Les cultures étudiantes

La Création sociale : sociétés, cultures, imaginaires, n° 4, 1999

par Anne Kupiec
Grenoble : Université Pierre Mendès-France, Centre de sociologie des représentations et des pratiques culturelles, 1999. – 224 p. ; 21 cm. - ISSN 1279-5070 : 75 F/11,43 euro

La livraison de cette revue de sociologie est susceptible d’intéresser les très nombreux bibliothécaires qui accueillent des étudiants. En effet, ce numéro de La Création sociale est consacré aux cultures étudiantes à travers deux ensembles d’articles. Le premier rassemble les contributions de trois chercheurs qui ont mené une étude approfondie de 1991 à 1994. Le second rend compte d’enquêtes plus récentes sur le même sujet dont l’une est précisément consacrée aux « Pratiques et modèles de comportements des étudiants dans les bibliothèques » de Grenoble.

Étudiants et culture

Les textes relatifs à l’étude approfondie font découvrir, ou rappellent, la nature des liens que les étudiants entretiennent avec la culture – ou ce qui est ainsi nommé. À ce titre, le bilan de Jean-Olivier Majastre, « État des lieux : chronique des années 90 » est particulièrement éclairant. Grâce à des entretiens – partiellement retranscrits ici – menés avec des étudiants grenoblois et à une synthèse sur l’évolution du mode d’habiter estudiantin, c’est un portrait assez complexe qui se dessine. Celui-ci fait ressortir les motivations et les représentations qui ont conduit ces étudiants à l’université. Ce qui contribue, ainsi que l’écrit Jean-Olivier Majastre, à « repérer leur vision du monde et leur inscription dans ce monde-ci », mais aussi à constater la forte évolution de la représentation du statut d’étudiant ces dernières décennies.

Dans son analyse portant sur les effets d’une animation culturelle menée au sein et à l’initiative de l’université et destinée à élargir l’environnement culturel et les pratiques des étudiants, Françoise Estréguil constate que c’est avant tout un public de « déjà » pratiquants qui assiste aux animations proposées. Mais elle souligne aussi que l’arrivée à l’université semble bien déclencher une « boulimie » culturelle, y compris chez ceux qui n’étaient pas pratiquants antérieurement.

Ainsi, une relative uniformité étudiante en termes de pratiques et de représentations culturelles peut être mise en évidence par Nicole et François Berthier. Ils rappellent cependant que ce tableau est nuancé par des distinctions résultant du cycle et de la filière suivis et par ce qu’ils nomment la « motilité » ou la « tonicité » des étudiants, c’est-à-dire par « la propension à la sortie, la largeur de vue et le désir de nouveauté ».

Pratiques culturelles et mobilité des étudiants

Par le biais des attributs respectifs d’Hermès et d’Hestia, l’enquête récente de Gil Arban met en lumière la différenciation des pratiques culturelles et de la mobilité des étudiants. L’intensité des pratiques culturelles va de pair avec celle de la mobilité et une représentation de la proximité pour les adeptes d’Hermès. À l’inverse, ceux d’Hestia sont peu mobiles et peu pratiquants et privilégient une sociabilité de proximité. Ceux qui résident dans une cité universitaire sont plus nombreux dans cette dernière catégorie, ils sont aussi plus nombreux à être issus de classes populaires. À ces pratiques et à cette mobilité différenciées correspondent des représentations du statut d’étudiant qui le sont tout autant.

Enfin, l’enquête de Jean-Pierre Juy sur les pratiques et les comportements estudiantins dans les bibliothèques de Grenoble apporte des éléments complémentaires de compréhension. Cette enquête a été réalisée en 1996 dans la perspective d’un colloque organisé par Médiat (le Centre régional de formation aux carrières des bibliothèques de Grenoble). Grâce aux cinq cents personnes interrogées, Jean-Pierre Juy montre que les profils des publics varient suivant les bibliothèques fréquentées et que le « fonctionnement de chaque bibliothèque est ainsi affecté par un mode d’utilisation prépondérant ». À partir du regroupement d’attributs permettant de constituer trois registres (travail concret, travail abstrait et agrément), les pratiques, les motivations de venue, la notion de plaisir et les représentations de la bibliothèque et du savoir distribuent inégalement les publics interrogés.

Finalement, le compte rendu de ces enquêtes diversifiées, bien que concernant exclusivement la situation grenobloise, constitue un riche ensemble qui permet de mieux connaître les représentations des étudiants et sans doute de mieux comprendre leurs comportements.