Cantor et Musicus

la musique dans les manuscrits de la bibliothèque interuniversitaire Médecine de Montpellier

par Benoît Lecoq
sous la responsabilité scientifique de Mireille Vial. - Montpellier : Bibliothèque interuniversitaire de Montpellier, 2000. – Cédérom PC, configuration minimum PC Pentium, 16 Mo de RAM, Windows 95/98. - ISBN 2-907387-28-6 : 395 F/60,22 euros.

Maintenant que l’usage des nouvelles technologies s’est vulgarisé et que, partant, les effets de mode commencent à s’estomper, il est aisé de distinguer les projets fondés sur une approche pertinente et raisonnée des ressources du multimédia de ceux qui tiennent surtout au souci de donner un gage à la modernité. On l’aura compris, le cédérom que vient d’éditer la bibliothèque interuniversitaire (BIU) de Montpellier sous le titre érudit mais justifié de Cantor et Musicus échappe entièrement à ce travers.

Outil de référence et initiation à la musique médiévale

La richesse des fonds conservés à la bibliothèque de médecine de la BIU de Montpellier est telle que les ensembles méritant de faire l’objet d’une exploitation numérique y sont sans doute plus nombreux qu’ailleurs. Mais quoi de plus judicieux que de commencer par un thème qui se prête si naturellement à un traitement multimédia! Nul ouvrage, si abondamment illustré de documents visuels et sonores soit-il, n’aurait pu égaler l’apport de ce cédérom : par la quantité des documents reproduits, par la sûreté des commentaires qui les accompagnent, par la qualité des illustrations, par la richesse des liens hypertextuels, par le soin apporté aux enregistrements (dont plusieurs inédits) et, couronnant le tout, par le souci pédagogique qui anime l’ensemble, cette réalisation constitue à la fois un outil de référence pour le chercheur chevronné et une excellente initiation à la musique médiévale pour le simple curieux.

Le menu principal offre un choix de quatre rubriques : les manuscrits; les instruments; la musique au fil des siècles; la bibliothèque. Si la première est, comme on le verra, plus spécialement dédiée au musicologue averti ou au spécialiste des manuscrits médiévaux, les trois autres peuvent intéresser le « grand public ». La partie consacrée à la bibliothèque propose un historique précis de la bibliothèque de médecine de l’université de Montpellier et des prestigieux locaux qui l’abritent, le tout complété par une galerie de portraits restituant la vie et l’œuvre de ceux qui l’ont illustrée; le bibliothécaire est également heureux d’y trouver, rapidement dressés, la liste des services qu’offre la bibliothèque interuniversitaire.

La musique au fil des siècles constitue un remarquable panorama de l’histoire de la musique médiévale, abondamment illustré d’extraits sonores et intelligemment servis par une large gamme de critères sélectifs : notation, écrits théoriques, hommes et oeuvres, techniques et pratiques, formes et répertoires, chant, liturgie et église chrétienne. Qui veut rafraîchir sa mémoire, ou tout simplement apprendre, a intérêt à aborder sa navigation par ce cap. Le chapitre consacré aux instruments permet de se familiariser de façon ludique avec, par exemple, le luth-guitare ou la cithare psalterion, puisque de courts extraits vidéo donnent à voir et à entendre l’instrument « en action ».

La section des manuscrits est, comme il se doit, la plus riche et la plus fouillée : à travers les extraits de quarante-trois manuscrits – au premier rang desquels il faut citer le fameux chansonnier de Montpellier du XIIIe siècle ou encore un tonaire du XIe siècle –, on y trouve pas moins de 400 folios commentés et de 250 études musicologiques, sans oublier trente minutes d’enregistrements, 450 zooms et d’utiles transcriptions qui permettent de visualiser, présentés sous la forme d’une partition moderne, les extraits sonores que l’on écoute.

Choix de recherche multiples

Tout au long de la consultation de ce cédérom, les choix de recherche sont multiples. Ils peuvent se faire à partir de critères musicaux (types de notation, genre musical, mot-clé), mais aussi de critères iconographiques (types d’illustration, techniques, thèmes, mots-clés). Le croisement de ces critères ouvre la voie à d’intéressantes trouvailles. Un glossaire, absolument indispensable au néophyte, une bibliographie nourrie et la possibilité de créer des « signets » complètent cet ensemble. Ajoutons encore que ce cédérom est consultable, au choix, en version française ou anglaise, et qu’il devrait se prolonger par une base de données accessible sur Internet.

Le succès de cette entreprise tient d’abord sans doute à la ténacité de son auteur principal, Mireille Vial, conservateur chargé du fonds ancien de la bibliothèque de médecine. Il est également dû aux très nombreuses collaborations dont elle a su s’entourer. Le concours d’universitaires français et étrangers, d’historiens de l’art et de musicologues, d’instrumentistes, de traducteurs, l’aide apportée par l’Institut de recherche et d’histoire des textes (IRHT), le Centre informatique national de l’enseignement supérieur (Cines) et le Service universitaire de la formation continue à Montpellier (Sufco), ainsi que l’apport de sociétés spécialisées dans la conception et le développement ont, à l’évidence, été déterminants.

Venu de ma part – je fus, autrefois, à l’origine du projet –, un compte rendu par trop élogieux aurait quelque chose de suspect… Je conclurai donc par trois critiques, l’une portant sur un aspect technique, l’autre sur la présentation, la troisième sur la diffusion. La nécessité, pour lire correctement le cédérom, d’installer la bonne version de Quicktime peut légitimement déconcerter l’utilisateur courant et obère peut-être une consultation en réseau. Il est dommage aussi qu’un outil au contenu si séduisant soit enveloppé dans une couverture un peu falote. Enfin, précisément parce qu’il est excellent, on souhaiterait pouvoir acquérir ce cédérom ailleurs qu’à la BIU de Montpellier et le trouver dans toutes les bonnes librairies!