne. Dans ces domaines également, il y a apparemment peu de décalage entre les habitudes des usagers dans les deux pays.
En revanche, les usagers allemands empruntent en premier lieu des partitions, un chiffre que les prêts des disques compacts rattrapent peu à peu. L’enquête de 1998 à Stuttgart montre ce début de prédominance du CD (85 %), avant le prêt de partitions (74 %) et des livres (55 %). En général, les usagers des bibliothèques musicales allemandes sont satisfaits de l’offre et des services rendus par le personnel, mais exigent un plus grand choix de genres, ainsi qu’une possibilité plus grande de consultation sur place (audio et vidéo). Il faut également souligner qu’en général, les bibliothèques musicales allemandes s’engagent fortement dans la vie culturelle locale (concerts, conférences) et créent ainsi une forme d’usage complémentaire et amplement apprécié.
Enfin, on notera que les enquêtes allemandes conservent une distinction qui peut nous sembler déconcertante entre « musique sérieuse » (E-musik) et « musique de divertissement » (U-musik), distinction qui rappelle l’approche exclusivement pédagogique des bibliothèques musicales au début du XX e siècle.
Qu’avons-nous pu tirer des données américaines et britanniques? Comme déjà mentionné, le plan de 1993 (Music Library and Information Plan) et les rapports annuels publiés par la section britannique de l’Association internationale des bibliothèques musicales (IAML) se réfèrent presque exclusivement aux caractéristiques des collections et au prêt. On trouve peu d’informations sur les usagers des bibliothèques musicales, leurs comportements et leurs souhaits.
Quant à l’étude de Jeanette Casey et Kathryn Taylor, malgré son titre alléchant 11, elle se borne à une enquête historique et fournit une esquisse du développement des bibliothèques musicales publiques et universitaires aux États-Unis. Pour compléter ces données, les auteurs ont mené des enquêtes téléphoniques auprès des bibliothécaires musicaux. Ils proposent trois grandes lignes d’évolution des services et des usages au cours des trente dernières années : la numérisation et la vidéo musicales; l’usage de l’ordinateur pour le travail en bibliothèque; et les genres de musique désormais écoutés et étudiés. Concernant ce dernier point, elles constatent l’augmentation formidable en demandes pour la musique populaire et non occidentale qui peut être liée directement aux changements démographiques aux États-Unis. D’autre part, elles insistent sur le fait que « l’ordinateur augmente de façon énorme les attentes des usagers concernant la vitesse, le volume et la facilité d’accès à l’information. Ils veulent tout et ils le veulent maintenant ! » 12. Pour terminer, les auteurs soulignent la nécessité de mener des enquêtes auprès des usagers afin de réaliser le plein potentiel des bibliothèques musicales. Mais malgré leur souhait, nous n’avons pu localiser aucune étude depuis la publication de cet article.
Une observation transmise par courrier électronique 13 peut éventuellement élucider ce déficit. Selon l’avis d’une bibliothécaire musicale américaine, des enquêtes auprès des usagers sont habituellement menées par les stagiaires bibliothécaires au cours de leur travail pratique, ou par les bibliothécaires débutants. Comme les étudiants manquent souvent d’une connaissance des publics concernés et des outils de recherche à utiliser, les études qu’ils engagent sont rarement exploitables et, par conséquent, restent non publiées.
Les résultats de notre étude nous ont conduites à une réflexion parallèle qui s’est concentrée sur deux thèmes. Le premier concerne le rôle des enquêtes auprès des publics des bibliothèques musicales. Comme on a pu l’observer, la plupart des études présentent les profils des usagers et un catalogue de leurs attentes et de leurs suggestions. Mais quel est leur intérêt principal, leur vraie utilité? Autrement dit, une enquête ne devrait-elle pas être le moyen de procurer des données qui servent à un but précis et non une fin en soi? Elle est d’autant plus cohérente qu’elle s’insère dans un projet, dans une politique, dans des réalisations. L’enquête hambourgeoise, par exemple, prévoit des changements dans la bibliothèque selon les propositions et les souhaits des usagers, et ensuite une évaluation des modifications apportées. L’étude menée à Stuttgart servira lors de la réinstallation de la bibliothèque musicale dans la nouvelle bibliothèque centrale de la ville.
