Document numérique

Gestion des documents et gestion des connaissances

par Jean-Philippe Accart
coordonnateurs Gérard Dupoirier, Jean-Louis Ermine. – Document numérique, vol. 3, n° 3-4, déc. 1999. - Paris : Hermès Science Publications. – 350 p.; 24 cm. - ISBN 2-7462-0094-5/ISSN 1279-5127 : 393,57 F / 60 euros.

Ce numéro de la revue Document numérique consacré à la gestion des connaissances fait suite à une précédente publication consacrée aux bibliothèques numériques 1. Dans leur introduction, les deux coordonnateurs du présent volume soulignent, à juste titre, le nombre grandissant de parutions sur ce sujet et l'usage souvent abusif du mot « connaissance » ou de l'expression « gestion des connaissances ». Leur objectif n'est pas d'être exhaustif, mais de dresser un état des lieux et d'analyser la relation existante entre les documents et les connaissances. Pour eux, « la gestion des connaissances relève de la gestion de la complexité, de ce qui est lié et tissé ensemble dans une dynamique paradoxale de régulation et de désordre ».

Une quarantaine d'auteurs, issus du monde des sciences de l'information, de la recherche et de l'informatique, apportent leur contribution à ce volume. Afin d'en faciliter la lecture, les articles ont été regroupés en trois catégories.

Retours d'expérience

La première catégorie s'attache aux « retours d'expérience » : à partir de faits et d'expérimentations, une démarche analytique de résolution des problèmes du bas vers le haut est alors entreprise. L'exemple d'un système de consultation de documentation technique (SCDT) chez EDF est présenté (H. Assadi, C. Gros). Afin de faciliter l'accès de cette documentation aux ingénieurs et techniciens, le système fonctionne grâce à la technique de l'hypertexte et permet de naviguer dans une table des matières et des index. La recherche est possible en plein-texte. Le SCDT est un système issu de l'ingénierie des connaissances; il est « orienté métier », construit au plus proche des besoins des utilisateurs. Le Laboratoire moderne de soudage (LMS) du Commissariat à l'énergie atomique a souhaité valoriser son patrimoine expérimental en soudage par faisceau d'électrons (J.-M. Van Craeynest, E. Bühlmann, A. Fontes, D. Perel). Une conduite de projet d'une année a permis la rédaction d'un recueil de connaissances, le conditionnement des archives, la mise en place d'une base documentaire et d'une base de cas de soudage. Valoriser les acquis techniques, tel était l'objectif de départ : une véritable politique de préservation de ces acquis est désormais possible intégrant les hommes, les documents, les bases de données et les outils de traitement. D'autres articles traitent de bases de connaissances en médecine conçues comme un système d'aide à la décision (J. Bouaud, B. Séroussi, E. C. Antoine) ou des patrimoines informationnels en santé (J. Charlet, M. Daigne, V. Leroux).

Théorie

La seconde catégorie de contributions s'attache à la théorie en associant une problématique et la réflexion systémique dont elle est issue. C'est le cas dans différentes approches de projets de capitalisation des connaissances, à travers le filtre de la théorie de l'information et de celle des connaissances (J. Caussanel, E. Chouraqui). La recherche documentaire est étudiée selon différents types de représentation des documents et les techniques d'indexation utilisées (C. Roussey, S. Calabretto, J.-M. Pinon). La question de la représentation de connaissance, telle qu'elle est comprise en intelligence artificielle, et celle du document par rapport au World Wide Web se pose : les outils spécifiques du Web (en dehors des robots) sont explorés tels les pages à connaissance ajoutée, les serveurs et éditeurs de connaissance, le langage XML (J. Euzenat). La découverte de connaissance à partir de bases textuelles fait appel à une démarche dégageant les structures cachées dans les corpus de textes (L. Favier). L'indexation documentaire dans les bibliothèques audiovisuelles numériques, notamment à l'Institut national de l'audiovisuel (Ina), doit être instrumentée en s'appuyant sur les techniques d'ingénierie des connaissances et d'intelligence artificielle (T. Dechilly, G. Auffret, V. Brunie, B. Bachimont). La rédaction de documents techniques, de spécifications formelles est un autre exemple d'application de la représentation des connaissances et de l'ingénierie linguistique (A.-J. Fougères, P. Trigano). Les connaissances contenues dans les documents audiovisuels font l'objet d'annotations spécifiques. Pour êtres exploités, des outils contextuels sont mis en place à l'Ina (Y. Prié, A. Mille, J.-M. Pinon). Formaliser les écrits produits par les organisations nécessite des outils de structuration (M. Lewkowicz, M. Zacklad).

Réflexion

La troisième catégorie de textes comporte des articles de réflexion transversaux et prospectifs. Quelques aspects du passage des connaissances aux documents « collectifs » sont analysés, ainsi que l'appropriation des connaissances par les utilisateurs du dispositif de capitalisation (E. Kolmayer, M.-F. Peyrelong). Le cycle de vie des connaissances dans l'entreprise est étudié dans un objectif de transmission entre jeunes et anciens : les outils de groupware et de gestion électronique de documents sont de nouvelles possibilités (J.-F. Ballay). La connaissance, ressource immatérielle, est un avantage concurrentiel pour l'entreprise : cette dimension managériale doit être prise en considération notamment dans les activités de service (A. Bounfour). Les bibliothèques virtuelles voient une collaboration s'établir entre l'architecte, l'ingénieur et le cogniticien, ce dernier spécialiste de l'homme, de sa psychologie. Le cogniticien est le réel « bâtisseur » des espaces de représentation des cultures et des connaissances.