Sauvegarde des collections du patrimoine

la lutte contre les détériorations biologiques

par Marie-Lise Tsagouria

Françoise Flieder

Christine Capderou

Paris : CNRS Éditions, 1999. – 255 p.; 25 cm. ISBN 2-271-05616-0 : 190 F/28,97 euros.

L'’ouvrage apparaît à la fois comme la synthèse de près d'une quarantaine d'années de recherche menée par Françoise Flieder au CRCDG (Centre de recherches sur la conservation des documents graphiques), complétée par des recherches bibliographiques permettant une présentation globale du sujet abordé. Il découle naturellement de l'origine des auteurs que l'accent soit néanmoins particulièrement mis sur les collections graphiques du patrimoine culturel.

Sont abordés dans quatre grandes parties les thèmes suivants : la description des agents biologiques de détérioration et de leurs effets sur les matériaux organiques, la prévention contre les agents biologiques, les traitements de désinfection et de désinsectisation, les sinistres naturels et accidentels.

Les agents biologiques de détérioration

Le premier chapitre de cette partie présente de manière détaillée les bactéries, champignons et insectes susceptibles de s'attaquer aux biens culturels. La description scientifique des données de morphologie, de croissance, de reproduction, d'identification et de classification, même sommaire, peut paraître un peu aride au lecteur non initié, mais elle est complétée par des illustrations – dessins et photos – qui facilitent l'apprentissage, notamment pour l'identification des insectes.

Sont ensuite présentés les modes de détection du type et du niveau de contamination : prélèvements d'air dans les zones de stockage, frottis sur les oeuvres, puis mise en culture sont les étapes indispensables pour obtenir une information fiable sur l'activité des champignons. La détection des insectes se pratique, elle, par l'utilisation de pièges de différentes natures ou de détecteurs mécaniques ou acoustiques pour les bois d’œuvre ou objets en bois.

La manière dont les matériaux organiques, constitutifs des objets patrimoniaux, réagissent aux attaques constitue le troisième chapitre. Sont successivement abordés les matériaux d'origine végétale, animale, puis les polymères de synthèse et les polymères artificiels..140 L'approche très chimique du sujet le rend assez ardu.

Prévention contre les agents biologiques

Cette partie fournit d'abord un rappel des consignes générales à respecter lors de la conception et de l'aménagement de bâtiments destinés à accueillir des collections patrimoniales. Les règles d'implantation, de construction et d'entretien des locaux sont complétées par des informations pratiques utiles concernant le mobilier : matériaux, fabrication et implantation des rayonnages et des vitrines, incluant pour ces dernières le traitement du microclimat qui s'y forme par du gel de silice. Quelques recommandations élémentaires sur l'entretien et le rangement des collections figurent également.

Suit un chapitre essentiel concernant le traitement et le contrôle de l'air à l'intérieur des bâtiments, les conditions de température, d'humidité et de pollution étant les facteurs déterminants du risque de dégradation biologique. Les conditions climatiques à obtenir sont étudiées, avec toute la difficulté inhérente à cet exercice; les instruments de mesure à utiliser sont décrits, de même que les différents moyens permettant de traiter l'air : chauffage, refroidissement, déshumidification, humidification, filtration des particules et des gaz, ventilation.

Désinfection et désinsectisation

L'échec des mesures de prévention ou la survenue d'accidents (inondation par exemple) contraint à employer des techniques de désinfection ou de désinsectisation pour parer à la virulence des infestations et aux dégradations qui risqueraient d'en découler. Les deux volets en sont le traitement des locaux et celui des collections.

Le traitement des collections est de loin le plus complexe, puisqu'il implique systématiquement leur déplacement. En effet, un assez long chapitre sur le « traitement préventif » des collections qui permettrait leur maintien en place laisse un peu le lecteur sur sa faim, puisqu'il est amené à conclure que, malgré la longue liste des produits étudiés, aucun ne donne vraiment satisfaction.

Le cœur de cette partie est donc constitué par la présentation des différents procédés permettant le traitement curatif des collections : procédés physiques ou chimiques ayant un effet bactéricide, fongicide et insecticide ou seulement insecticide. Il ressort de cette quarantaine de pages que seul le traitement à l'oxyde d'éthylène, avec toutes les précautions d'emploi qu'il impose, permet la désinfection des documents ou des oeuvres contaminés par des champignons, mais qu'en revanche une simple infestation par des insectes peut n'être traitée que par une méthode non chimique : atmosphère modifiée, appauvrie en oxygène ou enrichie d'un autre gaz, ou par la congélation. Des protocoles opératoires détaillés sont fournis pour les principaux procédés évoqués.

Sinistres naturels et accidentels

Le déclenchement de sinistres est souvent à l'origine d'une contamination biologique occasionnée par un excès d'eau : inondation, rupture de canalisation, eau d'extinction d'un incendie… Ce lien évident avec le sujet principal de cet ouvrage donne le prétexte à ses auteurs pour faire un rappel sur les modes de détection et d'extinction des feux, avant de traiter des différentes méthodes d'assèchement des documents : séchage naturel, par congélation et lyophilisation, voire par micro-ondes. Sont aussi brièvement présentées les techniques d'assèchement pour les peintures, les textiles, les objets en bois, en ivoire, en os et autres objets archéologiques. Des listes d'associations, de centres de recherche dans le domaine de la conservation, de fournisseurs et une imposante bibliographie achèvent cet ouvrage, qui aura fourni à son lecteur attentif autant d'informations pratiques que scientifiques, occasion bienvenue pour les responsables des collections patrimoniales de parfaire leurs connaissances en chimie organique, tout en acquérant les éléments techniques et méthodologiques pour une meilleure maîtrise des conditions de conservation de leurs collections.