À partir du projet Harmonica mentionné ci-dessus, on peut aussi s’interroger sur l’utilisation des « nouvelles technologies ». Comment les usagers des bibliothèques musicales approchent-ils les nouveaux accès à la musique (à travers Internet par exemple) ? Quel est leur rapport avec les interfaces mises à leur disposition (audio, multimédias…) ? En corollaire, peut-on anticiper l’usage des logiciels spécialisés pour mener des enquêtes électroniques auprès des usagers 14 ?
Nous avons constaté la pénurie presque universelle d’études sur les usagers et les usages de bibliothèques musicales « traditionnelles ».Au lieu d’essayer de rattraper ce retard, ne serait-il grand temps de s’occuper, dès maintenant, du développement des bibliothèques musicales « virtuelles » qui répondent aux besoins de leurs usagers et offrent « un lieu d’intégration et de démocratisation d’accès à la culture musicale » ?
Conclusions
Il nous apparaît bien nécessaire de conserver le pluriel : il y a bien des publics dans les différentes médiathèques et bibliothèques musicales. Non seulement les lieux sont typés (Givors, on l’a compris, n’est ni Paris ni Nice), mais encore, à l’intérieur du même lieu, se croisent des usagers « professionnels », des usagers « existentiels », des usagers qui ne demandent à la musique qu’un fond sonore et un peu de rêve. Mais nul ne peut s’en plaindre. Les bibliothèques municipales et les discothèques qui les complètent ne sont-elles pas là pour répondre à une demande aussi diverse que les publics résidant dans leur entourage? Et ceci même si certains lieux (Nice, Paris, Grenoble, et peut-être Fontenay) jouent visiblement un rôle plus spécialisé, alternant la réponse au grand public et une fonction de bibliothèque musicale d’étude. La complémentarité d’une médiathèque ou bibliothèque musicale se raisonne ainsi non seulement par rapport à l’offre de livres, mais aussi par rapport à l’offre des autres institutions (bibliothèques de conservatoire par exemple). Une bibliothèque musicale fait un effort de démocratisation non seulement quand elle cherche à drainer par la variété des supports des publics de plus en plus diversifiés, mais aussi quand elle met à disposition de ceux qui en ont besoin des documents parfois spécialisés.
Malgré tous les aléas de la recherche, nous avons voulu ici nous interroger sur des points qui sont les plus difficilement repérables : quelle est la relation d’un usager à ce qu’il emprunte, et qu’est-ce qui se joue entre le document, son emprunteur et le professionnel qui le lui offre? Nous avons bien conscience des insuffisances et maladresses de nos approches. Mais il semblait plus urgent de faire une large place à ces interrogations, pour nous plus dynamisantes que les éléments quantitatifs. L’importance de la médiation indirecte par exemple, la difficulté éprouvée par les utilisateurs à parler de leurs joies musicales, leur repli sur la sphère privée, ne sont pas sans conséquences pour la construction d’une relation efficace à l’usager, plus proche de ses attentes. On pourrait par contre espérer que, à l’instar des bibliothèques musicales allemandes, la participation à l’animation musicale des villes puisse entrer de manière cohérente dans une politique respectueuse de ses attentes.
Enfin, l’importance des associations professionnelles apparaît : palliant l’absence de formation spécialisée, elles constituent réellement des réseaux dans lesquels et par lesquels les pratiques peuvent être pensées et trouver leur intelligence. D’autre part, nous avons vu que, aux États-Unis, les enquêtes d’usage en ce domaine n’existaient que par les étudiants. Certes, le temps de formation est propice à la réflexion. Mais sans une formation spécialisée, les occasions de travailler ces sujets se font rares. Ne faut-il pas dire alors trop rares ?